Arrêts de travail : Les propositions du rapport Bérard Oustric Seiller
Télétravail, prévention, contrôle... Jean-Luc Bérard, Stéphane Oustric et Stéphane Seiller ont remis leur rapport sur la prévention, l’efficacité, l’équité et la maîtrise des arrêts de travail au Premier Ministre.
Le Premier Ministre Édouard Philippe a demandé à Jean-Luc Bérard, directeur des ressources humaines du groupe Safran, Stéphane Oustric, médecin généraliste et professeur d’université, et Stéphane Seiller, conseiller-maître à la Cour des comptes, de se pencher sur la hausse des indemnités journalières. Les trois spécialistes ont rendu leur rapport le 20 février.
Pendant les trois prochains mois, le Gouvernement conduira une réflexion avec les partenaires sociaux pour “identifier les sujets sur lesquels les partenaires sociaux ont vocation à négocier et ceux sur lesquels une concertation est préferable”, indique le cabinet du Premier Ministre.
La prévention avant tout
1. Les premières propositions visent à encourager la prévention primaire pour diminuer les arrêts longs, qui concentrent une partie majoritaire des indemnités journalières. Les rapporteurs proposent à l’Assurance maladie, en liaison avec les branches d’activité, « de s’inspirer des profils simples d’absentéisme » fournis par les organismes de prévoyance qui permettent aujourd’hui aux entreprises de comparer leur absentéisme avec celui de leur secteur d’activité. Par ailleurs, les rapporteurs proposent de rendre obligatoire pour l’entreprise « un diagnostic de sa situation d’absentéisme pour maladie et le cas échéant, de définition d’un plan d’action de prévention ». Les rapporteurs proposent même de moduler le taux de cotisation maladie des entreprises en fonction de l’écart du profil de sinistralité d’une entreprise par rapport à son secteur d’activité. Un bonus pourrait être proposé pour les entreprises présentant des populations à risque comme les salariés âgés ou en situation d’handicap.
2. Renforcer les actions de prévention tertiaire de la désinsertion professionnelle pour réduire la durée des arrêts longs et favoriser le retour à l’emploi. Les rapporteurs constatent plusieurs dysfonctionnements et demandent “une remise à plat des règles d’indemnisation des arrêts de travail, notamment des durées, et de l’invalidité”. Plusieurs pistes sont avancées pour permettre aux salariés de retourner progressivement au travail après un arrêt long : temps partiel thérapeutique, télétravail pour raison de santé, visite de pré-reprise, période de formation pendant l’arrêt de travail….
Prendre en compte le vieillissement des salariés
Le rapport indique les arrêts de travail des seniors contribuent fortement à l’augmentation de la dépense globale. Ils demandent que la future réforme des retraites prenne en compte la gestion des fins de carrière. Des actions d’adaptation du poste de travail, des dispositifs de retraite progressive ou de réduction progressive d’activité ainsi que de retraite pour inaptitude sont évoqués.
3. Donner de meilleurs outils aux médecins pour une prescription pertinente des arrêts de travail. Cela passé par la diffusion et actualisation de "fiches répères" d’aide à la prescription. Les rapporteurs demandent que "tout médecin, y compris hospitalier, puisse avoir accès, de façon dématérialisée à un tableau de bord pour décrire sa pratique arrêt de travail et la comparant avec celles de ses confrères".
Le télétravail comme alternative
4. Offrir des alternatives à l’arrêt de travail au temps complet. Depuis janvier 2019, les médecins peuvent prescrire un arrêt à temps partiel à tous les patients, et pas uniquement à ceux concernés par une affection de longue durée ou relevant du risque professionnel. La mission propose que les médecins puissent prescrire le travail à domicile, sous forme de télétravail. Les rapporteurs précisent les possibles modalités d’application de la mesure : le télétravail serait facultatif pour le salarié, le médecin ferait dans tous les cas un avis d’arrêt transmis à la CPAM. Un nouvel item « « alternative: télétravail autorisé (si possible) » figurerait dans le formulaire. Le salarié serait donc libre de choisir cette option ou pas. Le télétravail a vocation a être proposé en priorité aux salariés travaillant dans une entreprise ayant mis en place un accord sur le télétravail. Enfin, l’employeur pourrait également accepter ou refuser le télétravail.
Revoir les règles du contrôle
5. Contrôler plus efficacement les abus. Les rapporteurs proposent de généraliser la télétransmission de l’avis d’arrêt de travail fournis par les organismes d’assurance maladie aux médecins prescripteurs. La mesure avait été introduite à la LFSS 2019 et rejetée par le Conseil constitutionnel qui l'avait considérée comme un cavalier législatif.
Les rapporteurs considèrent que le système des horaires de sortie autorisée ne présente "aucun intérêt thérapeutique". Ils dénoncent que “l’essentiel des arrêts suspendus suite aux contrôles résultent d’une absence au domicile au moment du contrôle, et non pas du caractère médicalement injustifié de l’arrêt”. Ils proposent donc de supprimer les obligations de présence au domicile ou de maintien dans la circonscription de la caisse primaire. La mission demande également de réinvestir le contrôle des arrêts courts. Il faudrait également que les sociétés qui organisent des contre-visites pour le compte de l’employeur revoient leur modèle, estiment les rapporteurs. Et que les conséquences de la contre-visite soient revues.
6. Dépasser la problématique des jours de carence. Les rapporteurs citent deux études de l’Irdes et de l’Insee contradictoires sur l’éventuel effet du jour de carence dans la durée de l’arrêt. Ils évoquent la possibilité d’instaurer un jour de carence d’ordre public qui ne pourrait pas être pris en charge par les accords de branche ou d’entreprise. Cette mesure n’aurait pas d’effet économique notable, mais introduirait une certaine équité entre les salariés du secteur public soumis à un jour de carence et ceux du privés, souvent mieux couverts par des accords de branche. Ils concluent que le jour de carence public “ ne soit envisagée que comme contrepartie à des évolutions permettant une meilleure prise en charge de certaines populations de salariés non couvertes par le complément employeur prévu par la loi de mensualisation (voir proposition suivante)”.
7. Viser conjointement équité et allègement des coûts de gestion. D’un côté, la mission propose de simplifier les calculs d’indemnisation de la part versé par la Sécurité sociale. D’autre part, elle propose d’étendre le complément employeur à l’ensemble des catégories de et d’aligner les conditions d’ouverture sur celle de la Sécurité sociale. Il s’agit de généraliser le deuxième étage d’indemnisation, celui qui intervient après la Sécurité sociale et avant celui de l’assureur La mission admet que le coût de cette mesure devrait être évalué et qu’il pourrait être compensé par les économies liées aux actions de prévention. Elle propose par ailleurs « de forfaitiser l’indemnité journalière versée par la Sécurité sociale au titre des 30 premiers jours d’arrêt de travail. Aujourd’hui l’indemnité journalière est égale à 50 % du salaire plafonné à 1,8 Smic ”.
8. Combler le déficit de données et d’analyses, en généralisant le système d’échanges dématérialisés PrestIJ entre l’assurance maladie et les organismes complémentaires, disponible depuis 2015. Par ailleurs, les rapporteurs citent le déploiement de la DSN comme une outil pour les organismes complémentaires de mener des actions plus précoces de prévention de la désintertion.
9. Enfin, les rapporteurs suggèrent de créer un cadre de pilotage et de gouvernance du système d’indemnisation des arrêts de travail des salariés du secteur privé. L’Assurance maladie serait au centre de la gouvernance, aux côtés des partenaires sociaux, mais les rapporteurs proposent que des représentants des organismes complémentaires aient un rôle consultatif, aux côtés des représentants des patients, des médecins prescripteurs et des services de santé au travail.
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