Arthur Charpentier est professeur d'actuariat à l'université du Québec de Montréal. Ancien directeur des études de l'Institut des Actuaires, il revient sur les avancées en termes de modélisation des risques Cat' Nat' et sur les limites du régime actuel.
Où en est la modélisation du risque catastrophe en France ?
Beaucoup de progrès ont été faits, notamment grâce à l’apport de l’analyse de géologues et des hydrologues qui ont modélisé l’exposition théorique aux risques catastrophes. Nous disposons aujourd’hui de cartes incroyablement précises qui permettent de connaître la nature des risques rue par rue en France, aussi bien sur l’inondation que sur la sécheresse. Pour autant, cette vision statique résiste mal à une approche en termes de flux. Ainsi, nous avons des historiques de données parmi les plus fournis du monde, mais l’existence d’un simple barrage installé en amont d’une commune peut modifier la réalité du risque sur le terrain.
Le régime des catastrophes naturelles actuel est-il viable ?
Oui. Le régime des catastrophes naturelles est viable. Parce que l’Etat intervient en dernier ressort. Cela solvabilise le dispositif. Cependant, le mécanisme va à l’encontre de la prévention. Certes, le système d’indemnisation, et plus particulièrement de franchises, tient compte de la mise en place ou non de Plans de prévention des risques naturels (PPRN) dans les communes. Mais dans un schéma ex-post, c’est-à-dire après la survenue de l’évènement. La prévention est le maillon fondamental qui manque au régime tel qu’il est conçu actuellement. Toute réforme qui introduirait une dose de prévention irait dans le bon sens.
La gestion des risques naturels est-elle bien organisée en France ?
Assureurs, communes, régions, état... la gestion des risques naturels fait intervenir beaucoup d’interlocuteurs différents. On finit par ne plus savoir qui fait quoi. Cela manque de coordination. Ainsi, mettre en place un plan de prévention du risque inondation (PRI) dans une commune est une bonne chose. Mais s’il n’est pas conçu en tenant compte des communes alentours, cela en limite la portée. Il existe des mécanismes de dépendance sur le risque inondation qui ne sont pas circonscrits aux limites géographiques d’une ville ou d’un village.
Faudrait-il aller vers plus de segmentation du risque ?
Force est de constater que le niveau de prime payé par les assurés en catastrophes naturelles est décorrélé du risque auquel ils sont réellement exposés. Il y a quelques mois, notre chaire de recherche (sur la segmentation et la mutualisation) s’était penchée sur la question. Nous devions réfléchir sur les limites éthiques de la segmentation du risque catastrophes. Les calculs actuariels de l’exposition au risque montraient des écarts monstrueux entre les Bouches-du-Rhône et l’Orne par exemple. Le sujet semble tabou chez les assureurs. Mais tarifer en fonction de la réelle nature du risque serait pourtant un puissant outil de prévention. Les entreprises réfléchiraient à deux fois avant de s’installer en zone inondable.
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