Assurance emprunteur : Les sénateurs suppriment la résiliation à tout moment
Sans surprise, les sénateurs ont adopté la proposition de loi de la députée Patricia Lemoine sur l'assurance emprunteur en supprimant la résiliation à tout moment. Les débats dans l'hémicycle ont parfois été houleux.
Le 26 janvier, les sénateurs ont examiné la proposition de loi de la députée Patricia Lemoine sur la résiliation à tout moment. Passé auparavant sous les fourches caudines de la commission des Affaires économiques, le texte avait été vidé de sa mesure phare, à savoir la possibilité de résilier son contrat à tout moment. « Pourquoi avoir vidé le texte de sa substance alors que vos collègues Les Républicains à l'Assemblée nationale y étaient favorables ?, s'est interrogé, lors du scrutin public, Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé du Tourisme, des Français de l'étranger et de la Francophonie, et des Petites et Moyennes Entreprises. C'est du pouvoir d'achat en plus et on ne crame même pas la caisse ».
Le gouvernement qui soutenait plusieurs amendements visant à rétablir la résiliation à tout moment a tenté de faire changer la majorité sénatoriale d'avis. Mais en vain. « La RIA ne permettra pas de rendre 5.000 à 15.000 euros à nos concitoyens. Elle ne permettra pas 550M d'euros d'économie. Ces chiffres sont faux. Ils sont gonflés pour paraître impressionnants, a lancé Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des Affaires économiques du Sénat. La question est la suivante : cette mesure va-t-elle entraîner des gains de pouvoir d'achat sans créer de risque ? La réponse de la commission est que le jeu n'en vaut pas la chandelle ».
Indignation et rappel au règlement
Comme l'impose le protocole lors d'un scrutin public, les différents groupes politiques se sont succédés à la tribune pour expliquer leur vote. « Les modifications adoptées en commission réduisent à néant la portée de la proposition de loi. Sauf à répondre aux demandes du lobby bancaire, nous ne comprenons pas cette attitude », s'emporte Daniel Salmon, membre du groupe écologiste au Sénat. Indignation dans les travées de l'hémicycle.
« Nous avons tout loisir de débattre, arguments contre arguments, données contre données. Je ne laisserai pas dire qu'un rapporteur ou un groupe politique se laisse influencer par les lobbies ! Chacun avait accès aux auditions », lui répond alors Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques. Le sénateur Daniel Salmon écope alors d'un rappel au règlement.
A chacun ses chiffres
Le clivage sur la résiliation infra-annuelle transpirait dans chacune des prises de parole. Le Sénat se retrouvant clairement coupé en deux camps, chacun d'eux invoquant ses propres chiffres pour appuyer son plaidoyer. « Nous entendons que cette PPL ouvrira ce marché à la concurrence. Or la concurrence existe déjà comme l'atteste la rapport du CCSF. Les tarifs ont baissé de 40% depuis 3 ans. Les assureurs alternatifs ont une part de marché de 25% sur les nouveaux flux. Il me semble que l'ouverture du marché est là. Et si les banques ont conservé 85% de part de marché sur le stock c'est qu'elles ont baissé leur tarif pour faire face à l'arrivée de nouveaux entrants », argue Daniel Gremillet.
« On peut craindre que la péréquation entre les bons risques et les mauvais risques principe même de l'assurance ne se fasse plus. Je crains que l'ouverture de la résiliation infra-annuelle ouvre la voie aux démarcheurs. Nous sommes contre la dérégulation et pour la mutualisation", ajoute Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des Finances. Un argument balayé d'un revers de la main par la sénatrice de l'Yonne Marie Evrard : « La résiliation infra-annuelle pénaliserait les plus fragiles. Je ne comprends pas cet argument sachant qu'à 23% les contrats alternatifs sont souscrits par les plus de 60 ans ».
« Les tarifs des plus de 55 ans ont déjà augmenté de 33% en 3 ans, lui rétorque Daniel Gremillet. Car les banques augmentent les marges sur les publics les plus fragiles qui ne peuvent pas faire jouer la résiliation. Nous avons préféré renforcer l'information aux consommateurs ».
Fin du questionnaire médical
Le texte voté par le Sénat supprime certes la résiliation à tout moment, mais ajoute de nouvelles dispositions. Parmi elles, figure une meilleure information des assurés sur leur droit à résiliation via « papier ou sur tout autre support durable ». Mais la mesure la plus emblématique concerne la suppression du questionnaire médical. « C'est pour aller vers plus d'égalité que nous avons supprimé le questionnaire médical. C'est une avancée historique, une mesure de solidarité qui facilitera la vie de millions de nos concitoyens », estime Daniel Gremillet. Les élus Les Républicains présents dans l'hémicycle applaudissent. Concrètement, pour des emprunts inférieurs à 350.000 euros et dont le terme arrive avant leur 65e anniversaire, les assureurs ne pourront plus demander de questionnaire médical.
« La suppression pure et simple du questionnaire risque au contraire de conduire à un renchérissement massif des tarifs, prévient Jean-Baptiste Lemoyne. Méfions-nous des solutions de facilité, qui peuvent être contreproductives ».
Mis au vote, le texte de la commission est adopté par 277 voix pour et 0 contre sur les 342 votants présents.
Le parcours législatif se poursuit
« Nous nous en remettrons à la navette », a acté Marie Evrard. Car le parcours de la proposition de loi n'est pas terminé. Sénateurs et députés vont se réunir en CMP pour tenter de trouver un texte commun. En cas de désaccord, la petite loi issue du Sénat reviendra devant l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot.
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