Assurance vie : « 60% des encours de Swiss Life seraient concernés par la flat tax »
INTERVIEW - Eric le Baron, directeur général de Swiss Life Assurance et Patrimoine, affirme que le projet de modifier la fiscalité de l'assurance vie en créant une flat tax à 30% pour les contrats supérieurs à 150.000 euros aura un impact sur environ 60% des encours de Swiss Life.
Combien de vos clients en assurance vie ont-ils des contrats supérieurs à 150.000 euros ?
J'ai entendu des chiffres irréalistes de la part du gouvernement, qui affirme que seulement 3% des contrats seront concernés par la réforme de la fiscalité de l'assurance vie. Nos estimations sont totalement différentes ! Je pense que la proportion des contrats supérieurs à 150 000 euros représente environ 50% des encours du marché. Pour Swiss Life, la proportion est de l'ordre de 60% de nos encours vie.
Quel impact peut avoir la « flat tax » sur le marché ?
Le fait de faire évoluer le montant de la taxe de 23% à 30% n'est pas très important. Le vrai sujet est de préserver une certaine incitation à l'épargne longue. Aujourd'hui, l'assurance vie est un produit qui présente un taux de rachat faible et des encours stables qui favorisent l'investissement à long terme. Une « flat tax » peut avoir l'effet contraire, à savoir, favoriser la transférabilité des fonds d'un établissement à l'autre.
Quelle sera la réaction de la clientèle après l'adoption d'une telle mesure ?
Les épargnants avec un patrimoine important sont plus sensibles aux mesures fiscales incitatives. Ils pourraient même être incités par certains assureurs à faire bouger leurs fonds d'un contrat à l'autre et la durée de détention des contrats va forcément baisser. L'impact sera plus conséquent sur les fonds euros, qui risquent d'être pénalisés en cas d'arbitrage.
Et en cas de remontée rapide des taux ?
C'est une bonne illustration des effets déstabilisants de cette réforme, car les épargnants risquent de faire des rachats sur les contrats en cours et d’investir dans de nouveaux contrats plus rémunérateurs. Le risque est de voir les encours se balader sans aucun frein, alors qu'aujourd'hui, en cas de remontée des taux, les épargnants privilégient le long terme grâce à cette fiscalité réduite au bout de 8 ans.
Quelles conséquences pour les assureurs ?
Sans cette taxe dégressive en fonction de la durée de détention, le business model de l'assurance vie sera bouleversé et le marché déstabilisé. Cette réforme n'apportera rien mais risque d'avoir un impact sur la rentabilité des contrats et sur la solvabilité des assureurs.
Concrètement, est-il possible d'appliquer cette taxe uniquement sur les versements futurs ?
C'est très difficile de faire la différence entre les anciens versements et les versements futurs au sein d'un même contrat. Je ne vois pas comment on peut découper la fiscalité en fonction des encours. Une autre difficulté concernera les personnes qui détiennent différents contrats chez plusieurs compagnies. C'est un casse-tête car certains clients peuvent également être tentés de répartir leurs avoirs sur plusieurs contrats pour échapper à la mesure.
Êtes-vous prêts à intégrer ce changement de fiscalité dès 2018 ?
Sur le plan technique, nous ne sommes pas prêts du tout, mais on s’adaptera bien sûr comme les autres acteurs si nécéssaire. Je ne sais pas aujourd’hui comment nous pourrons gérer les transferts des épargnants qui n'auront plus aucun frein pour sortir des contrats. Cela dit, pour Swiss Life, la flat tax aura un impact moins important que pour certains acteurs du marché qui enregistrent une faible collecte nette.
La Fédération française de l'assurance propose comme alternative d'appliquer le taux d'imposition réduit à 23% après 10 ou 12 ans de détention, au lieu de 8 ans comme c'est le cas actuellement. Que pensez-vous de cette mesure ?
C'est une mesure qui maintient les principes du système actuel ; une idée qui avait déjà été soumise au précédent gouvernement sans succès. Cela aurait a minima le mérite de rallonger la durée moyenne de détention des contrats pour les investissements importants.
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