INTERVIEW – Jérôme Bonizec, directeur général d'Adéis, revient sur l'avenir du groupement de protection sociale, dans un contexte de rapprochement d'Humanis, l'un de ses membres fondateurs, avec le groupe Malakoff Médéric.
Quel est l'avenir d'Adéis dans le futur MMH (Malakoff Médéric -Humanis) ?
Apicil, Humanis et Malakoff Médéric sont des groupes paritaires et mutualistes au sein desquels le poids des branches professionnelles et l’ambition sur ce marché sont importants. Avec ce projet de rapprochement, l’addition du portefeuille actuel suivi par le groupement Adéis, et de celui détenu par Malakoff Médéric, représenterait un peu moins de la moitié des branches dotées d’un régime. Lorsqu’on projette la réunion des périmètres actuels, Adéis (Apicil Prévoyance, Humanis Prévoyance, Ipsec) et Malakoff Médéric sont présents dans 95 branches nationales, dont une quinzaine tenue en commun. On recense à ce jour 215 branches nationales ayant négocié un régime de frais de santé et/ou de prévoyance.
Est-ce qu’il sera conservé l'esprit d'un groupement ouvert ?
La réponse ne m’appartient pas, c’est un sujet qui devra être traité par les gouvernances et les directions générales de chacun des membres d’Adéis d’une part, et celles du groupe Malakoff Médéric d’autre part. Pour mémoire, Adéis a été créé en 2012 dans un contexte de fusion de différents groupes investis dans le développement des accords de branche. Dans un nouveau contexte d’évolution du périmètre des membres d’Adéis, la question est à nouveau sur la table. Nous mobiliserons nos compétences au service du choix qui sera fait.
Malakoff Médéric a de fortes ambitions sur le courtage, vous testez de votre côté de nouveaux modèles de distribution des régimes de branches. Quelles sont les synergies possibles ?
Nos expériences de distribution des régimes de branches, dans un contexte de liberté contractuelle des entreprises avec la fin des désignations, pourront être partagées, que ce soit sur la vente à distance, le digital, le recours à des réseaux de distribution partenaires… On peut penser que le partage de ces expériences sur les nouveaux canaux de distribution des offres de branches nous amène à tirer des conclusions plus rapides sur les modèles les plus efficaces.
Quel sera l'impact de la réforme du reste à charge zéro sur les accords de branche ?
Tous les accords de branche vont être impactés par plusieurs évolutions : les régimes frais de santé par la réforme sur le reste à charge zéro et les régimes de prévoyance par la fusion Agirc-Arrco et la redéfinition des collèges cadres. L'impact du reste à charge zéro sur les cotisations sera probablement assez important pour les branches, notamment parce que les paniers de soins négociés dans les branches sont souvent des niveaux d’entrée ou de milieu de gamme. Des interrogations persistent par ailleurs sur le statut cadre et les obligations de couverture prévoyance qui en découlent. La quasi-totalité des accords de branche devra donc être renégociée à partir de 2019, dans un contexte plus global de renégociation des recommandations mises en place en 2014 et 2015.
Où en est-on dans le rapprochement des branches ?
Le ministère du Travail semble assouplir quelque peu sa position sur le respect des échéances qui étaient fixées au mois d’août 2018, concernant les branches tenues de s’engager dans une démarche de restructuration, notamment celles comptant moins de 5.000 salariés. Elles devraient disposer d’un peu plus de temps, d’ici la fin de l’année au moins. Deux logiques de rapprochement coexistent dans les discussions : d'un côté, certaines branches qui cherchent à se regrouper sur la base d’une communauté de métiers, dans des secteurs différents, comme le commerce de détail, ou les métiers de l'expertise par exemple. De l'autre côté, des branches d’un même secteur d'activité qui réfléchissent à des organisations par filières, de la production à la distribution, comme par exemple dans les métiers des équipements et articles de sport. Cette logique de rapprochement verticale est assez nouvelle et certainement très ambitieuse... Peut-on imaginer pour autant que l'amont et l'aval d’une filière puissent discuter plus facilement de la juste répartition des marges s’ils se retrouvaient dans une même branche ?
Où en sont-elles dans le rapprochement de la protection sociale ?
Le sujet de la protection sociale est assez consensuel dans les débats sur le rapprochement des branches. Il n'y a pas de trop grandes différences entre les accords, d'une branche à l'autre. De notre point de vue, la protection sociale est un sujet qui permet à des branches d'apprendre à se connaître, avant même de structurer un rapprochement sur l’ensemble des thèmes de la négociation collective. Nous invitons d'ores et déjà les partenaires sociaux à réfléchir, en amont des restructurations de branches, à la possibilité de créer des régimes de protection sociale inter-branches, leur permettant d’administrer ensemble un dispositif commun. Ce pourrait être une sorte de « bague de fiançailles ».
Est-ce que les partenaires sociaux sont réceptifs à cette proposition ?
Dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, plusieurs branches semblent ouvertes à mettre en commun deux ou trois régimes de branche pré-existants sur la prévoyance et la santé, comme prémisse à de possibles rapprochements entre leurs conventions collectives. Je pense que nous aurons à partir de 2019, dans le cadre des renouvellements des recommandations faites dès 2014, des demandes visant à la constitution de régimes uniques inter-branches.
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