Les Llyod's couvrent le joailler Leviev dérobé à Cannes pour un montant de 103M d'euros. Ce nouveau vol détériore un marché de l'assurance de bijoux en souffrance. Et ce mercredi, un énième braquage a eu lieu à Cannes.
Leviev, la maison de joaillerie, victime d’un vol spectaculaire à l’hôtel Carlton de Cannes est assurée auprès du marché d’assurance des Lloyd’s à Londres. Le larcin réalisé dimanche 28 juillet par un seul individu, en plein cours de l'exposition "Extraordinary Diamonds" dans l’hôtel, constitue un butin de 103M d’euros, a indiqué le parquet de Grasse. Il s’agit du plus important vol de bijoux commis en France.
Contactée par la rédaction de News Assurances PRO, un porte-parole des Llyod’s assure que "le marché d’assurance des Llyod’s cherche toujours à établir, le versement des indemnités valables aussi rapidement que possible" et d’ajouter que "les polices individuelles sont des arrangements commerciaux entre le souscripteur et le client". Les caractéristiques du contrat, garanties, exclusions et obligations restent donc, bien entendu, confidentielles et négociées.
Défaillances de sécurité
Mais la situation semble assez mal engagée pour le joaillier Leviev tant apparaissent dans le récit du vol des défaillances de sécurité et un manque de précautions pour ce type d’événement. "Les consignes de sécurité de l’assureur sont très précises habituellement, qu’il s’agisse du système de sécurité ou des moyens humains. Ni l’un ni l’autre n’ont semblé à la hauteur alors qu’un seul homme est intervenu", explique un assureur.
"La police n’était même pas prévenue, 5 mallettes représentant le coffre ont été transportées en même temps, une porte est restée ouverte dans un hôtel où l’on peut rentrer presque avec sa serviette de plage et les vigiles n’étaient pas armés. Tout cela semble un peu simple, il y a un manque flagrant de surveillance", estime une autre source.
Les diamants ne sont pas éternels
Le joaillier a donc de fortes chances de ne pas pouvoir se faire rembourser. En outre, "sur les 103M d’euros volés, les assureurs des Llyod’s pourraient ne couvrir que le prix fabricant comme cela se fait souvent, soit environ 50M d’euros", estime Gilles Caudrelier, responsable bijouterie-joaillerie chez Verspieren.
Quoi qu’il en soit, le joaillier a dû dépenser des "primes qui sont aujourd’hui exorbitantes sur les Lyod’s", souligne pour sa part Diana de Moutis, responsable de Gras Savoye Patrimoine. Selon elle, pour une exposition de bijoux de cette valeur, elles peuvent être de 2 à 3% de la valeur agréée soit 2-3M d'euros.
Une source proche de l'enquête, citée par l'AFP, indique que sur les 72 pièces (bagues, rivières de diamants, pendentifs, etc), seules les "34 d'exception" qui valent "plusieurs millions de dollars chacune", étaient assurées d'un montant avoisinant les "20.000 à 40.000 euros" pièce.
Le marché de l'assurance de bijoux en souffrance
Peu d’assureurs aujourd’hui assument de prendre ces risques en bijouterie. On compte surtout les réassureurs suisses et allemands (Swiss Re, Hannover Re, Munich Re, Allianz Re) et les Llyod’s, qui mutualisent le risque en syndicats d’assureurs et ont des capacités importantes grâce à leur dimension internationale. Ce segment du marché du luxe se porte très mal.
Les assureurs deviennent de plus en plus frileux. "En bijouterie, pour les professionnels comme les particuliers (à cause de l'obligation de déclaration à l'ISF pour être assuré), nous pensons qu’il va s’éteindre, nous sommes très pessimistes", confie Diana de Moutis chez Gras Savoye.
"Avec environ 600 braquages de bijouteries l’année dernière, 350 à 400 cette année, les statistiques empirent d’année en année. La criminalité augmente fortement depuis 2009 avec la hausse du cours de l’or", commente Gilles Caudrelier chez Verspieren. Les syndicats hôteliers se montrent également très opposés à l’exposition de bijoux de valeur dans les hôtels. En 1994, un braquage sanglant avait déjà eu lieu au Carlton, poussant la mairie à interdire les expositions temporairement.
Plus récemment deux autres cambriolages ont eu lieu sur la Côte d’Azur pendant le Festival de Cannes (le joaillier suisse De Grisogno et la maison Chopard) pour des montants de 1 à 2M d’euros. Et, ce mercredi 31 juillet, trois jours après le vol du Carlton, un énième braquage s'est déroulé à Cannes chez un horloger de luxe (Kronometry), situé en face du palais des festivals. Le montant du butin n'est pas connu.
Cela devrait avoir des répercussions sur le marché même si sur les Llyod’s, les primes n’ont pas encore bougé, nous dit-on chez Gras Savoye.