Bruno Angles : "Notre plan d'entreprise est à la fois offensif et défensif"
INTERVIEW – Rigueur budgétaire, plan de redressement, accélération de la croissance en épargne retraite et patrimoniale, développement en IARD… Bruno Angles, directeur général d’AG2R La Mondiale, détaille les 8 objectifs du plan d’entreprise 2023-2025.
Six mois après votre nomination à la tête d’AG2R La Mondiale, vous venez d’adopter un plan d’entreprise pour la période 2023 à 2025. Vous l’avez appelé « Nouvelle donne ». S’agit-il de marquer une rupture avec votre prédécesseur ?
Notre plan d’entreprise 23-25, après avoir a été adopté à l’unanimité par les conseils d’administration de l’Association sommitale et de la Sgam, est en cours de présentation auprès des instances représentatives du personnel dans le cadre du processus d’information consultation.
Notre environnement a changé avec une nouvelle donne externe : la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie, la montée de l’inflation et des taux d‘intérêt… De plus, à ces changements profonds s’ajoutent des incertitudes sur plusieurs de nos métiers, comme la réforme des retraites, les transferts de charges entre l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires ou encore le spectre d’une Grande Sécu. Pour faire face à cette nouvelle donne externe, il nous fallait répondre par une nouvelle donne interne, avec deux valeurs cardinales : l’agilité et la responsabilité, à tous les niveaux de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle nous avons appelé ce plan « Nouvelle donne » avec une signature : « Tous agiles et tous responsables ».
Vous avez une forte volonté de transformation. Quelle est votre méthode ?
Face à tout type de problème, ma méthode consiste à raisonner en trois phases : établir un diagnostic précis et sans complaisance, fixer un plan d’actions et ensuite s’assurer de sa mise en œuvre effective et de son suivi.
Six mois après votre arrivée, quel est donc votre diagnostic sur AG2R La Mondiale ?
Les pertes cumulées d’AG2R Prévoyance sur 10 ans s’élèvent à 400 millions d’euros. Nous devions donc améliorer rapidement et significativement la rigueur de notre exécution budgétaire.
Par exemple, en 2019, le Groupe s’était engagé auprès de l’ACPR à réaliser 55M d’euros de réduction des frais assurantiels en trois ans. À l’été 2021, sur ces 55M d’euros, il en restait 59M à faire ! J’ai considéré qu’il était dans l’intérêt du groupe de maintenir cet objectif même s’il restait peu de temps pour l’atteindre. Tenir nos engagements budgétaires est primordial pour des raisons de compétitivité et de crédibilité vis-à-vis à l’ensemble de nos parties prenantes. A la fin de l’année 2022, nous serons à la cible et nous aurons démontré que nous avons su collectivement relever ce défi.
Quels sont les principaux axes de votre plan stratégique ?
Notre plan comporte plusieurs chantiers, certains dits défensifs et d’autres résolument offensifs. Parmi les premiers, il y a le redressement d’AG2R Prévoyance, le changement de braquet en matière de systèmes d’information et de digital, avec un plan d’investissement de plusieurs millions d’euros, et le renforcement des moyens alloués à la conformité.
Concernant le redressement d’AG2R Prévoyance. Comment allez-vous parvenir à dégager les 130M d’euros d’économies annoncés ?
Le plan de redressement a été adopté à l’unanimité le 9 juin dernier par le Conseil d’administration d’AG2R Prévoyance. Il prévoit un retour à l’équilibre à horizon 2025. Pour ce faire, nous devons dégager 130M d’euros d’économies avec 60% de nos efforts qui portent sur des mesures de tarification et 40% sur nos coûts. Nous ne pouvons plus continuer à vendre à perte. Si nous ne sommes pas un groupe coté et n’avons pas de dividendes à verser, cela ne nous exonère pas pour autant d’avoir une gestion rigoureuse dans la durée.
Allez-vous également augmenter les taux de chargement de vos contrats, comme le font vos concurrents ?
Il faut augmenter les chargements et réduire nos frais afin de faire converger les frais réels et les taux de chargement.
Envisagez-vous de sortir de certaines branches, comme Malakoff Humanis ?
Nous privilégions le dialogue et la pédagogie pour faire comprendre aux branches qu’elles doivent payer le juste prix. Dans le cas où nous ne parviendrions pas à nous mettre d’accord, nous serions prêts à résilier, mais jusque-là, nous avons toujours réussi à faire accepter les indexations tarifaires à nos clients.
Faut-il s’attendre à une baisse de chiffre d’affaires pour AG2R Prévoyance en 2023 ?
Il est trop tôt pour préjuger du chiffre d’affaires d’AG2R Prévoyance en 2023 mais la croissance doit être rentable. Entre faire de la croissance non rentable ou accepter une décroissance temporaire pour redevenir rentable, je préfère la deuxième option.
Continuez-vous à répondre aux appels d’offres sur le marché des branches professionnelles ou bien êtes-vous plus sélectif ?
Nous continuons à répondre aux appels d’offres, avec un tarif au juste prix.
Sur les volets offensifs, vous avez affiché des ambitions de croissance en épargne retraite et patrimoniale. Quel type d’acteur souhaitez-vous intégrer ?
Nous voulons développer encore la croissance rentable de nos métiers en épargne retraite et patrimoniale, à la fois par croissance organique et par croissance externe. Nous regardons actuellement plusieurs dossiers, soit sous forme de rachat de portefeuilles soit sous forme de rachat de société. Nous sommes présents en France et au Luxembourg et nous n’irons pas sur des géographies nouvelles.
Par ailleurs, dans le cadre du plan d’entreprise 23-25, nous confirmons notre volonté de nous développer en IARD pour deux raisons : proposer une offre complémentaire à nos assurés et renforcer notre solvabilité. Ce n’est pas que parce que le rapprochement avec Matmut n’a pas marché que les bonnes raisons qui avaient conduit à ce projet ont disparu.
Nous avons appris que vous avez choisi de travailler avec Maif sur ce chantier IARD. Confirmez-vous officiellement cette information ?
J’ai lu cela dans la presse. Je n’ai pas l’habitude de communiquer sur un projet avant qu’il ne soit finalisé, approuvé et signé. La seule chose que je peux dire c’est que si le partenaire retenu était Maif, ce ne serait pas un mauvais choix.
Quelle forme pourrait prendre ce partenariat ?
Dans le domaine de l’IARD, nous souhaitons mettre en place un partenariat de distribution croisée, qui nous permettrait de proposer à nos assurés des offres MRH et auto que nous n’avons pas sur étagère et, à l’inverse, si le partenaire a des clients qui peuvent être intéressés par des solutions en santé prévoyance ou assurance vie, nous pourrions lui proposer nos offres. Je suis convaincu qu’un partenariat de distribution croisée est beaucoup plus fort qu’un partenariat de distribution simple.
Vous avez également adopté un nouveau référentiel « faire partie du groupe ». Avez-vous réussi à simplifier la gouvernance du groupe ?
Parmi les 8 objectifs du plan 2023, figure la mise en œuvre du référentiel « Faire partie du Groupe » dans toutes les entités du groupe. Ce référentiel, adopté 23 jours après ma nomination, aborde les ressources humaines, les systèmes d’information, le marketing, la communication, la marque, les risques… nous avons défini 65 principes et règles pour les membres du groupe et ceux qui souhaiteraient nous rejoindre. L’objectif est d’avoir un fonctionnement collectif efficace dans un environnement devenu extrêmement concurrentiel.
Êtes-vous en discussion avec d’autres mutuelles pour rejoindre le groupe, en particulier positionnées sur la protection sociale complémentaire des fonctionnaires ?
Nous avons déjà un plan de travail assez dense à mettre en œuvre. Nous allons nous concentrer sur nos grands objectifs plutôt que de nous disperser.
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