Cagnotte du boxeur : Quelle responsabilité pour Leetchi et Arkéa ?

mercredi 9 janvier 2019
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La cagnotte récoltée sur la plateforme Leetchi pour Christophe Dettinger, soupçonné de violences à l'encontre de CRS, a créé l'émoi jusqu'au sommet de l’État. La responsabilité de la plateforme de crowdfunding et de son propriétaire Arkéa, pourrait-elle être engagée ? Éléments de réponse.

L'une des images fortes de l'acte VIII des gilets jaunes met aux prises Christophe Dettinger, ancien boxeur professionnel, aux CRS. Filmée, la scène a fait le tour des réseaux sociaux. L'ancien champion de France 2007 et 2008 a depuis été placé en garde à vue, soupçonné d'avoir agressé des gendarmes.

Parallèlement, une collecte de dons a été mise en place sur la plateforme de crowdfunding Leetchi, propriété d'Arkéa. Elle a dépassé les 100.000 euros avant d'être clôturée le 8 janvier par l'intermédiaire en financement participatif. Face au succès de la cagnotte, la polémique est rapidement née, plusieurs membres du gouvernement étant montés au créneau pour dénoncer le procédé.

Article 6 du code civil et menace d'annulation

A l'instar de Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, certaines personnalités se sont interrogées sur la légalité de cette collecte de fonds destinée à payer les frais de justice du sportif. Dans un communiqué Leetchi a affirmé que « la cagnotte était bien légale » et qu'il s'assurerait « qu'elle ne serve qu'aux frais d'avocats comme prévu par l'organisateur ». « Le transfert des fonds ne sera ainsi effectué que sur présentation de justificatifs (devis et notes d’honoraires de l’avocat) ». Le reste de la somme serait alors rendue aux donateurs.

Mais la responsabilité de la plateforme peut-elle être engagée si d'aventure la destination des fonds dépassait le simple cadre de son objectif initial ? « Il va être très difficile de prouver que l'argent récolté n'a été utilisé que pour le règlement des frais de justice. D'autant que la somme dépasse largement les montants rencontrés pour ce genre d'affaires », nous confie un avocat. La cagnotte pourrait par ailleurs tomber sous le coup de l'article 6 du code civil et être tout simplement annulée. L'argent serait alors rendu aux donateurs, sans qu'un centime n'arrive dans les poches de Christophe Dettinger ou de sa famille.

Sur fond de guerre intestine au Crédit Mutuel

Au-delà de Leetchi, Arkéa pourrait-il être mis en cause ? La Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) a envoyé un communiqué mardi 8 janvier, sommant « Crédit Mutuel Arkéa de diligenter immédiatement une enquête auprès de sa filiale Leetchi – sur la légalité et le respect des valeurs mutualistes d’une telle cagnotte ».

« Le Crédit Mutuel Arkéa n'est qu'un actionnaire dans cette histoire. Leetchi est une structure juridique autonome. Il me semble difficile d'aller rechercher la responsabilité du bancassureur », poursuit l'avocat. « Je ne vois pas en quoi cela pourrait impliquer la responsabilité du propriétaire des actions. A priori, cela ne concernerait que la responsabilité de Leetchi », estime-t-on du côté de l'ACPR. « C'est un sujet sur lequel il y aura un jour des scandales, car il n'existe pas de réel cadre réglementaire pour ces activités », poursuit un observateur.

Cette communication intervient au moment d'une nouvelle passe d'armes entre la Confédération nationale du Crédit Mutuel, dont est membre Crédit Mutuel Alliance fédérale et Arkéa, également adhérente de la CNCM, mais qui souhaite faire sécession. Le 7 janvier, Arkéa, réuni en conseil d'administration, exprimait ainsi « son incompréhension suite à la décision de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM) de rompre de manière brutale et unilatérale les discussions avant même qu’elles n’aient réellement été engagées ».

Deux jours plus tard, le Confédération « confirmait n'avoir été saisie d'aucun projet de désaffiliation », mais laissait la porte ouverte à Arkéa. « Si les dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa voulaient persister dans leur projet de sécession, il leur appartiendrait de déposer un projet de désaffiliation intégrant les demandes de l’organe central ». « Le ton de la Confédération semble s'assouplir », remarque un représentant d'Arkéa qui souhaite rester anonyme.

Pour autant, la concomittance des communications côté CNCM interroge. Arkéa, en accord avec Leetchi avait pris très tôt, mardi matin, la décision de lancer une enquête sur les conditions de création de la cagnotte destinée à Christophe Dettinger, sans attendre que la Confédération ne lui demande. Dans le contexte actuel, « le communiqué de la Confédération n'est peut-être finalement pas si anodin que cela », sourit-on chez Arkéa.

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