Captives : L’épineuse place des gestionnaires en France
Plusieurs courtiers mènent actuellement un intense lobbying pour tenter d’assouplir la législation tricolore en matière de gouvernance des captives de réassurance. En toile de fond, la volonté pour ces gestionnaires de devenir dirigeants agréés, comme cela est autorisé dans d’autres pays.
Un an après la mise en place d’une législation facilitant les conditions d’établissement de captives de réassurance en France, chacun des acteurs de ce nouvel écosystème cherche à trouver sa place. Et certains sont très actifs.
Ainsi, plusieurs courtiers spécialisés dans la gestion de captives mènent ces dernières semaines un intense lobbying auprès des autorités de tutelle tricolores, a appris News Assurances Pro. Le but, tenter d’assouplir la législation autour de ces véhicules. Notamment en termes de gouvernance. En toile de fond, ces gestionnaires soulèvent la question de la place et du statut de « captive manager » en France. Un système qui existe dans d’autres pays.
« Agréer le gestionnaire de captive comme dirigeant effectif, comme cela se fait déjà au Luxembourg, à Malte ou en Irlande par exemple, présente plusieurs avantages, argue Yannick Zigmann, directeur général de 2RS (groupe Diot-Siaci). Au-delà même de la sous-traitance de la gestion de la captive, cela permet d’abord aux superviseurs de discuter avec des professionnels qui connaissent les spécificités du métier. Cela permet de faciliter le suivi par les autorités de tutelle. Ensuite, pour les ETI* qui souhaitent aujourd’hui créer une captive, les exigences demandées aux dirigeants effectifs dont ce n’est pas le métier initial peuvent faire peur. Les captive managers permettent donc aux industriels de se décharger de ces responsabilités et leur apportent un confort dans la conduite quotidienne du véhicule », ajoute ce dernier.
La question Solvabilité 2
De leur côté, les autorités de tutelle tricolores restent fermes, malgré la volonté de dynamiser l’écosystème autour de ces véhicules. « Nous avons déjà cherché à assouplir ce cadre mais l’environnement contraint de Solvabilité 2 ne nous a pas permis de trouver comment faire bouger les lignes de manière sécurisée », fait ainsi valoir une source à Bercy. Ainsi, le régulateur compte sur une gouvernance à deux dirigeants effectifs issus de l'entreprise. L'objectif est de favoriser l’implication et l’appropriation du sujet de la gestion des risques en interne.
Pour autant, « S2 n’est pas une difficulté. Le Luxembourg y arrive très bien avec le même cadre réglementaire que nous, rétorque un fronteur du marché. La vraie question, c’est qui porte juridiquement la responsabilité comptable de la structure. Pour le moment les autorités françaises souhaitent que la direction opérationnelle de ces véhicules reste à la main des entreprises ».
Conflit d’intérêts vs internationalisation
D'autres industriels évoquent également de possibles conflits d’intérêts en cas de recours à des captive managers. En cause, « le risque que ces délégataires développent d’abord leur propre business avant de penser à l’intérêt de l’entreprise ». De leur côté, les courtiers gestionnaires avancent d’autres arguments. « Cela peut permettre de convaincre des entreprises étrangères de venir établir leurs captives en France, certains industriels allemands ayant déjà fait part de leur intérêt pour le modèle hexagonal. Sans captive manager agréé, cela peut nous couper de possibilités », indique Yannick Zigmann.
Preuve que le sujet est complexe, l’une des premières commissions de la toute jeune Fédération française des captives d’entreprise est dédiée à la gouvernance de ces véhicules. « Nous ne préjugeons pas de la suite, nous sommes ouverts à la discussion et prêts à regarder toutes les options qui permettraient aux gestionnaires de fournir un meilleur l’accompagnement des captives », indique-t-on ensuite du côté de Bercy.
« Aujourd’hui, nous n’existons pas aux yeux de l’ACPR. Avec un vrai statut, cela permettrait de dialoguer avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème, de former des professionnels et de participer à l’accompagnement du développement des captives en France », explique le patron de 2RS. Ce dernier, faute de structuration du métier d’harmonisation du statut, craint de voir naître en France des captives « mal conseillées et mal gérées ».
Alors que le texte de loi sur les captives à la française prévoit une clause de revoyure « au plus tard le 30 septembre 2025 », plusieurs projets de captives tricolores sont aujourd’hui en attente d’agrément de la part de l’ACPR (voir notre tableau ci-dessous).
*entre 2 et 10Mds d’euros de chiffre d’affaires
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