Cat' Nat' : La sinistralité devrait s'aggraver de 60% d'ici 2050 selon Covéa
Le groupe Covéa a publié un livre blanc sur le changement climatique et ses conséquences sur la sinistralité à horizon 2050. Elle pourrait augmenter de 60%.
Le groupe Covéa est un poids lourd de l'assurance dommages en France. A ce titre, il emmagasine des montagnes de données sur la sinistralité climatique depuis des années. Depuis 2011, une équipe d'experts composée de géographes, climatologues ou encore géomaticiens travaille sur la modélisation des risques climatiques et leur incidence sur la sinistralité. Le fruit de ces recherches a été synthétisé dans un livre blanc paru ce jeudi 3 février.
Concrètement, en partenariat avec la société RiskWeatherTech, l'équipe a analysé 4 risques et leur évolution d'ici à 2050, à savoir les périls inondation, sécheresse, grêle et tempête. Pour leur projection, ils ont pris le scénario RCP 8.5 du GIEC comme trajectoire d'émission et de concentration de gaz à effet de serre. Soit la projection la plus pessimiste du groupement international d'experts. « Lorsque nous observons l'évolution des températures depuis 50 ans, nous constatons qu'elles ont déjà augmenté de 1,1°C à 1,3°C selon les régions. Autrement dit, le scénario optimiste du GIEC est déjà désuet. Nos hypothèses de départ, à savoir le RCP 8.5 sont en phase avec les projections du GIEC dévoilées cet été », explique Romain Marteau, climatologue et modélisateur catastrophes naturelles au sein du Groupe Covéa.
1°C en plus, c'est 7% de précipitations supplémentaires
Les chercheurs de l'assureur mutualiste ont ensuite pris la moyenne de la sinistralité des 10 derniers exercices pour déterminer une référence en termes de sinistralité. Puis ils ont utilisé une palette de 6 à 11 modèles climatiques, selon les périls, pour estimer la sinistralité en 2050. S'agissant des inondations, l'impact est étudié sous deux angles. L'évolution des dommages liés au risque de crue lente engendrerait une croissance de 110% de la sinistralité d'ici 2050. « L'ordre de grandeur à avoir en tête est que 1°C supplémentaire entraîne 7% de précipitations supplémentaires. Cela joue nécessairement sur le débit des cours d'eau et les débordements », précise Charles Dumartinet, directeur du pôle des risques majeurs.
Pour les inondations consécutives à des crues torrentielles, de type évènement Cévenol, la sinistralité s'aggraverait de 130% par rapport à la période de référence. Les périodes de retour seraient drastiquement réduites. Les crues décennales se produiraient tous les 4,5 ans et les crues cinquentennales tous les 11 ans. « Sur les inondations, de manière générale, la croissance des dommages toucheraient notamment le pourtour méditerranéen et la façade Atlantique », alerte Romain Marteau.
Pas d'effet du changement climatique sur les tempêtes
La bonne nouvelle de cette étude concerne les tempêtes. Le changement climatique projeté dans le cadre du scénario RCP 8.5 ne devrait pas modifier l'intensité et la fréquence des tempêtes. « Dans un climat plus chaud, certains processus vont impacter à la hausse la formation des tempêtes. Mais ils sont compensés par d'autres paramètres également modifiés par le changement climatique. Si l'on prend un plan méridien entre les tropiques et le pôle Nord, le gradient de température en haute altitude va augmenter. Cela devrait accentuer les phénomènes de tempêtes. Mais dans le même temps, en surface, les températures vont également augmenter ce qui réduit les effets des tempêtes », détaille Romain Marteau.
Toujours hors régime cat' nat', les effets du réchauffement climatique sur les épisodes de grêle serait relativement mineurs. L'équipe de chercheurs de Covéa estime à 20% la hausse de la sinistralité sur les branches dommages aux biens et automobiles. « Les couloirs de grêle se situent principalement sur la diagonale du vide. Il existe donc une sous-exposition des portefeuilles sur ces territoires. Cela montre qu'il n'existe pas d'effet de proportionnalité entre la fréquence d'un événement climatique et son impact sur les sinistres », rappelle Charles Dumartinet.
Alerte sur le croissant argileux
Enfin, s'agissant de la sécheresse, le changement climatique pourrait induire un surcoût de sinistralité de 60% à horizon 2050, avec une hausse conjointe de 70% de la fréquence d'éligibilité CatNat en lien avec la sévérité des sécheresses. « Pour évaluer l'impact sur la sécheresse nous nous sommes appuyés sur les critères de définition permettant de reconnaître une commune en état de catastrophe naturelle. Il faut que le déficit hydrique dépasse une période de retour de 25 ans. Or, malgré les sécheresses de ces trois dernières années, ce seuil n'a pas été dépassé sur le territoire le plus exposé de l'Hexagone, à savoir le croissant argileux (le Bassin Parisien, les Hauts-de-France et le Centre-Est, ndlr). C'est dans cette zone que la sinistralité va croître dans les années à venir », pointe le climatologue du groupe Covéa.
Le changement climatique va davantage impacter le régime Cat' Nat'
Tous sinistres confondus, la sinistralité se dégraderait de 60% d'ici 2050. Un chiffre en deçà de celui dévoilé par la France Assureurs au mois d'octobre dernier. La fédération évoquait alors un doublement. « Cette différence s'explique par deux phénomènes. Tout d'abord, France Assureurs a basé son estimation sur 2 modèles quand nous en avons utilisé jusqu'à 11. Ensuite, les projections de la FFA intégraient l'inflation. Nous avons préféré mesurer l'impact pur du changement climatique », souligne le directeur du pôle des risques majeurs du groupe Covéa.
L'étude du groupe Covéa montre finalement que ce sont les périls couverts par le régime Cat' Nat' (sécheresse et inondation) dont le coût va le plus augmenter dans les années à venir. Les garanties TGN (Tempête, grêle, neige) sont relativement épargnées.
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