Catastrophes naturelles : Le rachat de franchise n’enchante pas les assureurs

mardi 21 mars 2017
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Un rapport remis à Ségolène Royal sur les inondations de mai et juin 2016 préconise d’introduire dans les contrats MRH le rachat de la franchise de 10% qui s’applique dans le cadre du régime Catnat. Une proposition jugée ‘illégale’ et pas souhaitable par les assureurs.

Les inondations de mai et juin dernier qui ont frappé la moitié Nord de la France auront coûté 1,2 milliards d’euros au secteur de l’assurance et soulevé des questions concernant le niveau d’indemnisation des victimes. Un récent rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur le retour d’expérience de ces inondations pointe certaines pistes pour améliorer l’indemnisation des sinistrés.

Les franchises de 10% qui s’appliquent au montant total des dommages en cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, avec un minimum de 1.140 euros pour les biens, sont « sensiblement supérieures à celles des polices d’assurance habituelles », selon les auteurs du rapport. Deuxième question sensible, le taux de vétusté qui est souvent effacé pour une période allant jusqu’à deux ans, s’applique pourtant en cas de catastrophe naturelle.

" Sentiment de double peine "

Le rapport parle du « sentiment de double peine » et pointe du doigt le fait que les conséquences d’un événement extrême reconnu cat nat sont moins bien remboursées que les dommages de la vie quotidienne.

La mission en déduit que « rien ne semble faire obstacle à ce que des polices d’assurance multirisques comportent des garanties inondation complémentaires, consistant en une sort de ‘rachat de franchise’ ou « rachat de vétusté’ » pour compenser cette différence entre les dommages issus d’une catastrophe naturelle et les autres.

Cette solution « simplifierait les choses, désamorcerait des polémiques qui vont sinon perdurer et apporterait une lisibilité et un confort global à l’ensemble des acteurs de la chaîne du système d’assurance, tout en évitant des effets d’aubaine inadéquats », selon le rapport.

Touche pas à la franchise

Le secteur de l’assurance se montre réfractaire à tout ‘rachat de franchise’. « D’abord, c’est illégal. La loi dit que les franchises sont non-rachetables en cas de catastrophe naturelle. En plus, la franchise est à mon avis nécessaire pour dissuader la fraude. Sachez que la fraude augmente de 80% en cas d’absence de franchise », indique un observateur du secteur.

Dans son livre blanc « Pour une meilleure prévention et protection contre les aléas naturels » de juillet 2016, la Fédération française de l’assurance préconise une certaine modulation des franchises pour les grandes entreprises et les collectivités territoriales. Elle préconise que l’assureur ait la liberté de fixer une franchise propre à ce type de risque en fonction de l’exposition à l’aléa, des mesures de prévention/protection prises par l’assuré, des mesures de prévention/protection prises par les pouvoirs publics.

Cependant, le rapport remis à Ségolène Royal signale que « l’augmentation de la franchise en l’absence des plans de prévention de risques dans les communes ayant bénéficié plusieurs fois d’un arrêté « Catnat » ne semble pas avoir eu l’effet incitatif espéré pour une meilleure prévention ».

Plafonner la franchise

« Dans le centre de la France et notamment à Nemours, beaucoup de commerces ont été totalement dévastés. Pour des sommes de 125.000 ou 200.000 euros de dégâts, la franchise de 10% qui est à la charge des assurés peut être trop lourde. Nous souhaitons donc faire évoluer la loi sur ce point, c’est à dire, plafonner cette franchise pour les petits risques professionnels, car elle devient insupportable à partir d’un certain niveau », affirme Stéphane Pénet, directeur du pôle assurances de dommages et de responsabilité en charge des marchés à la FFA. La question de la reconstruction et de la résilience.

Constructions plus résilientes

Le retour d’expérience des inondations de mai et juin soulève également la question de la reconstruction. Selon les auteurs, les reconstructions se font « quasi à l’identique de ce qui préexistait » et la réparation n’est pas considérée comme une occasion pour introduire des reconstructions moins vulnérables. Cette occasion manquée répond, selon les rapporteurs, à plusieurs raisons. D’abord, l’inondation est perçue comme un risque exceptionnel, qui n’est pas susceptible de se reproduire avec une grande probabilité à court terme. En plus, l"e système d’assurances et la garantie d’État seraient toujours là" pour y faire face. Deuxième argument, le régime d’assurance n’est pas une aide à la prévention et il n’est pas prévu pour améliorer la valeur de son patrimoine. Le rapport cite l’exemple des huisseries en bois qui gonflent et se dégradent en milieu humide. Même s’il serait préférable de les remplacer pour de l’aluminium, l’assurance ne couvre pas cela. Enfin, « les travaux se font dans une certaine urgence et il est donc difficile dans ces circonstances de concevoir un projet différent de l’existant ». La reconstruction à l’identique permet d’effacer le mauvais souvenir pour « reprendre la vie d’avant ».

Pénurie d’artisans

Certains sinistrés ont attendu longtemps pour être indemnisés, notamment du fait qu’il faut attendre le séchage pour évaluer les dégâts. « Les artisans n’ont pas intervenu massivement pendant l’été, au moment où les conditions météorologiques étaient très favorables. De nombreux interlocuteurs ont regretté que les chambres professionnelles ne se mobilisent pas plus pour faciliter l’intervention d’artisans ou de PME plus éloignés », selon le rapport.

Mieux reconstruire

Comment reconstruire de façon moins vulnérable ? « Quelques guides existent, des règles spécifiques sont édictées dans certains PPR, mais il n’y a pas de prescriptions générales sur lesquelles établir des règles simples employables par les assureurs », concluent les auteurs du rapport.

publié par NaPro

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