Christian Burrus : "Ce qui m’intéresse, c’est rester indépendant"
INTERVIEW - Dans un rare entretien accordé à News Assurances Pro, Christian Burrus, président du groupe Burrus (Diot, LSN, Afi-Esca...), explique la stratégie de développement des activités familiales qu'il dirige. Entre acquisitions ciblées et marque employeur, le dirigeant revient sur l'épisode April et évoque également les rumeurs de rapprochement avec Siaci Saint Honoré.
Le groupe Burrus renforce fortement ses activités d’assurance et de courtage ces derniers mois. Quelle est votre vision à long terme ?
Je suis la troisième génération de ma famille à diriger les activités d’assurance et de courtage du groupe. Mon objectif est de passer à la quatrième génération. Concernant notre activité de courtage et nos différentes acquisitions, nous avons toujours été très actifs sur le rachat d’entreprises, et ce avec la même intensité depuis des années. Nous avons l’habitude de procéder à l’acquisition de petits portefeuilles de quelques millions d’euros qui sont, selon moi, aussi structurants que de gros rachats.
Nous considérons que nous avons aujourd’hui une taille qui, dans chaque domaine où l’on opère, nous permet d’être performant avec la place de pouvoir grandir encore. Aujourd’hui nous cherchons des cibles avec le même ADN et qui ne souhaitent / peuvent pas se vendre à des fonds d’investissement. Ce sont pour nous des opportunités car nous sommes capables d’intégrer et de structurer très vite ces rachats pour nous renforcer dans chacun de nos métiers.
Nous avons repris Diot en 2008 et triplé son chiffre d’affaires en 12 ans. D’ici les 12 prochaines années, si nous doublons le CA actuel, je serai satisfait.
Depuis plusieurs semaines, des rumeurs font état de discussions entre votre groupe et Siaci Saint Honoré en vue d’un rapprochement. Qu’en est-il ?
A chaque fois que l’actionnariat de S2H évolue, je reçois de nombreuses sollicitations. Si tel était le cas demain, nous regarderons comme nous l’avons fait par le passé.
Pourquoi vous être séparé de Sogecore ?
Sogecore est une belle entreprise, mais elle évolue sur un marché fermé des captives avec un nombre de clients limité. Face à la stagnation des revenus, nous avons dû faire face à une hausse croissante des dépenses liées à la compliance et à la règlementation. Pour rester performants, nous aurions pu miser sur la croissance organique en utilisant des moyens nécessitant beaucoup plus d’effectifs ou en faisant l’acquisition d’un autre acteur sur cette activité.
Comme nous souhaitions continuer à proposer des solutions de gestion de captive à nos clients, nous avons fait le choix de nous rapprocher de 2RS. Cette structure, dans laquelle nous avons pris 10% du capital, est reconnue sur ce marché et nous partageons avec elle les mêmes valeurs. Nos équipes se connaissent bien et ce rapprochement s’est fait naturellement.
La crise du coronavirus a-t-elle freiné vos ambitions ?
Il y a eu un impact sur notre business actuel car nombre de nos clients sont touchés. Toutefois, le groupe repose sur des activités résilientes et les conséquences de cette période difficile ont été globalement absorbées.
Cette crise a surtout entraîné un surcroît de travail pour nos équipes afin d’accompagner nos clients dans la recherche des meilleures solutions. Ceci est d’autant plus important que nous sommes dans un contexte de marché difficile, dans lequel les hausses tarifaires sont parfois brutales alors que nos clients souffrent.
Cette période a-t-elle créée des opportunités ?
Ce climat pousse certains courtiers à réfléchir à leur avenir. Dans les discussions que nous avons engagées avec plusieurs acteurs ces dernières semaines, nous sommes en capacité de pouvoir les accompagner, non pas dans un modèle violent d’intégration, mais par des partenariats. Ainsi, nous sommes ouverts à des prises de participations, même minoritaires, avec la possibilité ensuite de monter en puissance, et être à leur côté dans ces moments compliqués.
La vraie difficulté réside aujourd’hui dans la valorisation de ces cabinets. 2019 doit-elle être l’année de référence ? Faut-il considérer 2020 comme une année blanche ? Doit-on valoriser ces entreprises sur les métriques 2020, 2021 ou après ? Cette question de l’ebitda de référence à prendre en compte est très importante. Ce qui m’intéresse in fine, c’est rester indépendant.
Quelles sont vos velléités en Europe ?
Ces dernières années, nous avons fait plusieurs acquisitions en Suisse où nous sommes désormais l’un des trois principaux courtiers IARD du pays.
Nous avons également fait l’acquisition d’un courtier en Italie, positionné sur un produit équivalent à l’offre carré neige. Nous allons donc continuer dans cette logique de rachats ciblés afin d’étendre nos postions dans plusieurs pays d’Europe.Où en est aujourd’hui la synergie entre vos différentes marques ?
Nous avions à cœur ces dernières années de construire une marque employeur forte. Cette marque, le groupe Burrus, se déploie sur toutes les activités courtage et assurance. Nous avons bien avancé sur ce sujet. Ceci ne nous empêche pas de travailler avec plusieurs marques différentes (Diot, LSN, Afi-Esca, etc). La vraie priorité est que chaque collaborateur puisse travailler et évoluer au sein du groupe Burrus dans l’assurance comme dans le courtage…
Pourquoi avoir mis si longtemps à vous retirer du capital d’April ? Y a-t-il un rapport avec le rachat des activités d’April Entreprise ?
Je connais bien le groupe April. Il y a plusieurs années, j’ai vendu certaines activités de courtage à Bruno Rousset en gardant une petite position d‘actionnaire avec quelques pourcents dans le groupe.
Quand le fonds CVC a annoncé son OPA sur April, il me semblait inopportun de sortir du capital du courtier. J’ai alors eu la possibilité de racheter une partie de ce capital. Par la suite, nous avons trouvé un accord par lequel j’ai pris une participation de 5% dans la holding de tête du groupe. Il n’y a eu aucune condition ni contrepartie quelle qu’elle soit dans cette opération. Toutes les modalités de la transaction ont été communiquées à l’AMF et à l’ensemble du marché.
Il n’y a donc aucun lien avec le rachat des activités d’April Entreprises à la fin de l’été. Cette transaction a débuté durant la période de la Covid et les synergies étaient évidentes avec nos domaines d’activité. Ceci explique d’ailleurs que l’intégration des équipes a été rapide.
Quelles sont aujourd’hui vos ambitions côté assurance et épargne, notamment via Afi-Esca ?
Entre Afi-Esca France et Afi-Esca Luxembourg, nous disposons également de structures à destination des CGP comme Dôm Finance ou Magnacarta, etc. Dans une période compliquée pour les assureurs vie, nous avons donc à disposition une boîte à outil très complète avec une capacité importante de proposer des contrats en UC. Aujourd’hui, nous gérons près de 1Md€ d’encours au Luxembourg et 1,2Md€ en France.
Sur les fonds euros, le code des assurances n’a pas été écrit pour faire face à des taux négatifs ! Ainsi, les assureurs vie sont contraints d'appuyer sur la pédale de frein sur le fonds général, même si le besoin d’épargne reste important. Dans ce contexte, nous souhaitons plutôt développer l’assurance emprunteur qui fonctionne très bien au sein du groupe. Nous travaillons actuellement en BtoBtoC avec des courtiers spécialisés et nous nous sommes beaucoup digitalisés sur cette activité.
Qu’est-ce qui manque à la galaxie assurance du groupe Burrus aujourd’hui ?
Si nous sommes bien placés en assurance de personnes, peut-être devrons-nous pousser nos activités IARD à l’avenir, puisque nous disposons d’agréments en branche 16 (pertes financières). Pour l’heure, je n’ai aucun appétit de croissance externe dans le monde de l’assurance. Cela consomme beaucoup de fonds propres que je préfère allouer à mes activités emprunteurs.
Et pour le Courtage ?
Nous avons tous les ingrédients et les équipes pour devenir un grand groupe de courtage européen, axé sur le conseil, familial et indépendant. Nous devons continuer à mettre toutes nos entités en mouvement et voir ce qui peut faire accélérer notre stratégie.
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