INTERVIEW - Christophe Scherrer, directeur général délégué de Malakoff Humanis, annonce que le groupe de protection sociale a décidé de ne pas impacter les effets de la pandémie sur les révisions tarifaires.

Comment a évolué la sinistralité en prévoyance ces derniers mois ?

Depuis plusieurs années, la sinistralité en prévoyance et en santé collectives augmente structurellement sous le double effet de l’augmentation de l’absentéisme maladie et de l’augmentation soutenue des dépenses de santé. Cette dérive structurelle ne peut plus aujourd’hui être compensée par des rendements d’actifs financiers compte tenu du niveau durablement bas des taux d’intérêt. La crise sanitaire devrait amplifier cette dérive avec la hausse des arrêts de travail, l’impact négatif sur la santé des reports de soins pendant le confinement, la baisse des cotisations perçues, les défaillances d’entreprises et la portabilité des droits.

Avez-vous constaté une forte hausse de l’absentéisme ces derniers mois ?

Nous constatons une augmentation des arrêts de travail depuis plusieurs années, indépendamment des effets de la pandémie. Et nous distinguons cette dérive structurelle des conséquences de la crise sanitaire et économique que nous traversons. Nous avons donc décidé de ne pas impacter les effets de la pandémie sur les révisions tarifaires. A titre d’exemple, la portabilité aurait représenté environ 2% d’augmentation de cotisations en 2021 mais nous avons pris la décision de ne pas les répercuter.

Pourquoi avez-vous pris cette décision ?

En tant que groupe de protection sociale à but non lucratif, nous avons non seulement un devoir de responsabilité, mais aussi de solidarité vis-à-vis de nos clients et de la société. C’est pourquoi, nous avons pris très rapidement des mesures pour soutenir et accompagner les entreprises les plus durement touchées par la crise : étalement des cotisations, prise en charge des arrêts de travail des personnes à risques, prise en charge des arrêts de travail pour garde d’enfants … Fidèles à notre mission d’utilité sociale, nous avons également débloqué une aide financière d’urgence pour soutenir les acteurs du handicap, du bien vieillir et des aidants.

Quel sera le niveau moyen d’augmentation des cotisations en santé et en prévoyance ?

Il est encore tôt pour le dire, mais cette année nous allons avoir une approche plus segmentée. L’heure est à l’hyper-segmentation, que ce soit dans la conception des produits, la relation client ou les révisions tarifaires. Nos instances vont cette année approuver des évolutions tarifaires segment par segment. Elles seront corrélées à la réalité des résultats dégagés par chaque segment.

Êtes-vous satisfait du développement commercial ?

Malgré les règles de distanciation sociale, nos équipes commerciales ont fait un travail formidable. Fin juillet, le niveau des ventes était très proche de notre feuille de route, grâce notamment à la vente à distance qui s’est développée sous des formes différentes pendant le confinement. Je pense néanmoins que 2020 ne sera pas une cuvée commerciale exceptionnelle. Les grandes entreprises vont très probablement lancer moins d’appels d’offres cette année ; elles ont d’autres préoccupations. Il y aura donc certainement un turnover plus faible des portefeuilles.

Vous allez également atteindre vos objectifs sur le courtage ?

Comme l’an dernier, nous avons l’ambition de réaliser la moitié de notre production nouvelle avec le courtage. Mais là aussi, la crise a généré une baisse du nombre de saisies, notamment avec le grand courtage. Le courtage de proximité a conservé une dynamique plus marquée, y compris pendant le confinement. A titre d’exemple, juste avant le confinement, nous avons lancé un nouvel extranet « Access MH » qui permet au courtier d’être 100% autonome. Cet outil, qui répond aux contraintes liées à la crise sanitaire (parcours et souscription 100% digital, signature électronique), a été très bien accueilli par nos courtiers partenaires. Il a permis de maintenir un très bon niveau d’affaires nouvelles par ce canal.

Vous allez prolonger le télétravail au sein de Malakoff Humanis ?

Compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire durant l’été, le retour à la normale à une situation pré-Covid que nous avions initialement envisagé au 1er septembre est reporté. Ainsi, en septembre, l’ensemble des collaborateurs dont l’activité est réalisable à distance travaillera sur site trois jours par semaine et travaillera à distance les deux autres jours. Ce sera également le cas pour les collaborateurs commerciaux.

Quels sont vos projets de la rentrée ?

Notre objectif est de sécuriser le développement commercial de l’année, en production nouvelle mais aussi au travers de notre plan anti-résiliation. Nous allons également continuer à accompagner nos clients pendant cette période difficile sur le plan économique et social, notamment en poursuivant le développement de notre dispositif « Solidarité Covid-19 ». Nous préparons par ailleurs le lancement de nouvelles offres (maladies redoutées, santé individuelle) et continuons à promouvoir notre accompagnement par les services à travers notre nouvelle démarche « Diagnostic et Protection du Capital Humain » et nos « Solutions pour les PME ». Enfin, dans le cadre de l’évolution continue de notre approche tarifaire, nous allons notamment nous appuyer sur l’Indice du Capital Humain que nous avons développé pour objectiver la corrélation entre la performance sociale des entreprises et leur performance économique.