Complémentaire santé solidaire : Les ocam devant les CPAM
Fin mars 2021, 1,4 million de personnes étaient couvertes par la complémentaire santé solidaire avec participation financière. 60% d’entre elles ont choisi un organisme complémentaire privé et 40% une Caisse Primaire d'Assurance Maladie.
La Direction de la Sécurité sociale a dévoilé les chiffres de l'année 2020 sur la complémentaire santé solidaire, lors d’une table ronde organisée par l’AJIS (Association de Journalistes de l’Information Sociale). Fin 2020, 7,2 millions de personnes étaient couvertes par la C2S, dont 18% avec participation financière. Ce chiffre est encore loin des 9,5 à 12 millions de personnes éligibles au dispositif, selon les estimations de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn formulées lors du lancement de la complémentaire santé solidaire, en novembre 2019.
Le volume de bénéficiaires, 7,2 millions, tous régimes confondus, est en baisse par rapport aux 7,7 millions de bénéficiaires uniquement sur le régime général que la Cnam avait comptabilisé en juin 2020. « En juin 2020, il y avait encore des bénéficiaires de l’ACS et des personnes qui avaient une attestation de droit qui donnait accès au tiers payant et aux tarifs opposables. C’était une attestation transmise aux assurés, même s’ils ne transformaient pas leur chèque ACS en complémentaire. Ce delta correspond à ces personnes, car la C2S n’intègre pas ce dispositif d’attestation pour le tiers payant », explique Fanny Richard, directrice de l’intervention sociale et de l’accès aux soins de la Cnam.
Un taux de rotation très élevé
La disparition progressive de l’Aide à la complémentaire santé et la bascule vers le nouveau dispositif de C2S avec participation financière, créé en novembre 2019, a été chahuté par une année 2020 hors norme. Ainsi, fin mars, la DSS comptabilisait 1,4 million de personnes bénéficiaires de la C2S avec participation financière, contre 1,3 million de bénéficiaires de l’ancienne ACS en octobre 2019. Le pourcentage de primo demandeurs est très élevé, de 47%, ce qui soulève des questions concernant une éventuelle rupture de couverture pour près de la moitié des anciens bénéficiaires de l’ACS qui n’auraient pas basculé vers le nouveau dispositif.
« Certains bénéficiaires de l’ACS ont été perdants avec l’arrivée de la C2S. Ils ont été confrontés à une cotisation plus élevée que le reste à payer après remboursement », explique Féreuze Aziza, conseillère technique de France Assos Santé. La représentante des usagers a également souligné l’importance de faire baisser le taux de non recours à la complémentaire santé solidaire. 55% des personnes éligibles à l’ACS n’avaient pas recours au dispositif en 2018. La Direction de la sécurité sociale s’est fixé comme objectif d’augmenter le taux de recours de 3 points par an.
"Pas d'accident industriel"
Il y a des incertitudes par rapport à l’impact de la crise sur le nombre de bénéficiaires. « On a quelques signaux sur l’augmentation du RSA et vous savez qu’il y a une éligibilité automatique pour les bénéficiaires du RSA. Nous avons encore du mal à traduire l’impact de la crise sur la situation des personnes », indique Franck von Lennep, directeur de la Sécurité sociale. Le nombre de bénéficiaires augmente, notamment au premier trimestre 2021. « Il peut y avoir un effet à cause de la situation économique, mais également un effet d’augmentation du taux de recours. Cette réforme entre en 2021 en vitesse de croisière et il va falloir la faire connaître pour augmenter ce taux de recours mais évidement il n’y a pas eu de casse et d’accident industriel dans la transformation de l’Ex-ACS et complémentaire santé solidaire avec participation », déclare Franck von Lennep.
Un déficit de gestion
Le dispositif C2S a remboursé 2,5 milliards d’euros en frais de santé en 2020, dont 300M d’euros aux bénéficiaires couverts au travers d’un ocam. « Ce sont les mutuelles qui financent la complémentaire santé solidaire avec la TSA. Dans la construction du dispositif, on organise le déficit en gestion pour les organismes qui ont choisi de gérer le dispositif. Les organismes sont rémunérés à hauteur de 28 euros par bénéficiaire de la C2S participative. C’est 1h30 du salaire chargé d’un téléopérateur. Or, la gestion, l’accompagnement, le suivi des bénéficiaires, avec des dépenses complexes a un coût bien supérieur. Certaines mutuelles financent une partie de la cotisation des bénéficiaires de la C2S avec leur fonds d’action sociale. Par exemple, une mutuelle de taille moyenne qui gère 20.000 adhérents uniquement en participatif, pour 950.000 euros de ressources relatives aux frais de gestion, son déficit de gestion est de 200.000 euros, soit presque 20%. Dans son déficit il y a des frais d’administration, de liquidation, de traitement informatique… », signale Séverine Salgado, directrice santé de la Mutualité Française.
Des ratios de frais de gestion en hausse
La future directrice générale de la fédération a pointé du doigt "un effet collatéral" de la C2S sur leur ratio de frais de gestion. "Pour la plupart des mutuelles, il y a eu un assèchement de leur chiffre d’affaires avec la sortie de leur portefeuille des bénéficiaires ACS, avec des frais de gestion qui restent les mêmes. Par conséquence, le ratio frais de gestion sur chiffre d'affaires se dégrade, d’environ deux points pour certaines. On risque d’avoir un taux de frais de gestion qui va se dégrader pour les mutuelles l’année prochaine, à la différence des autres familles d'organismes complémentaires qui ne sont pas parties prenantes du dispositif », alerte Séverine Salgado.
121 organismes complémentaires distribuent la complémentaire santé solidaire, dont 84% sont des mutuelles. 60% des bénéficiaires de la C2S avec participation passent par un organisme complémentaire privé pour se couvrir et 40% par une caisse primaire d’assurance maladie. Ce taux a évolué en faveur des ocam, puisqu’en juin 2020 uniquement un tiers des bénéficiaires avait recours à un organisme privé, selon la Cnam.
Un an après la publication du dernier numéro de la Lettre Références, la Direction de la Sécurité sociale devrait renouer avec la publication des indicateurs de suivi de la complémentaire santé solidaire prochainement. En effet, depuis la disparition du Fonds CSS, il n’y avait plus de données publiques sur l’évolution du dispositif.
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