Santé : L’Assurance maladie s’attaque au mésusage de médicaments
Face à la hausse des remboursements de médicaments, l’Assurance maladie lance une campagne pour la juste prescription et contre le mésusage.
En France, les médecins prescrivent trop de médicaments et cela coûte cher à l’Assurance maladie. Pour s’attaquer à ce problème, une campagne d’information de l’Assurance maladie vise à favoriser un « usage raisonné des médicaments ». Et pour cause, seulement une consultation sur 5 n’aboutit pas à une prescription de médicaments.
La campagne insiste sur le « juste recours aux médicaments » et entend encourager le dialogue entre médecins et patients sur le sujet. « C’est un sujet majeur de santé publique ainsi qu’un sujet de bonne gestion des ressources et de soutenabilité de notre système de santé », a affirmé Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de l’Assurance maladie, dans le cadre d'une conférence de presse.
La campagne d’information entend changer les habitudes des Français sur leur rapport à la santé. En effet, selon un sondage mené avec l’Institut BVA, un Français sur deux attend en priorité une prescription de médicament à l’issue d’une consultation. En face, la majorité des médecins généralistes (82%) déclare ressentir « une forme de pression » de la part de leurs patients pour partir avec une ordonnance. Les généralistes interrogés estiment à 98% que l’on consomme trop de médicaments en France et 96% d’entre eux pensent que le bon traitement n’est pas forcément un médicament.
25,5Mds d'euros par an
Les dépenses de médicaments représentent 12% des dépenses de l'Assurance maladie sur le champ de l'Ondam et 29% des dépenses de soins de ville. En 2023, elle a remboursé 25,5Mds d’euros de médicaments, après déduction des remises et de la clause de sauvegarde. Entre 2021 et 2023, ce poste de dépenses a augmenté de 3,4% par an.
L’Assurance maladie explique que l’évolution des dépenses remboursables depuis 2020 est « largement portée par le coût de l’innovation et des médicaments onéreux ». Ainsi, les classes de médicaments qui contribuent le plus à la dépense sont les anticancéreux.
Le taux moyen de remboursement des médicaments a progressé ces dernières années pour atteindre 90,7% en 2023, en augmentation de 3,5 points depuis 2017. Cette évolution s'explique en raison de l'augmentation de personnes en affection de longue durée qui bénéficient d'un remboursement à 100%.
Les prescriptions à l'hôpital en hausse
Avec 12,7Mds d’euros par an, les prescriptions à l’hôpital concentrent 45% des dépenses de médicaments. Leur part était encore de 32% en 2017. Cette augmentation est concomitante à l'évolution du virage ambulatoire des dernières années et à une forte présence de médicaments innovants en milieu hospitalier.
En moyenne, chaque Français bénéficie de 41 boîtes de médicaments remboursés par an. Avec des différences notables selon l’âge : 109 boîtes pour une patient plus de 79 ans, contre 13 boîtes pour un mineur. Le remboursement moyen par patient est de 410 euros par an, avec de fortes différences selon l’âge. Ainsi, le remboursement moyen d’une personne de plus de 79 ans grimpe à 1.075 euros par an.
Des incitations pour les médecins
Par ailleurs, la convention médicale introduit 5 objectifs de pertinence sur les médicaments. Parmi les différents axes de travail, l’Assurance maladie veut lutter contre l’antibiorésistance. En 2023, 27 millions de Français ont eu au moins une prescription d’antibiotiques au cours de l’année. Des efforts ont été faits pour réduire la prescription d'antibiotiques, mais la France était encore en 2022 le 5ème pays européen en matière de consommation d’antibiotiques. Son utilisation est 30% supérieure à la moyenne du continent.
les médecins sont également invités à agir pour réduire la polymédication, notamment chez les personnes âgées. La convention médicale a créé une « consultation longue de déprescription destiné aux patients de plus de 80 ans hyperpolymédiqués » qui entrera en vigueur en 2026. Par ailleurs la convention pharmaceutique instaure un bilan de médication pour les patients âgés et polymédiqués.
Mieux encadrer les médicaments contre la douleur
L’Assurance maladie souhaite également limiter le recours aux antalgiques de niveau 2 à fort risque de dépendance, à savoir des opioïdes comme la codéine et le tramadol. En France 11,6 millions de personnes ont eu une délivrance d’antalgique de niveau 2. L’Assurance maladie annonce qu'à compter de fin 2024, début 2025, ces médicaments seront dispensés uniquement sur présentation d’une ordonnance sécurisée, comme c'est aujourd'hui le cas pour les médicaments stupéfiants de palier 3. Le médecin devra y préciser le dosage, la posologie et la durée de traitement.
Autre classe de médicaments à surveiller, les inhibiteurs de la pompe à protons. Ces médicaments anti-ulcéreux sont prescrits à 16 millions de personnes en France. « 50% des usages ne sont pas justifiés au regard des recommandations de la Haute Autorité de Santé », signale l’Assurance maladie.
Enfin, l’Assurance maladie entend favoriser la prescription de génériques et biosimilaires. Les premiers sont 50% moins onéreux en moyenne que les médicaments de référence. Le taux de pénétration des génériques s’est fortement amélioré ces dernières années. Il atteint 92,7% en 2023.
Dans le cadre de cette campagne, l'Assurance maladie partage la liste des médicaments les plus remboursés. En montant, l'antithrombotique Eliquis arrive en tête, avec un montant remboursé par patient de 477 euros. Au total, L'Assurance maladie a dépensé 755M d'euros sur ce médicament entre juin 2023 et juin 2024.
En volume, c'est le Doliprane qui arrive en tête avec 308,2 millions de boîtes remboursées sur la période. Pour un montant total de 265,1M d'euros et 36,1M d'euros de patients.
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