Complémentaires santé : La Cour des Comptes propose 3 alternatives
Peu efficient, coûteux, inégalitaire, complexe et illisible... La Cour des Comptes juge sévèrement le système des complémentaires santé et propose trois scénarios alternatifs.
Après le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), c’est au tour de la Cour des Comptes de juger l’efficacité des complémentaires santé. Dans un rapport commandé par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la Cour analyse les forces et le faiblesses du système de santé à la française, avec une assurance maladie obligatoire et une assurance maladie complémentaire.
Du côté des forces, la Cour des Comptes souligne que 96% de la population bénéficie d’une complémentaire santé et que le reste à charge des ménages est le plus faible des pays de l’OCDE. Cependant, cette couverture étendue coûte 10 milliards d’euros au titre des dépenses publiques liées à la complémentaire santé solidaire et des dépenses fiscales et sociales en faveur de la couverture de la population par une assurance complémentaire privée.
Un système inégalitaire
Du côté des inconvénients, les sages de la rue Cambon soulignent également le caractère inégalitaire du système. Les salariés du privé bénéficient de garanties supérieures à un moindre coût, puisque l’employeur paie au moins la moitié de la couverture complémentaire. En revanche, les inactifs et les seniors avec un faible niveau de revenus sont moins bien couverts ou doivent payer leur couverture à un prix très élevé.
La Cour des Comptes dresse un bilan mitigé sur la mise en place du contrat responsable et notamment du plafonnement des remboursements en optique ou sur les dépassements d’honoraires comme mesure pour limiter la dépense. Le premier bilan de la réforme du 100% santé n’est guère plus positif. « L’équilibre financier de la réforme pourrait, au vu des premiers mois d’application, ne pas respecter les projections initiales, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences sur le niveau des cotisations que les assurés règlent à leurs complémentaires santé », indique le rapport.
Par ailleurs, la Cour pointe le faible taux de recours au 100% santé en optique. À propos des soins dentaires, elle écrit : « L’absence d’obligation pour les chirurgiens-dentistes de pratiquer les actes du panier 100 % santé pourrait ainsi en limiter la portée, d’autant que le contenu du panier n’est pas aussi favorable qu’auraient pu l’espérer les patients, ce qui les conduit, pour les interventions sur certaines dents, les molaires notamment, à choisir majoritairement les prestations des paniers modérés ou à tarifs libres qui ne sont pas entièrement prises en charge ». Pour corriger ces dérives, la Cour recommande d’améliorer la communication autour de la réforme.
Trois scénarios alternatifs
Comme alternative au système actuel, la Cour esquisse trois scénarios. Le premier, inspiré du modèle belge, consiste à mettre en place un bouclier sanitaire et donc un plafonnement des dépenses restant à la charge des assurés pour un panier de soins pris en charge par l’assurance maladie. Chacun paie ses dépenses de santé mais au-delà d’un certain seuil de reste à charge, c’est l’assurance maladie qui prend le relais. Ce système remplacerait les dispositifs d’exonération existants, comme la prise en charge à 100% pour les patients en affection de longue durée. La Cour écrit que ce système permettrait de séparer les champs couverts par le bouclier de ceux qui seraient pris en charge par les complémentaires. Par exemple, en Allemagne, l’optique et les prothèses dentaires n’entrent pas dans le champ du bouclier sanitaire et le seuil de reste à charge dépend du niveau de revenus.
La Cour indique que les simulations de la direction générale du Trésor aboutissent à un niveau de reste à charge de 560 euros par an au-delà duquel interviendrait l’assurance maladie. Cela permettrait de réaliser un milliard d’économies sur les soins de ville. Il serait également possible de différencier le taux en fonction de l’état de santé de l'assuré afin de réduire le coût pour les patients en ALD. La mise en place d’un bouclier sanitaire conduirait inévitablement à une réduction de la taille du marché des assurances privés.
Revoir la répartition RO-RC
Le deuxième scénario consiste à « désimbriquer les interventions respectives de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance complémentaire, tout en veillant à ce que cette dernière régule les champs qui lui seraient ainsi intégralement transférés ». Par exemple, les complémentaires santé pourraient assurer seules les paniers libres en optique, audioprothèse et dentaire. L’assurance maladie prendrait en charge les paniers sans reste à charge et les dépenses hospitalières. Les soins de ville resteraient co-financés par l’assurance maladie et les complémentaires. La Cour indique que ce scénario serait neutre financièrement pour les finances publiques : le coût de la réforme s'établirait entre 5,6 et 5,8Mds d’euros pour l’assurance maladie. Elle conduirait à une économie de 6 Mds d’euros, correspondant aux aides dont bénéficient les employeurs dans la souscription de la complémentaire santé pour les salariés.
« Ce scénario permet de préserver un rôle important pour les assurances santé privées en les faisant passer d’une fonction de complémentaire santé à celle de supplémentaire santé, centrée sur la prise en charge de champs désormais non remboursés par l’assurance maladie obligatoire (y compris par exemple les dépassements d’honoraires), suivant le modèle qui est le plus répandu en Europe », indique le rapport.
Le troisième scénario propose d’encadrer davantage les complémentaires santé, leurs frais de gestion et même les prix des garanties. Cela permettrait d’augmenter la transparence des offres et conduirait inévitablement à une standardisation des couvertures. Le plafonnement des frais de gestion « pourrait inciter à une concentration plus forte d’un secteur rendu plus désireux de réaliser des économies d’échelle », soulignent les rapporteurs.
La Cour Comptes préconise, quel que soit le scénario choisi, qu'il soit mis en place progressivement afin de laisser aux acteurs le temps de s’adapter à la nouvelle situation.
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