Coronavirus : Le report des Jeux Olympique est-il couvert ?
Si le CIO et le COJO sont bien assurés en cas d’annulation totale de la compétition, l'indemnisation d'un report des Jeux Olympiques de Tokyo à l’été 2021 n’est pas certaine. Entre sponsors, droits télévisés, infrastructures et billetterie, les futures couvertures santé/ prévoyance des athlètes posent également question.
La décision de reporter les Jeux Olympiques de Tokyo à l'été 2021 pour cause de Coronavirus ne sera pas sans conséquence pour les (ré)assureurs de la compétition. Même si la note sera vraisemblablement moins salée qu’une annulation totale de l’évènement, la question de la couverture d’une reprogrammation des JO pose question.
"La garantie d’assurance annulation du CIO est en place depuis les JO d’Athènes et fonctionne en 'roll over' depuis Turin 2006, c’est-à-dire qu’elle court sur trois jeux olympiques (hiver / été / hiver) et est reconduite à la compétition suivante dès qu’une édition se termine. Ainsi, les garanties de Tokyo 2020 ont été contractées à la fin des Jeux Olympiques de Sotchi en 2014", indique Patrick Vajda, directeur sport et évènement chez Siaci Saint Honoré. Dans son dernier rapport annuel 2018 (p.162), le Comité international olympique indique avoir payé une prime d’assurance en cas « d’annulation des jeux » de près 12,8M de dollars. D’après les analystes de Jefferies, le coût assuré de la compétition avoisinerait les 2Md de dollars, dont 800M rien que pour le CIO.
Le report, peu ou pas couvert ?
« S’il semble clair que le CIO est assuré en cas d’annulation totale de la compétition, notamment pour cause de maladie contagieuse, il n’est pas certain qu’il soit couvert pour les frais ou pertes découlant d’un report. C’est aujourd’hui une question qui reste sans réponse face à un risque de trésorerie certain et d’importants frais de report qui se profilent », affirme Patrick Vajda.
De son côté, Toshiro Muto le directeur général du COJO (comité d'organisation des JO) a déclaré ce mardi que le paiement des coûts supplémentaires liés à ce report n’était pas encore clair. « Du côté du COJO, les risques sont différents. Nouvelle billetterie, renégociation des partenariats, et accroissement des dépenses… sont des certitudes ! La question du village olympique est également sur la table puisque les travaux de transformation des infrastructures et la vente du parc immobilier prévu une fois la compétition terminée seront repoussés d’un an. Ce décalage va coûter très cher avec des pertes potentielles du côté des acheteurs. Certains stades ne seront peut-être plus disponibles, sans parler des commandes et de l’approvisionnement des denrées périssables qui ont peut-être déjà été validés. Tout cela se chiffre en centaine de millions d’euros », ajoute Patrick Vajda
Quid des couvertures santé / prévoyance
Si pour l’heure il est encore difficile d’estimer combien coûtera ce report et quelle part sera indemnisée, « la question parallèle du report des garanties santé et prévoyance des athlètes se pose. Quoi qu’il en soit, les assurances individuelle accident des sportifs ne jouent pas en cas de coronavirus. A contrario, elles peuvent s’appliquer en cas de couvertures maladie », indique pour sa part Laurent Cellot, directeur sports & loisirs chez Gras Savoye Willis Towers Watson France. « Pour ceux qui sont assurés via leurs fédérations ou le comité olympique, il est fort à parier qu’il y aura un report des garanties. Pour les athlètes assurés à titre individuels, ils devront se rapprocher de leurs assureurs ».
« Si les garanties santé / prévoyance sont également reportées à 2021, on peut s’attendre à des réclamations de la part des sportifs ou des fédérations qui pourraient considérer que compte tenu de la suspension de leur pratique durant plusieurs mois, ils peuvent récupérer une partie de la prime payée », ajoute pour sa part Olivier Porte, directeur affinitaire et marchés spécialisés chez Gras Savoye avant d’ajouter, « Ces dernières semaines, certains sportifs confinés n’avaient pas pu participer aux meetings qualificatifs ce qui risquait de déséquilibrer la compétition. Toutefois, comme les fédérations sont aujourd’hui en stand-by, certaines pourraient juridiquement faire valoir la perte de chance ou la modification des performances de certains de leurs sportifs jusqu’à la nouvelle date des JO ».
Réassureurs en première ligne
Côté porteurs de risques, compte tenu des montants engagés sur cette compétition, la majeure partie des capacités est tenue par des réassureurs, quelques syndicats des Lloyd’s, avec très peu de porteurs de risques traditionnels « ou s’il en existe, ils sont en grande partie réassurés », pointe Patrick Vajda.
Si Swiss Re indique être exposé à hauteur de 250M de dollars sur la compétition, Munich Re le serait de son côté à hauteur de 500M de dollars, sans que le réassureur ne confirme ce chiffre. Le reste est porté par plusieurs syndicats des Lloyd’s. Beazley, Hiscox ou encore Tokio Marine Kiln, les principaux porteurs de risques sur les derniers JO n’ont pas souhaité faire de commentaires. « La réelle question qui se pose aujourd’hui autour de ce report concerne le nombre d’assureurs qui vont continuer à se positionner sur le risque annulation, notamment lors des appels d’offres des organisateurs ou des fédérations sportives par exemple. Dans la situation de hard market que nous connaissons aujourd’hui, certains assureurs vont sortir du marché car les montants en jeu et les expositions sont trop importants », lance Olivier Porte.
Sponsors et droits télévisés
Enfin, du côté des sponsors et des prestataires extérieurs, la question du report de la compétition interroge également dans les mêmes termes. « Le ‘Top Program’ (c’est-à-dire les principaux partenaires du CIO) ne devrait pas bouger et ce report n’engendrera sans doute aucun désistement. C’est plutôt du côté des droits télévisés que la question se pose avec une possible renégociation des droits et des délais de paiement, qui sont en général versés après les compétions », note Patrick Vajda.
Le géant américain de la communication Comcast, principal diffuseur des JO depuis 2011 via un accord record de 4,4Mds de dollars signé en 2011, indique être assuré pour ce type de situation. Le groupe, propriétaire de NBCUniversal, a notamment vendu plus de 1,25Md de dollars de publicité pour ces Jeux Olympiques.
« Quid de l’assureur Allianz, partenaire 'Top Program' pour Tokyo 2020, mais qui devient aussi l’un des principaux partenaire du CIO à partir de 2021. Peut-on s'attendre à ce qu'il s’implique davantage dans l’édition reprogrammée ? », s’interroge un courtier sous couvert d’anonymat. Fin 2018, l’assureur indiquait lors de la signature de ce partenariat qu’il serait en mesure de pourvoir aux besoins d’assurance des Comités Olympiques dans 206 pays.
« Côté organisation, ce report à 2021 permet à la plupart des entreprises d’y gagner, même s’il y aura des trous de chiffres d’affaires sur l’année 2020. Pour les importants prestataires notamment évènementiels, la question du maintien des charges va poser question avec le sujet sous-jacent de pouvoir ou non faire jouer la force majeure dans les contrats d’assurance du CIO ou du COJO », conclut Laurent Cellot.
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