Coronavirus : Les « pandemic bonds » en question
Les « pandemic bonds », ou « obligations pandémiques », pourraient commencer à indemniser dans les prochains jours les pays touchés par la crise du Coronavirus. Pointés du doigt sur les conditions et délais de déclenchement des garanties, ces instruments financiers alternatifs posent question quant à leur efficacité.
En vendant à l’été 2017 près de 320M de dollars de « pandemic bonds » sur le marché, la Banque mondiale était bien loin de penser que ses deux obligations pandémiques seraient si rapidement sous le feu des critiques. Destinés à aider les pays en difficulté face aux risques de pandémies - comme Ebola entre 2014 et 2016 - ces instruments financiers alternatifs ont tardé à jouer leur rôle face à l’avancée du Coronavirus, tout en permettant aux investisseurs de toucher d’importants intérêts.
La faute à des seuils et des délais de déclenchement contraints : au moins 2.500 morts dans le pays d’origine de l’épidémie (ou 250 si c’est dans l'un des 76 pays émergents désigné par l'OMS) suivi de 20 décès dans un deuxième pays, et ce, douze semaines après la publication du premier rapport de situation de l’OMS.
Déclenchement imminent
Et c’est il y a 12 semaines précisément que l’Organisation mondiale de la santé a rendu son premier état des lieux sur le Covid-19. Depuis, la pandémie a touché près de 340.000 personnes à travers le monde et fait (à la date de publication de cet article) plus de 14.000 morts (5.470 en Italie, 3.150 en Chine, 1.800 en Espagne, 1.680 en Iran ou encore 670 en France…).
« Les triggers numériques pour déclencher les garanties de ces 'bonds' ont largement été atteints, mais fallait-il encore attendre les délais prévus par les mécanismes de calculs pour valider l'indemnisation. Désormais, les investisseurs vont devoir abonder un fonds créé spécialement par l’OMS » [NDLR : Pandemic Emergency Financing Facility], explique un réassureur du marché.
Et s’il ne fait aucun doute que la majeure partie des investisseurs vont perdre leur mise, les montants alloués aux différents pays bénéficiaires de ces aides sont loin d’être mirobolants. En outre, selon nos confrères canadiens de la CBC, le mécanisme de partage des pertes n’est pas égal selon les pays et le déploiement de l’épidémie.
Inspirés du mécanisme des « cat bonds » (obligations indexées sur les catastrophes naturelles), les « pandemic bonds » sont aujourd’hui critiquées. « Compte tenu du délai de mobilisation des fonds, elle ne permettent pas de prévenir une éventuelle pandémie, mais seulement d’en accompagner les conséquences. Pour certains pays, l’argent aurait été utiles beaucoup plus en amont », note notre réassureur. Alors que depuis le début de la crise ces obligations auraient perdu entre 50 % et 80% de leur valeur, « il va être très compliqué à l'avenir de valoriser ce type d'obligation », conclut ce dernier.
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