Édito : Quand ma complémentaire santé ne sert plus à grand-chose
« Le docteur ne prend plus de nouveaux patients ». La phrase entendue à l’autre bout du fil et répétée tout au long de journée par la standardiste m’a heurtée comme une gifle.
Pardon ? Que vais-je faire, avec mon enfant fiévreux depuis 4 jours hanté par cette toux rauque et inquiétante ? J’enchaîne une vingtaine d’appels et toujours la même fin de non-recevoir. « En raison du grand nombre d’appels, le standard de SOS médecins est saturé ». Je me rabats sur une téléconsultation proposée par ma complémentaire. Le médecin à l’autre bout du fil ne peut pas ausculter mon enfant et dit d’appeler le 15 afin d’obtenir une consultation physique. Devant l’avalanche de sollicitations, le médecin de garde me suggère d’aller aux urgences. Voilà comment, en raison d’un manque d’offre de premier recours, on contribue à engorger les urgences… pour une angine. Comme tant d’autres, j’ai laissé tomber. Comme tant d’autres, j’ai renoncé aux soins.
J'étais loin d'imaginer qu’en déménageant dans cette banlieue paisible et arborée de Seine-et-Marne, je m’installais dans un désert médical. Comme 6,3 millions de Français (11% de la population française), je me retrouve donc sans médecin traitant. Et avec une complémentaire santé financée exclusivement par mon employeur qui ne sert plus à grand-chose. D’ailleurs, l’idée de résilier celle des enfants m’a traversé l’esprit. Franchement, 71,78 euros par mois pour un taux de redistribution de 67%, il ne faut pas être actuaire pour comprendre que je pourrais m’en passer. L’année prochaine, ce taux risque encore de chuter davantage, étant donné que je n’arrive pas à décrocher un rendez-vous médical quand j’en ai besoin.
A force de centrer le débat de l’accès aux soins sur les aspects financiers, on passe à côté du vrai problème, à savoir la pénurie de médecins. Selon une enquête de l’Association des maires de France et la Mutualité Française de 2018, 7,4 millions de personnes habitent dans un territoire sous-doté. Et la situation va s’empirer davantage dans les prochaines années en raison d’une démographie médicale déclinante et du vieillissement de la population.
Mettre fin au tabou de la liberté d'installation
La fin des numerus clausus des étudiants en médecine ou encore la délégation de tâches à d’autres professionnels de santé comme des infirmiers ou des pharmaciens suffiront-elles à résoudre le problème ? Malheureusement, les effets de ces mesures ne seront visibles que dans quelques années. Encadrer davantage l’installation des médecins apparaît donc comme une nécessité, même si la profession médicale défend bec et ongles la liberté d’installation. Les candidats à l’élection présidentielle s’emparent du sujet avec des propositions qui concernent notamment les étudiants en médecine, pendant la dernière année d'internat.
Dans les prochaines années, il sera donc essentiel de développer des services publics de proximité dans tout le territoire pour accompagner l’exode des grandes métropoles vers des villes de taille intermédiaire et des zones rurales. Les organismes complémentaires devraient être les premiers à soutenir ce développement car sans médecins disponibles, à quoi bon avoir une complémentaire santé ?
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