Emmanuel Roux : « Aésio Mutuelle, c'est une fusion et une transformation »
INTERVIEW - Création d’Aésio Mutuelle, rapprochement avec le groupe Macif, stratégie de diversification, tarifs pour 2020, 100% santé, complémentaire santé solidaire, Mutex… Emmanuel Roux, directeur général d'Aésio, revient sur les principaux chantiers du groupe mutualiste.
Où en êtes-vous dans la construction du groupe Aésio ?
La fusion d’Eovi-Mcd, d’Adréa et d’Apréva est prévue pour 2020, avec le vote des assemblées générales en juin 2020 et puis la création opérationnelle d’Aésio Mutuelle en fin d’année. Nous avons souhaité que cette fusion embarque une forte dimension de transformation en nous appuyant sur une trajectoire économique de croissance, d’efficience et de rentabilité pour la période 2021-2023, avec un démarrage en mode groupe dès 2020. C’est pour nous l’occasion de faire émerger une mutuelle nouvelle et pas uniquement l’addition des trois.
Pourquoi avez-vous décidé de fusionner les mutuelles ?
En juillet 2016, l’UMG Aésio a été créée pour mutualiser des moyens sur le grand collectif. Les très bons premiers résultats (100 millions d’euros d’affaires nouvelles la première année) ont crédibilisé la démarche de mutualisation. Ensuite, le choix, logique, de faire de la marque Aésio la marque majeure du groupe, puis le projet avec le groupe Macif ont convaincu les gouvernances que l’on serait plus efficace en passant à une consolidation supérieure. Pour ma part, comme l’ACPR, je suis convaincu, après près de trois ans et demie de direction de l’UMG Aésio, que l’intérêt d’une UMG est de faciliter et organiser la convergence de ses membres.
D’un point de vue opérationnel, les équipes sont-elles déjà réunies ?
Nous avons bien évidemment une organisation en mode projet qui permet aux futurs périmètres métiers de se construire progressivement. Plusieurs directions sont en mode intégré au niveau du groupe (le pilotage économique et financier, la communication, l’expertise juridique, bientôt la RH). D’autres domaines s’intègrent du fait du mode groupe, lié à l'influence dominante de l’UMG et à ses prérogatives de coordination stratégique.
La gouvernance politique d’Aésio Mutuelle est-elle arrêtée ?
Oui, et c’était un pré-requis majeur car le groupe a une diversité et un ancrage territorial fort. La bonne articulation de cette gouvernance nationale et locale est un fort enjeu dans la construction d’Aésio Mutuelle. La représentation politique d’Aésio mutuelle a été réalisée au prorata du poids relatif de chaque mutuelle (calculée en fonction du nombre de personnes protégées et des fonds propres) : 47% pour Eovi-Mcd, 35% pour Adréa et 18% pour Apréva.
Avez-vous une couverture nationale entre les trois mutuelles ?
Oui, mais avec des présences hétérogènes. Historiquement nous avons une présence forte dans les Hauts-de-France, Normandie, Ile-de-France, Bourgogne/Franche-Comté, Rhône-Alpes/Auvergne, dans les Alpes, en Occitanie et en Nouvelle Aquitaine. Nous sommes beaucoup moins présents dans le grand Est et dans le grand Ouest. Nous réfléchissons aux voies et moyens de nous déployer hors de nos territoires historiques. Les questions du maillage, des réseaux indirects (courtage de proximité et courtage grossiste) et bien sûr de l’omnicanal sont au cœur de notre réflexion stratégique.
Quelle sera la stratégie d’Aésio Mutuelle ?
Elle est en cours de finalisation. Aujourd’hui la stratégie du groupe Aésio est d’abord une stratégie d’optimisation qui passe par 3 leviers clés. Les modalités de pilotage de nos activités sont un levier décisif, ce qui passe par une approche assez profondément renouvelée du pilotage assuranciel pour nous permettre de construire et déployer nos offres dans les meilleures conditions d’utilité, d’usage, de rentabilité et d’équilibre. Un deuxième grand levier est la dynamisation de notre réseau de distribution, qu’il s’agisse du réseau direct qui doit progresser en productivité commerciale, ou des réseaux additionnels de distribution. Cela nous oblige à repenser tous nos outils autour de la centralité du client. Nous travaillons également sur la politique servicielle et les lignes métiers qui nous permettent de concrétiser notre signature : « Décidons ensemble de vivre mieux ». Nous pourrons en reparler dans quelques mois.
Allez-vous distribuer la complémentaire santé solidaire ?
Nous avons répondu en ce sens à la demande des pouvoirs publics. On rappelle qu’Aésio couvre 230.000 bénéficiaires de l’ACS. Pour autant nous sommes attentifs aux conditions économiques de la gestion de la CSS. Cette activité a généré un déficit de 16 millions d’euros en 2018 sur le périmètre du groupe. 30% du temps commercial dans nos agences est consacré à accueillir, aider et conseiller les bénéficiaires de l’ACS. Accompagner ces populations fait partie de notre ADN d’acteur de l’accès aux soins, toutefois cela ne doit pas exonérer les pouvoirs publics de rétribuer correctement les opérateurs privés qui s’investissent dans des missions d’intérêt général. Nous ferons un premier bilan dans quelques mois.
Quelle sera votre stratégie commerciale sur cette offre ?
Il est trop tôt pour le dire. En fonction des résultats de gestion, nous serons conduits à revoir sans doute les modalités d’affiliation et d’accueil physique. Si les résultats sont dégradés, il nous faudra nous interroger sur la soutenabilité du dispositif. Par ailleurs, l’ACPR n’acceptera pas que durablement un acteur de l’assurance, quel qu’il soit, exerce une mission d’intérêt général à perte.
Les équilibres techniques des mutuelles sont-ils en difficulté ?
Le modèle économique est en totale transformation du fait du déport des offres individuelles vers les contrats collectifs et de la mise en concurrence des opérateurs sur l’individuel. Les évolutions réglementaires et la pression concurrentielle réduisent structurellement le niveau de marge technique des mutuelles. Si la croissance de la matière assurable augmente mécaniquement du fait de la hausse des dépenses de santé, le niveau des marges diminue. Ce qui nous oblige d’une part à piloter de très près notre ratio combiné, d’autre part à investir de nouveaux métiers pour créer une valeur différenciante que le modèle classique de la complémentaire santé ne produit plus suffisamment.
Allez-vous augmenter vos tarifs en 2020 ?
Nos tarifs pour 2020 portent une hausse mécanique de 2,2% en moyenne sur le périmètre du groupe, avec des parti-pris forts de modération et de mutualisation qui ont guidé la décision du groupe.
Comment anticipez-vous l’impact du 100% santé ?
A court terme nous n’avons pas besoin de relever nos cotisations mais nous ne savons pas anticiper les effets de redistribution des portefeuilles de milieu de gamme vers les offres dites d’entrée de gamme. Ces effets de redistribution entre portefeuilles représentent la principale incertitude pour les assureurs car l’impact du 100% santé sera plus fort bien évidemment pour les entrées de gamme. Le 100% santé est une réforme du champ de la santé mais en fonction des effets de redistribution ce sera un sujet pour le régulateur du secteur de l’assurance, car ce sera un sujet de « place » comme on dit. Le 100% santé ne peut pas être un « Rien A Cotiser » si au final cela fragilise les équilibres économiques.
Quelle est votre stratégie sur la diversification, par exemple en assurance dommages ?
L’objectif est à la fois de distribuer l’ensemble des produits d’assurance en marque blanche et un dispositif qui à terme permet d’intégrer la valeur produite. En assurance dommages, nous avons aujourd’hui un partenariat technique de distribution avec Thélem Assurances, nous souhaitons demain concevoir un dispositif complet avec distribution et partage de valeur. C’est le sens de notre rapprochement avec le groupe Macif.
Comment s’est passé le lancement de Prévoyance Aésio Macif ?
Prévoyance Aésio Macif a démarré son activité en début d’année. Les différentes offres ont été commercialisées par étapes : GAV, décès, obsèques, prévoyance-accident, prévoyance collective standard, certaines offres de branche spécifiques. Nous venons par exemple d’être recommandés par la branche de la quincaillerie. En 2020, nous allons ajouter la distribution via le courtage. 2019 a été une année de montée en puissance en matière de recrutement, de distribution, de politique de souscription. Nous apprenons à travailler ensemble avec Macif. Les résultats sont encourageants.
Où en êtes vous dans le rapprochement avec Macif ?
La construction du nouveau groupe interviendra en 2020. Pour matérialiser ce nouveau groupe nous travaillons à une nouvelle identité de groupe qui en exprime l’ambition, sans aucune remise en cause bien entendu des territoires des marques Macif et Aésio sur leurs métiers.
Allez-vous vendre vos parts dans Mutex ?
Nous partageons avec Vyv l’importance d’une clarification stratégique car l’actionnaire majoritaire de Mutex a toujours considéré que la présence au capital d’actionnaires non distributeurs n’était pas souhaitable. Maintenant que nous ne distribuons plus de produits de prévoyance, la discussion doit pouvoir s’engager pour opérer cette clarification actionnariale. La question est dans l’agenda des deux groupes. Elle ne concerne pas uniquement celle de la cession de nos parts mais aussi celle de la défaisance de Mutex Union. Mutex Union substitue aujourd’hui un certain nombre de mutuelles. Elle devra distribuer les boni de liquidation. Et Mutex Union a encore une part du capital de Mutex SA...
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