Eric Chenut : "Il faut questionner le panier du contrat responsable"

mercredi 13 mars 2024
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Éric Chenut est président de la Mutualité Française.

Face à l’augmentation des prestations, Eric Chenut propose de réinterroger la pertinence de certaines dépenses de santé et de questionner le périmètre du contrat responsable.

Les mutuelles seront auditionnées sur le coût des contrats de complémentaire santé prochainement par le Sénat, dans le cadre d’une mission d’information. Eric Chenut, le président de la Mutualité Française, souhaite se saisir de cette tribune pour faire passer quelques messages qu’il a partagés avec des journalistes dans le cadre d’un déjeuner de presse.

Le président mutualiste explique que le coût de la complémentaire santé augmente en raison de l’évolution des dépenses de santé. Des dépenses qui vont encore croître considérablement les prochaines années en raison du vieillissement.

Le président de la Mutualité Française considère que le débat ne doit pas se concentrer sur quelle part de la dépense est prise en charge par l’Assurance Maladie, les complémentaires et les citoyens. Le plus important est de savoir si les Français sont prêts à consacrer 10 ou 15% du PIB à la santé. En 2021, la France y consacrait 12% du PIB.

Renforcer la lutte contre la fraude

Eric Chenut propose de se concentrer sur la pertinence des soins par le biais des accords fraternels de bonne prescription entre professionnels de santé. Il pense également que la lutte contre la fraude doit être renforcée. « Nous voyons augmenter le nombre de fraudes via le 100% santé. Il nous faut desserrer le carcan juridique afin de mieux partager les informations entre l’assurance maladie obligatoire et complémentaire. L’objectif est de rendre le croisement des données possible. C’est ubuesque d’apprendre par voie de presse les fermetures de centres de santé avant d’avoir eu l’information par l’Assurance Maladie », regrette-t-il.

Malgré un objectif partagé en matière de lutte contre la fraude, les travaux entre la Direction de la Sécurité sociale et les organismes complémentaires « n’avancent pas aussi vite qu’on le souhaiterait », complète Séverine Salgado, directrice générale de la FNMF. Le sujet de la lutte contre la fraude sera évoqué la semaine prochaine dans le cadre d’une rencontre entre la Mutualité et Franck von Lennep, le directeur de la DSS. « Catherine Vautrin est soucieuse que le chantier avance », selon Eric Chenut.

Le président de la Mutualité évoque également le partage de compétences au sein des équipes de soins traitants comme une piste d’efficience.

Comment soulager le taux d'effort des seniors ?

Face aux critiques concernant le taux d’effort des retraités pour financer leur complémentaire santé, Eric Chenut se dit prêt à « questionner le contenu du panier responsable ». « Sommes-nous là pour solvabiliser la dépense et pour rembourser une paire de lunettes tous les deux ans ou bien pour couvrir un aléa ? », lance-t-il, sans préciser quel type de prestations il faudrait sortir du panier.

Face aux sénateurs, le président mutualiste plaidera également pour une équité fiscale entre les retraités et les actifs. La fédération mutualiste propose de baisser le taux de TSA sur les contrats de complémentaire santé ne bénéficiant pas d’un avantage fiscal ou d’une prise en charge de l’employeur. Cette mesure proposée pendant la campagne électorale de 2022 s’adresserait aux inactifs, jeunes ou chômeurs disposant de faibles ressources. Le taux de TSA proposé par la Mutualité pour ces populations serait de 7,04%, contre 13,27% pour le contrat responsable aujourd’hui.

Attention au "consumérisme"

Le président de la Mutualité Française considère que sur certains champs comme l’optique, il y a du « consumérisme ». Il dénonce les promotions à la radio de certaines enseignes d’optique qui offrent la deuxième paire de lunettes à 1 euro. Eric Chenut s'indigne de voir que des lunettes sont « présentées comme des accessoires de mode. « Nous appelons à faire cesser un certain nombre de pratiques qui participent à la financiarisation du système de santé. »

Par ailleurs, Eric Chenut pense que le PLFSS n’est pas adapté au nombre de réformes dont a besoin le système de santé. Il demande un budget pluriannuel qui associe les parties prenantes de la Sécurité sociale.

Attention sur les ALD

Le président mutualiste s'est également exprimé suite aux annonces de réduction budgétaire du gouvernement. Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, a annoncé une revue des dépenses sur les affections de longue durée, les transports sanitaires ou encore l’absentéisme dans la fonction publique.  « La manière dont les ballons d’essai sont envoyés sur les affections de longue durée ne nous rassure pas. Cela rappelle l’ambiguïté qui a plané sur le doublement des franchises médicales pendant des mois pour ensuite passer la mesure par voie règlementaire ». La Mutualité s’oppose à une revue du nombre de pathologies ainsi qu’à une baisse de la prise en charge par l’assurance maladie des patients en ALD.

Eric Chenut a également réagi à l’idée de moduler le remboursement des soins en fonction du niveau de revenus. « Cela ne nous semble pas de bon aloi de remettre en cause l’universalisme de la protection sociale » car« c'est dangereux » et cela risque « d’altérer la cohésion sociale ».

Pour aborder tous ces sujets, la Mutualité Française lance le "Forum jeunes parlons santé et solidarité". Le forum réunira des Français de moins de 30 ans et se déclinera autour de 7 rencontres. Il démarre le 20 mars à Brest et se terminera le 28 mai à Aix-en-Provence. L’objectif est de connaître les attentes des jeunes en matière de protection sociale.

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