Étienne Champion (Axa XL) : "L’inflation entraîne une hausse quasi-mécanique de la charge sinistres"

lundi 10 octobre 2022
Image de Étienne Champion (Axa XL) : "L’inflation entraîne une hausse quasi-mécanique de la charge sinistres"

INTERVIEW – À l’occasion du Ferma 2023 qui se tient actuellement à Copenhague, Étienne Champion, CUO APAC & Europe chez Axa XL, fait le point pour News Assurances Pro sur le marché des grands risques, entre conséquences de l’inflation, couvertures cyber et montée en puissance des questions d’ESG.

Comment abordez-vous la période des renouvellements qui s’ouvre ? La situation de hard market sur les grands risques corporate est-elle derrière vous ?

Cela fait maintenant plusieurs années que nous sommes dans un cycle de hard market et, même si la tendance est au ralentissement, elle ne semble pas encore s’inverser. L’impact de certaines catastrophes naturelles continue de grimper, l’inflation sociale continue d’influencer les programmes de responsabilité civile et l’inflation complique la donne, sans parler du marché de la réassurance qui connait également une dynamique haussière… La situation reste incertaine et, bien que l’on ait parcouru beaucoup de chemin, certains défis majeurs tels que le changement climatique et l'inflation n'ont pas été résolus par les récents redressements de nos conditions tarifaires.

Cela étant dit, les entreprises européennes ont fait preuve ces dernières années d’une très grande sophistication dans la gestion de leurs risques, ce que nous saluons. Qu’il s’agisse de leur utilisation des captives, de l’adoption de méthodes de transfert alternatives, du niveau d’information et de partage des données concernant leurs risques, ces développements nous permettent de proposer à nos clients et courtiers davantage de solutions et d’options que lorsque le marché a commencé à se durcir.

Comment Axa XL traverse-t-il l’environnement économique inflationniste actuel ? Dans quelle mesure cela impacte-t-il vos activités ?

L'inflation approche des niveaux jamais vus depuis près de 40 ans sur plusieurs marchés européens, accroit la volatilité et fait traverser aux assureurs et risk managers une période d’incertitude. L'effet de l'inflation sur l'assurance est complexe et nécessite une évaluation minutieuse et détaillée des risques avant le renouvellement d'un programme. Le principal effet de l’inflation pour les assureurs est une augmentation quasi-mécanique de la charge des sinistres – les pénuries de matériaux, de main-d’œuvre, et le coût des composants et des pièces détachées font grimper la facture.

L’inflation change le rapport aux sommes assurées et aux indemnisations qui va entrainer des changements dans le fonctionnement des assureurs, et dans les habitudes de marché afin de trouver un équilibre entre assures et assureurs.

L’explosion des attaques cyber et, in fine, son coût, fait-elle de ce risque un péril qui deviendra à terme inassurable ?

Il s’agit d’un domaine qui ne cesse de se développer, en complexité comme en taille. Le cybercrime a couté 5,5 milliards d’euros à l’économie mondiale en 2021 et ce coût pourrait atteindre les 10 milliards d’euros d’ici 2025. Cependant, les entreprises, comme les assureurs, affinent leur compréhension de ce risque. Et, de leur côté, les régulateurs et les gouvernements clarifient leur position. La France et la Commission européenne ont toutes deux dévoilé le mois dernier des plans d’action visant à combattre ce fléau. Ces développements sont bien entendu encourageants.

Pour en revenir à l’assurance, le marché du cyber subit une correction importante, en réponse à une sinistralité croissante et à la nature systémique de certains types de risques. Néanmoins, l'augmentation de la demande et les récentes majorations tarifaires permettront d'atteindre une capacité critique, ce qui est essentiel pour que le marché cyber puisse absorber à l'avenir le montant des sinistres et rester pérenne. Il est clair, quoi qu’il en soit, que le cyber reste en tête des préoccupations de nos clients et que développer la résilience de leurs entreprises est primordial. AXA a un rôle à jouer dans ce domaine et nous sommes déterminés à accompagner l’écosystème du risque dans son ensemble ces prochaines années.

Les incessants mouvements de concentration des grands courtiers à travers l’Europe vous poussent-ils à revoir plus fréquemment vos partenariats avec les intermédiaires et vos approches d’appels d’offres ?

Sur les segments sur lesquels nous opérons – le grand risque et les spécialités –, le courtage a une place très importante de conseil et d’accompagnement de leurs clients. Quelque forme que prenne le marché du courtage, il est de notre intérêt de travailler de concert avec ces intermédiaires afin de pouvoir apporter au risk managers les solutions dont ils ont besoin, et ainsi jouer notre rôle sur le marché et dans la société.

Quels nouveaux risques voyez-vous grossir et sur lesquels le marché n’est pas encore mature ?

Clairement, les risques liés au changement climatique sont en train de prendre une place de plus en plus importante, tout comme les problématiques, mais également les opportunités, que présente la transition énergétique. Cette dernière, au-delà de sa nécessité, présente de nombreux défis pour les assureurs comme pour les entreprises.

On a beaucoup parlé d’exclusions ces derniers temps, mais nous sommes aujourd’hui convaincus que nous pouvons avoir le plus d’impact en accompagnant les entreprises dans leur transition. Cela nécessite de voir au-delà du pur transfert de risque et d’être en mesure d’apporter de la valeur tout au long de la chaîne du risque : de la sensibilisation des acteurs du risque, comme nous le faisons via l’AXA Climate School, à la mise en place de programmes structurés, combinant parfois une captive et une solution paramétrique, en passant par l’ingénierie du risque.

L’ESG est également un domaine en plein développement, et qui présente des opportunités, notamment pour l’assurance de crédit. 25% des demandes dans cette branche concernent des projets ESG, ce qui témoigne du potentiel de croissance pour cette activité dans laquelle nous avons considérablement investi en Europe ces dernières années. Enfin, la tendance vers une plus grande spécialisation en Europe se poursuit, apportant une plus grande maturité sur certains marchés. Certains clients attendent de leur marché domestique qu’il leur apporte localement des solutions qu’ils allaient dans le passé chercher sur le marché londonien. C’est le cas en fusion-acquisition, en gestion de crise, en assurance du risque politique, pour ne citer qu’eux – autant de spécialités pour lesquelles nous amenons en Europe notre savoir-faire d’outre-manche.

Contenus suggérés