Fabrice Bagne (BNP Paribas Cardif) : "Les taux 2023 s’annoncent hétérogènes"
Dans un entretien accordé à News Assurances Pro, Fabrice Bagne, directeur général adjoint de BNP Paribas Cardif, responsable France, Italie, Luxembourg, livre son analyse et donne ses prévisions en matière d'assurance vie.
La collecte nette du marché est ressortie négative pour le troisième mois consécutif. Qu’en est-il chez BNP Paribas Cardif ?
Sur le marché, les rachats observés de l’assurance vie sont un sujet d’importance. Il y a eu un phénomène massif d’arbitrage et/ou de rachats des contrats si bien que depuis le début de l'année, la collecte nette en assurance vie s'élève à 1Md d'euros, tandis que les livrets et les dépôts à terme ont respectivement engendré 57Mds et 55Mds d’euros supplémentaires.
Chez BNP Paribas Cardif au contraire, après un ou deux mois d'adaptation à la hausse brutale des taux, la collecte nette est positive grâce au travail de nos équipes, à la diversité et qualité de nos offres et aux outils mis à disposition de nos partenaires. Que ce soit sur le fonds général ou sur le support en unités de compte (UC), notre collecte est largement positive. Elle se compte en quelque centaines de milliers d’euros. Cela s’explique aussi par la diversité de nos réseaux de distribution : la banque de BNP Paribas, les CGP, la banque privée... Par ailleurs, notre politique de rémunération semble faire partie des caractéristiques qui satisfont notre clientèle. L’an passé, nous avons servi un taux moyen de 2,04%. Il faut savoir que chez nous 95% des produits proposent le même taux de rémunération. Nous pratiquons par ailleurs une politique de bonification.
La saison des taux de rendement approche, quelle tendance allez-vous suivre ?
Cette année encore, nous accompagnerons la hausse des taux dans une conjoncture d’inflation. Aussi, grâce à des réserves importantes (6,78% des encours), nous proposerons un taux de rendement en hausse significative, compétitif par rapport à celui du Livret A qui dépassera les 3% sur versement grâce aussi à notre politique de bonification. Nous appliquons des bonus sur versement de l'ordre de 1,60% : comme notre taux de rendement sera au moins égal à 2,05%, cela signifie que le taux de rendement sera au moins supérieur à 3,65%, bonus inclus sur les versements initiaux ou complémentaires.
Pour autant, les taux sur le marché seront de plus en plus hétérogènes. Dans le fonds en euros, il y a tout un jeu de provisions, dont la PPB (provision pour participation aux bénéfices, ndlr) fait partie, mais pas seulement. Les assureurs sont tenus par un certain nombre de contraintes réglementaires et par leurs anticipations. C’est ce qui explique que les politiques de souscription sont de moins en moins homogènes. Le taux dépend de la situation d’un assureur, de sa volonté de collecter ou non et notamment de sa capacité à reprendre ses provisions. De quoi augmenter l’hétérogénéité des rendements. Car les taux servis résultent de très nombreux facteurs comme la collecte, la performance financière, le montant des provisions disponibles.
Quels sont les défis de l’épargne en 2024 ?
Le principal défi repose sur la stabilisation de l’assurance vie dans le paysage de l’épargne. Nous voulons continuer à faire en sorte que l’offre assurance vie au sens large réponde aux besoins des clients en fonction de leur souhait, appétit au risque etc. Ce n’est ni plus ni moins le même que chaque année. Mais cette fois, nous avons traversé un an et demi de turbulence où les références ont été challengées. Nous n’avions pas puisé dans nos réserves récemment. Nous comptons continuer à expliquer à nos partenaires et nos clients que l’assurance vie était là, est là et sera encore là et que ça répond bien – si le conseil est bon – à leurs besoins d'épargne financière d’autant plus qu’il y a une poche sécuritaire et une poche plus risquée en UC.
Que pensez-vous de la transférabilité inter-entreprise des contrats d’assurance vie proposée par les sénateurs Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier ?
La transférabilité inter-compagnie peut être un leurre car en réalité nous n’en avons pas besoin. La plupart des assureurs ont une gamme très large et les assurés ont la possibilité d’arbitrer au sein de la gamme d’un distributeur grâce à la transférabilité intra-compagnie qui existe depuis la loi Sapin II. La transférabilité inter-entreprise pourrait être, par ailleurs, dangereuse. Si cela se confirme, nous aurons de plus en plus de mal à projeter les comportements de nos clients ce qui rendra notre passif plus erratique. Cela nous obligera à prendre des investissements à l’actif moins longs. De quoi nous empêcher de financer l’économie réelle. Donc cela occasionne une sorte de démutualisation financière sans doute contre-productive. D’ailleurs, l'expérience montre que l'épargnant n'exprime pas ou peu cette demande de transférer son assurance vie.
Quelle est votre position sur la place du private equity dans les contrats d’assurance vie ?
Le private equity se heurte à un problème de liquidité. Le Code des assurances oblige les assureurs à régler les décès en 30 jours et les rachats au bout de 60 jours. Très peu liquide, le capital-investissement risque de peser sur les comptes de l’assureur. Par ailleurs, il y a un problème de pricing, faute de profondeur de marché. Beaucoup de discussions et de groupes de travail autour de la fédération des assureurs – dont BNP Paribas Cardif fait partie – ont lieu. Notre objectif est de faire connaitre notre voix pour défendre nos intérêts et de ne pas céder à des effets de mode. Le private equity doit être attribué à des clients initiés qui comprennent les risques qu’ils prennent, et pour des profils dynamiques. Je ne pousserai aucune mesure automatique car imposer un pourcentage minimum c’est annihiler le devoir de conseil.
L’ACPR et les fédérations ont mis en place une méthodologie pour combattre les frais excessifs en assurance vie. Comment cela se concrétise-t-il chez BNP Paribas Cardif ?
Nous n’avons pas attendu la recommandation de l’ACPR et de France Assureurs pour ajuster nos tarifs en fonction du service rendu. Pour autant, il peut y avoir des situations où un certain nombre d’unités de compte appliquent des tarifs excessifs au regard des rendements servis. Chez BNP Paribas Cardif, nous effectuons périodiquement une revue comme le veut la recommandation à laquelle nous avons beaucoup participé. Nous avons demandé à nos partenaires de corriger les frais excessifs. Cela ne concerne que très peu de cas. Il s’agit de la deuxième revue périodique effectuée depuis le début de l’année, avec l’application de la nouvelle méthodologie.
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