Florence Lustman : "Cette crise va coûter très cher à l'assurance"

mardi 21 juillet 2020
Image de Florence Lustman : "Cette crise va coûter très cher à l'assurance"

Invitée de l'Association nationale des journalistes de l'assurance (Anja), Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance, est revenue sur les conséquences de la crise. Elle s'est également attardée sur les attentes de la FFA vis-à-vis de la révision de Solvabilité 2.

Devant les journalistes de l'Anja, Florence Lustman est revenue sur les critiques adressées au secteur sur l'épineux dossier de la perte d'exploitation sans dommages. « Beaucoup de nos concitoyens se sont retrouvés dans une situation catastrophique et ont identifié une bouée de sauvetage : la perte d'exploitation sans dommage. En toute bonne foi, ils pensaient être couverts. Quand on leur a expliqué que ce n'était pas le cas, cela a été dur à entendre. Les assureurs aussi ont été de bonne foi en pointant que ce qui est inassurable est inassuré », analyse-t-elle. Elle regrette toutefois que « ce débat ait occulté tous les autres aspects assurantiels mis en œuvre par les assureurs ».

Un impact de l'ordre de 9Mds d'euros pour l'assurance française

Car selon le dernier chiffrage livré par la fédération, les mesures de solidarité des assureurs ont représenté 2,3Mds d'euros, auxquels s'ajoutent 1,5Md d'euros du programme d'investissement annoncé au début du mois de juillet. A cela s'ajoutent les indemnisations contractuelles. « Certaines branches ont été particulièrement touchées en termes de sinistralité, comme la responsabilité civile des soignants, des collectivités ou encore des entreprises », illustre la présidente de la FFA. Mais également la prévoyance, et l'auto avec une reprise importante des sinistres au sortir du déconfinement.

Florence Lustman a également évoqué les aspects financiers pointant les taux bas et la volatilité des marchés financiers durant la crise. Si on additionne à cela les impayés « durant toute la période de fermeture administrative », « on se reconnaît bien dans l'estimation donnée par le Lloyd's sur le coût de la crise pour le secteur de l'assurance mondiale estimée à 203Mds de dollars ». En extrapolant au marché français, la facture avoisine les 9Mds d'euros pour les assureurs de l'Hexagone. « Cette crise va coûter très cher à l'assurance », a rappelé la présidente de la FFA.

Organiser la prise en charge de la perte d'autonomie

D'autant que dans les prochains mois, avec la hausse attendue du chômage, les assureurs santé devront faire face à la portabilité des droits. Le système de portabilité des droits prévoit en effet le maintien de la couverture santé pendant un an après la perte de son emploi. Mais durant cette période, les primes ne sont plus payées.

Florence Lustman s’est également prononcée sur la perte d’autonomie, un sujet qui lui « tient à cœur », car elle a dirigé par le passé le plan Alzheimer. La présidente de la FFA est en discussion avec Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, et son conseil pour comprendre l’architecture de la future branche autonomie. « L’important est d’être présent dès le début », indique Florence Lustman. Elle a détaillé le projet de la FFA et de la FNMF de créer une assurance dépendance généralisée pour permettre aux personnes en état de dépendance (GIR 1 et 2) d’avoir 500 euros de rente mensuelle. « Notre projet par répartition a l’avantage de ne pas faire appel à l’argent public. Je ne doute pas qu’on ait une place dans le projet. Au-delà des aspects de financement, s’il y a quelque chose que les assureurs et les assisteurs savent faire c’est l’organisation de la prise en charge », déclare Florence Lustman.

Tensions à la fédération

La période de confinement a été une période de tensions entre les différentes familles du secteur. Revenant sur la polémique autour du Crédit Mutuel, Florence Lustman a assuré « qu'il n'avait jamais été question d'exclure qui que ce soit. La commission de déontologie qui avait été saisie à la demande des 3 vice-présidents de la FFA a renvoyé à la réponse de l'ACPR sur les garanties pertes d'exploitation sans dommages ».

Autre point d'achoppement, l'abondement du fonds de solidarité. Si le premier versement de 200M d'euros « est passé comme une lettre à la Poste », précise-t-elle, ce fut un peu plus compliqué pour le deuxième. « Le Premier ministre nous a sollicités pour un nouvel abondement. Je m'en suis remis aux 280 membres de la Fédération qui en réponse proposaient un engagement à hauteur de 100M d'euros sur la base du volontariat. Mais le Premier ministre souhaitait un abondement au moins équivalent au premier, soit 200M d'euros », décrit-elle. Mais « il n'y a pas toujours de recouvrement entre les intérêts des entreprises et ceux du secteur. Les discussions ont été vives au sein de certains conseils d'administration. Cependant, il n'y a pas de drame », assure Florence Lustman. Pour autant, « il faut que l'on se repose la question de notre gouvernance et de nos statuts », anticipe-t-elle.

Ne pas se presser pour réviser Solvabilité 2

Autre question cruciale, celle de solvabilité 2. « Je ne comprendrai pas qu'on n'analyse pas la révision [de solvabilité 2, ndlr] au regard de cette crise. Est-ce normal que lorsque l'OAT perd un peu, les ratios perdent 10, 20 ou 30 points ? C'est l'effet de la valorisation instantanée qui induit ces variations », pointe la présidente. Cette dernière s'interroge également sur la pénalisation des investissements en action. Malgré cela, « il ne faut pas se presser pour une révision. Tous les esprits ne sont pas prêts en Europe. Certains pays dans lesquels les fonds de pensions sont très développés comptent moins sur les assureurs pour le financement de l'économie. Or vous aurez noté que les fonds de pension ne sont pas soumis à Solvabilité 2", ironise-t-elle. L'Eiopa a d'ores et déjà repoussé le calendrier de 6 mois.

Contenus suggérés