Fraude à l’Assurance Maladie : 500M d’euros détectés d’ici 2024
L’Assurance Maladie s’est fixée comme objectif d’atteindre 500M d’euros de préjudices financiers détectés et stoppés d’ici 2024. Dans les prochaines semaines, des audioprothésistes et des centres dentaires feront l’objet d’un déconventionnement d’urgence.
Après deux ans de crise sanitaire, l’Assurance Maladie veut mettre les bouchées doubles sur la lutte contre la fraude. Les années 2020 et 2021 ont connu un ralentissement des actions menées pour identifier et arrêter des comportements frauduleux. En effet, la crise sanitaire a mis à l’arrêt les actions contentieuses en cours tout comme les campagnes de contrôle. Si en 2019, les services anti-fraude avaient détecté 286,7M d’euros de préjudices financiers, en 2020, ils n’ont repéré que 127,7M d’euros de fraudes. La machine s’est relancée en 2021, avec 219,3M d’euros de fraudes stoppées, mais ce montant reste en-deçà de l’objectif de 265M d’euros.
Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), a présenté lors d’une conférence de presse sa stratégie globale pour accélérer les actions de lutte contre la fraude portées par 1.600 agents spécialisés. Son objectif « ambitieux » est d’atteindre 500M d’euros de fraude détectée d’ici 2024.
Première étape, évaluer les différents types de fraude
Pour y parvenir, il compte accentuer les contrôles auprès des professionnels de santé, responsables de deux tiers des fraudes détectées. Les infirmiers et les pharmaciens arrivent en tête des catégories de professionnels en termes de volume de préjudices financiers, avec 39M d’euros et 19M d’euros de fraudes détectés en 2021.
La Cnam a entamé des travaux pour estimer la fraude des différentes catégories de professionnels de santé. Le préjudice financier des médecins généralistes est compris entre 3,1% et 3,5% ; soit entre 185 et 215M d’euros sur les 6Mds d’euros remboursés sur ce poste de dépenses en 2018.
Les priorités pour 2022
Thomas Fatome a présenté les priorités de la Cnam pour 2022 en matière de lutte contre la fraude. La Caisse va se concentrer sur les centres de santé ophtalmologiques et dentaires, les trafics de médicaments onéreux, les téléconsultations et les dispositifs d’optique et audioprothèses dans le cadre du 100% santé. « Nous avons quelques individus organisés qui ont profité du 100% santé pour créer des facturations fictives. Nous avons deux grosses affaires avec des audioprothésistes qui vont déboucher dans les prochaines semaines et qui nous incitent à aller regarder ce qui se passe », déclare Thomas Fatôme.
Des centres dentaires dans le viseur
A propos du 100% santé, l’Assurance Maladie n’est pas en mesure d’estimer le montant de la fraude à ce stade, mais elle mettra l’accent sur le contrôle des opticiens et des audioprothésistes. Par ailleurs, une task force a été déployée en automne 2020 pour coordonner le contrôle de centres de santé dentaires appartenant à 5 réseaux différents.
« Notre point d’entrée sur les centres dentaires n’est pas le 100% santé, mais des requêtes et des plaintes d’assurés qui montrent des facturations problématiques. Il y a de la place pour des centres de santé ophtalmologiques et dentaires, mais manifestement, il y a un nombre important de réseaux de centres qui sont là avant tout pour faire de l’argent et pas pour soigner les gens. Nous avons commencé à prendre des mesures. Depuis la LFSS 2022, un centre de santé qui s’installe ne peut pas commencer à facturer sans conventionnement. Nous observons les pratiques de facturation dans les premiers mois d'installation Et je vous confirme que dans les prochaines semaines, nous allons déconventionner d’urgence des centres en Île-de-France », annonce Thomas Fatôme.
Vigilance sur les arrêts de travail itératifs
L’Assurance Maladie va également accentuer les contrôles sur les arrêts de travail. 465.000 actions ont été réalisées à fin août 2022 sur des assurés en arrêt de travail, soit 50% de plus qu’en 2021. La Cnam souhaite surveiller plus spécifiquement les arrêts itératifs de courte durée et réaliser des contrôles précoces auprès des personnes en arrêt pour des douleurs au dos (dorso-lombalgie) et pour dépression ou anxiété.
Concernant la complémentaire santé solidaire, la Cnam souhaite atteindre 50.000 dossiers annuels contrôlés afin de s’assurer que les bénéficiaires de la C2S ne dépassent pas le plafond de ressources. La Cnam estime le taux de fraude entre 1,22% et 8%. Environ 1,22% des bénéficiaires auraient des ressources trois fois supérieures au plafond de la C2S, soit une estimation de 25 millions d’euros. En intégrant la C2S avec participation, le taux de fraude atteint 8,7%, soit une estimation de 176,5M d’euros.
L'IA au service de la lutte contre la fraude
Pour passer à la vitesse supérieure, l’Assurance Maladie compte s’appuyer sur des outils qui combinent le datamining et le big data. Thomas Fatôme a présenté un outil de détection des comportements atypiques des infirmiers libéraux qui a vocation à être étendu à d’autres professionnels de santé dès 2023.
Pour s’attaquer au trafic de médicaments onéreux, l’Assurance Maladie va déployer d’ici la fin de l’année un tout nouvel outil de mapping permettant de détecter des relations suspicieuses entre médecins, pharmaciens et assurés. Le déploiement de l’ordonnance numérique (e-prescription en jargon technique) devrait également permettre de lutter contre le trafic de médicaments onéreux. Enfin, l’Assurance Maladie a conclu une convention avec les pharmaciens qui prévoit un contrôle systématique par le pharmacien auprès du médecin prescripteur pour les médicaments de plus de 300 euros.
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