HCAAM : Le scénario de Grande Sécu ou la fin du ticket modérateur
INFOGRAPHIES - Très redouté par les ocam, le scénario de Grande Sécu provoquerait une contraction d’environ 70% de l’activité des organismes complémentaires selon les estimations du HCAAM.
Le scénario de Grande Sécu a été largement médiatisé en amont de la publication du rapport du HCAAM sur l’articulation entre la sécurité sociale et les complémentaires. Le ministre Olivier Véran avait demandé au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie de l’instruire en priorité. La Grande Sécu a fait l’objet d’une vive opposition du secteur de l'assurance privée car ce scénario menace la pérennité des organismes complémentaires. Même si le gouvernement semble avoir écarté cette piste de réforme, le débat sur l’accessibilité financière de certains publics à la complémentaire santé est loin d’être clos.
C’est quoi la Grande Sécu ?
Et si le dispositif de remboursement des affections de longue durée (ALD) était généralisé à l’ensemble des patients et des prises en charge ? L’assurance maladie rembourserait donc à 100% les soins et le ticket modérateur serait supprimé. Il resterait aux organismes complémentaires le remboursement des dépenses en dehors du panier de soins Sécu, les dépassements d’honoraires et la chambre particulière.
Dans cette éventualité, « la règlementation qui s’impose aux ocam pourrait être allégée et les aides socio-fiscales pour la souscription d’une complémentaire santé pourraient être réduites voire supprimées », souligne le HCAAM. Tout comme l’obligation de souscription des employeurs.
Les avantages d’un système plus équitable
Ce système serait plus équitable puisque les primes de complémentaire santé seraient remplacées par une contribution qui pourrait être calculée en fonction des revenus. L’extension du champ de la sécurité sociale aurait également comme mérite de limiter les renoncements aux soins. Les ménages n’auraient plus à payer 7,6Mds d’euros par an au titre des frais de gestion des complémentaires, ce qui se traduirait par une augmentation du pouvoir d’achat, comme l'indique le HCAAM dans son rapport.
En outre, le système serait plus simple, lisible et transparent puisque l’assurance maladie serait l’assureur unique pour un champ plus large de dépenses. Les offreurs de soins bénéficieraient également de cette simplicité des règles de facturation. Par ailleurs, l’assurance maladie ne pourrait plus « se défausser » sur les organismes complémentaires pour certaines dépenses essentielles au travers le déremboursement. Avoir une seule opération de gestion favoriserait le déploiement du tiers payant et des modes de rémunération des professionnels de santé innovants (paiement à la performance ou sur des objectifs de santé publique).
Le HCAAM ne prévoit pas de hausse significative des dépenses de santé dans ce scénario de grande Sécu, mis à part la baisse du renoncement aux soins.
59% des assurés paient des dépassements d’honoraires
Dans son rapport, le Haut conseil précise dans un tableau que 5% des assurés n’ont aucun reste à charge après AMO et 36% d'entre eux ont un reste à charge opposable après remboursement de l’assurance maladie obligatoire. Le reste, soit 59% des assurés, subissent des dépassements d’honoraires et des tarifs libres (18% des assurés ont un RAC après AMO de moins de 50 euros, 6% d’entre eux, entre 50 et 100 euros et 35%, plus de 100 euros).
L'assurance privée pour les plus aisés
Ces chiffres montrent qu’au-delà du ticket modérateur, il resterait un large terrain de jeu pour les organismes complémentaires en cas de mise en place d’une grande Sécu. La complémentaire santé deviendrait une couverture supplémentaire et beaucoup moins de Français y auraient recours. « Les ménages aisés seraient surreprésentés parmi les personnes couvertes », pointe le HCAAM. Cela pourrait conduire à la mise en place des assurances duplicatives, comme au Royaume-Uni, où 11% de la population a une assurance privée qui ouvre l’accès à de meilleures conditions hôtelières à l’hôpital, des délais d’attente réduits et permet de choisir du médecin au sein des établissements de santé.
Le HCAAM table sur une suppression des tickets modérateurs, y compris pour les médicaments. Le forfait journalier hospitalier et le forfait patient urgences seraient pris en charge par l’assurance maladie. Le HCAAM préconise une analyse approfondie sur la facturation des chambres particulières à l’hôpital, notamment sur la liberté des patients et les comptes des établissements de santé. En optique, dentaire et audioprothèse, l’assurance maladie rembourserait les actes du panier 100% santé. Concernant les dispositifs médicaux, « il conviendrait de définir le panier des DM couverts par la sécurité sociale étendue, et d’imposer des prix limites de vente sur l’ensemble du panier retenu ». Dans ce scénario, la complémentaire santé solidaire (C2S) serait maintenue concernant l’interdiction de pratiquer des dépassements d’honoraires, mais « les formalités d’accès pourraient être drastiquement simplifiées », indique le texte.
Le HCAAM préconise de renforcer la démocratisation et le pluralisme dans la gouvernance du système de santé, notamment dans cette hypothèse où la sécurité sociale aurait un rôle accru.
Des tarifs régulés
Afin d’éviter une dérive des dépenses de santé, et de faciliter l’accès financier aux soins, ce scénario conduit également à une régulation des prix des tarifs conventionnels mais également des tarifs libres. Le niveau de remboursement par la Grande Sécu serait celui du tarif de responsabilité. Resterait donc à résoudre la question des dépassements d’honoraires.
Le HCAAM exclut tout remboursement de ces derniers par la Sécu mais ouvre la porte à une éventuelle revalorisation du tarif de responsabilité de certains actes. Les ocam pourraient donc prendre en charge ces dépassements mais les pénalités fiscales des contrats non responsables, associées à des niveaux élevés de remboursement, seraient maintenues pour éviter l’inflation sur les tarifs des soins.
Pas de chiffres sur l'impact social de la réforme
Le rapport balaie rapidement la question de l’impact de ce scénario sur les salariés des organismes complémentaires. Le HCAAM cite la suppression du régime étudiant d’assurance maladie ou la fin du régime social des indépendants (RSI) comme des réformes précédentes pour lesquelles des solutions ont été trouvées. Sans indiquer le nombre de salariés impactés, le Haut conseil écrit que « la réforme devrait s'accompagner d'un plan complet d'accompagnement. Une partie des frais de gestion économisés par la réforme pourrait être, lors des premières années, mobilisée pour le financer ». Les salariés pourraient être reclassés en interne, notamment dans les sociétés d’assurance et de courtage présentes dans d’autres branches que la santé. Le Hcaam imagine comme alternative la reprise volontaire su personnel par des organismes de sécurité sociale ou encore l’indemnisation, la formation et l’accompagnement des salariés dans la perspective d’une reconversion.
Comment financer la grande Sécu ?
Le financement pourrait s’appuyer sur les cotisations patronales (forfait social de 20%), dans un contexte où les entreprises n’auraient plus à financer la moitié de la couverture santé de leurs employeurs. Le HCAAM propose également de mobilier la CSG ou de mobiliser d’autres ressources comme la TVA et d’autres impôts et taxes affectés à la sécurité sociale.
Si la Sécurité sociale prenait en charge les soins à 100%, le surcoût serait de 18,8Mds d’euros pour les finances publiques.
Cependant, les estimations sur le dentaire sont sous-évaluées puisque selon les analyses de la Cour des Comptes sur le 100% santé, les montants hors sécurité sociale atteindraient presque 1,7Md d’euros en 2020. « La méthode ne prend pas en compte l’augmentation du recours aux soins dentaires ni la modification de la structure de consommation des prothèses dentaires induits par le 100% santé », reconnaît le HCAAM.
Ce scénario conduirait à une baisse du reste à charge après AMO très significative chez les personnes âgées : 784 euros d’économies par personne et par an pour les plus de 80 ans, 590 euros pour les personnes entre 70 et 79 ans et 380 euros d’économie pour les personnes d’entre 60 et 69 ans.
Contraction du marché des ocam
La Grande Sécu provoquerait une contraction de 70% du marché de la complémentaire santé. En euros, ce serait 19,7Mds d’euros de baisse de chiffre d’affaires liée à l’augmentation des remboursements AMO et 7,3Mds d’euros liée à la résiliation de la moitié des assurés. Seulement un tiers des assurés auraient des restes à charge après AMO de plus de 100 euros par an.
Le HCAAM prévoit que la moitié des personnes couvertes aujourd’hui par les contrats les moins couvrants ne seraient plus couvertes par une complémentaire santé en cas d’avènement d’une grande Sécu. La désaffiliation concernerait 20% des assurés couverts par un contrat d’entreprise et 70% des personnes couvertes par un contrat individuel.
La prime moyenne d’un contrat de complémentaire santé serait de moins de 20 euros pour un personne de 20 ans et de 90 euros pour une personne de 70 ans. Les charges de gestion seraient en baisse de 5,4Mds d’euros. Le rendement de la TSA diminurait de 3,5Mds d’euros.
L’occasion de développer la prévoyance
« La réforme serait l’occasion d’un redéploiement d’une fraction des participations des employeurs aujourd’hui affectées au financement des contrats de complémentaire santé collectifs vers des contrats de prévoyance, en lien avec des incitations fiscales (forfait social des contrats collectifs en santé porté à 20 % alors qu’il est de 8% pour la prévoyance) et permettrait ainsi le développement du marché de la prévoyance », selon le HCAAM.
Le marché de la prévoyance augmenterait donc de 1,25Md d’euros selon les hypothèses du HCAAM, dont 43% serait financé par les salariés. In fine, la réforme de la Grande Sécu conduirait à une hausse de 22,5Mds d’euros de dépenses supplémentaires pour les finances publiques.
À qui profiterait la réforme ?
La Grande Sécu permettrait de dégager 5,4Mds d’euros de gain financier net et bénéficierait à toutes les catégories de population. Le HCAAM envisage deux scénarios différents : une répartition mécanique de ce gain entre les catégories d’acteurs (100 euros par salarié et par an, 130 euros par indépendant et par an, 50 euros par inactif et par an et 170 euros par retraité et par an).
Un deuxième scénario prévoit que les gains redistributifs bénéficient davantage aux retraités et inactifs (30 euros par salarié et par an, 0 euros par indépendant et par an, 100 euros par inactif et par an et 260 euros par retraité et par an).
Cette réforme bénéficierait notamment aux 8 premiers dixièmes de niveau de vie, tandis que les deux derniers dixièmes subiraient une légère charge supplémentaire (70 euros par an de surcoût pour le 9ème dixième et 300 euros par an pour le dernier dixième). L’impact pour les employeurs serait non significatif puisque les hausses des cotisations patronales équivalent aux réductions de participation employeur au financement de la complémentaire santé.
Retrouvez tous les articles de notre dossier spécial “Un jour, un scénario” ici.
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