HCAAM : Pourquoi les complémentaires rejettent la désimbrication RO/RC
Parmi les scénarios que le HCAAM étudie, celui de la désimbrication des champs de remboursement entre l’assurance maladie obligatoire et complémentaire n’est pas du goût des organismes complémentaires.
L’idée de confier aux organismes complémentaires le remboursement des soins dentaires, des aides auditives, des équipements optiques et des médicaments à service médical rendu faible ou modéré n’est pas nouvelle. En 2017, François Fillon, candidat LR aux élections présidentielles, avait de son côté soutenu l’idée de confier le « grand risque » à la Sécu et le « petit risque » aux complémentaires.
Dans son rapport, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a appelé ce scénario « décroisement entre les domaines d’intervention de l’assurance maladie obligatoire et des assurances complémentaires ». L’idée est de passer d’une assurance complémentaire à une assurance « supplémentaire », dans laquelle AMO et AMC interviennent sur des paniers de soins différents. Ce serait donc la fin du copaiement car la Sécurité sociale prendrait à 100% les soins sur la base du tarif de responsabilité. Les dépassements d’honoraires resteraient à la charge des complémentaires.
Plus de liberté pour les ocam, mais...
Les organismes complémentaires auraient donc plus de liberté pour contractualiser avec les professionnels de santé. Cependant, le Hcaam souligne qu’il conviendrait d'améliorer la régulation des réseaux de soins afin d’encadrer la relation contractuelle entre le réseau et le praticien, aujourd’hui en faveur du réseau. Les assurés auraient aussi une diversité de contrats à leur disposition qu’ils pourraient choisir ou pas en fonction de leurs besoins.
Dans ce scénario, « l’accès aux soins des plus modestes serait traité dans le cadre de la sécurité sociale pour les éligibles actuels de la C2S », selon la version définitive du rapport. Selon les calculs du HCAAM, ce scénario coûterait 2,9 milliards d’euros supplémentaires par an aux finances publiques (2,7Mds d'euros de dépenses de santé supplémentaires et 200M d'euros de réduction de recettes de la TSA). Dans cette hypothèse, la Sécu dérembourserait les médicaments qui sont aujourd’hui remboursés à 15% ou 30% et conserverait dans le panier public les médicaments déjà remboursés aujourd’hui à 100%. Concernant les médicaments à 65%, ils seraient déremboursés sauf pour les patients atteints d’affection de longue durée.
Si les médicaments à 65% étaient conservés dans le panier public pour tous les patients, l'impact économique de ce scénario ne serait pas à 2,5 milliards mais à 12,5 milliards d'euros pour les finances publiques.
Le Hcaam suggère également de permettre aux mineurs de bénéficier du panier de soins de la C2S, dans un objectif de santé publique, afin de favoriser l’accès aux soins des enfants, la prévention bucco-dentaire et les dépistages visuels et auditifs.
« L’aggravation des RAC les plus lourds, notamment sous l’effet du déremboursement des médicaments à 65% pour les personnes qui ne sont pas en ALD souligne l’intérêt, dans ce scénario, de continuer à inciter à la souscription d’assurance santé privée pour couvrir ces risques lourds », indique le rapport.
Risque de démutualisation
Sévérine Salgado, directrice générale de la Mutualité Française souligne que ce scénario de désimbrication pourrait nuire à la mutualisation, car il n’y aurait plus de notion d’aléa. Les personnes souscrivant une assurance privée seraient uniquement celles certaines d’activer les garanties, conduisant ainsi à un renchérissement des couvertures.
Quels effets redistributifs ?
Concernant les effets redistributifs de ce scénario, les personnes âgées de plus de 70 ans seraient les grandes gagnantes. Par ailleurs, le Hcaam pointe une aggravation des restes à charge moyens pour les 5% des personnes qui subissent les restes à charge les plus lourds, de 3.000 à 3.500 euros. D’où l’importance pour le Haut conseil de préserver les incitations fiscales pour intégrer dans les contrats d’assurance des garanties qui limitent ces restes à charge lourds en cas d’absence d’assurance (médicaments, dentaire, audioprothèses)
Dans ce scénario, le contrat responsable serait allégé, avec des incitations fiscales à couvrir certains soins comme les soins dentaires conservateurs dans un objectif d’accès à la santé. Le Hcaam prévoit en plus le « maintien de la loi Evin, maintien de la notion de contrats 'solidaires' décourageant les questionnaires médicaux et interdiction d’exclure du contrat d’assurance ou de revaloriser les tarifs en fonction de la sinistralité individuelle observée (contrats individuels) ».
Le Hcaam imagine de remplacer l’obligation de financer 50% de la couverture santé de leurs salariés par une nouvelle obligation de négocier au niveau de l’entreprise ou de la branche la possibilité de souscrire des garanties santé et/ou prévoyance. Ce scénario permettrait donc le développement de la prévoyance complémentaire au sein des entreprises.
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