Interview / Italie : « C'est une décision politique » selon Philippe Crevel

mercredi 21 septembre 2011
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Sans pronostiquer la suite des événements, Philippe Crevel, économiste et secrétaire général du cercle des épargnants, livre quelques éléments afin de décoder la crise de la dette italienne et son impact sur les compagnies d’assurance françaises. Seule anticipation : « du sang, de la peine et de la sueur ». Pour les larmes on verra plus tard.

Les compagnies d’assurance sont-elles plus exposées à la dette italienne qu’à la dette grecque ?

La dette grecque, c’est 350Mds d’euros, la dette italienne, 2.000Mds. La France est le premier contributeur de la dette italienne et les assureurs investissent massivement en actions. L’Italie arrive généralement en 3e place dans les portefeuilles des compagnies d’assurance françaises, après les titres français et allemands. Cependant l’exposition des compagnies d’assurances est moins importante que celle des banques, le ratio prudentiel étant plus fortement encadré. Les banques françaises peuvent supporter le problème de la Grèce, plus difficilement celui de l’Italie. Certes, les assureurs sont de gros détenteurs de dette publique, mais avec une meilleure répartition. Et les compagnies ont baissé le poids de leur engagement vis-à-vis des dettes publiques ces derniers temps, pour privilégier la dette d’entreprise. Un moyen de diversifier et d’obtenir un meilleur rendement.

Quelles sont les conséquences de l’abaissement de la note sur les compagnies ?

Les compagnies étaient dans une politique de diminution des titres italiens, et vont donc continuer, quoique le taux d’intérêt des nouvelles émissions va augmenter… Pour les titres les plus anciens, elles ne peuvent de toute façon pas de désengager. Quoi qu’il en soit, l’abaissement de la note de l’Italie n’est pas une révolution, c’est une décision politique, amenée par le blocage que cause la bataille autour de la chute de Silvio Berlusconi et les risques qui en découlent. C’est déjà ce qui avait motivé Standard & Poor’s avec les États-Unis, lorsque démocrates et républicains ne parvenaient pas à s’entendre au sujet de la dette.

Y-a-t-il un risque de défaut de paiement ?

En l’état actuel, non. Au fond, la dette publique italienne est importante mais ce sont surtout les signes négatifs de l’économie qui inquiètent, notamment la croissance, faible depuis longtemps. Le déficit public s’élève à 4,5% du PIB, mais il est moins élevé qu’en France ! Le gouvernement a également mis en place des mesures ambitieuses telles que la retraite à 65 ans. Le taux d’épargne des ménages italiens est également important tandis que leur endettement est faible. Et les grands groupes tels que FIAT ou Generali sont bien gérés. La situation n’est pas comparable à la Grèce, où la base imposable est inexistante de même que la collecte des impôts. Certes, la dette publique, à 120% du PIB, est plus importante que la moyenne en Europe, mais elle est en voie de stabilisation.

… et d’un plan de sauvetage comparable à celui de la Grèce ?

Le 21 juillet, Nicolas Sarkozy répliquait à une journaliste que ce qui a été décidé pour la Grèce n’était pas applicable à d’autres pays. Pour l’Italie, on change de dimension, il faudrait d’autres réponses.  Pour le moment, il y a des tensions entre la France et l’Allemagne, qui refuse les euros-bonds et doit donc accepter que la BCE rachète de la dette italienne pour peser sur les taux. La suite dépendra de la croissance. Le FMI pronostique une faible croissance voire une récession. En France, les prévisions de 1,75% pour l’année prochaine sont revues à la baisse autour des 1,2 %. On est dans une spirale d’assainissement  et de récession mais il faut que les états s’engagent pour casser ce cycle vicieux. Le fait qu’on entre dans un cycle récessionniste est un sujet d’inquiétude pour tous les états.

 

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