La fin tant attendue des baisses de tarifs est-elle enfin venue ?
Dans un marché surcapacitaire où la concurrence exacerbe la baisse tarifaire, l’année 2019 pourrait être celle de la fin d’un cycle infernal qui dure depuis près de 15 ans.
Depuis l’attentat des tours jumelles du World Trade Center le 11 Septembre 2001, le marché de l’assurance des grands risques subit, impuissant, une baisse continue des politiques tarifaires sur la grande majorité des branches, entre afflux de capacités et concurrence exacerbée, jusqu’à se demander parfois, si les minima techniques servent encore de garde fou.
2019 serait-elle l’année du retournement tarifaire tant attendu ? Plusieurs signaux laissent en tout cas entrevoir une embellie pour le marché. Dans son dernier état du marché de l’assurance IARD, l’Amrae observe notamment la fin de cette tendance tarifaire orientée à la baisse, certains assureurs plus sélectifs indiquant qu’ils pratiqueront même des hausses de tarifs sur certaines branches compliquées.
« Nous sommes dans une année de changement », déclare à ce sujet Leopold Larios de Pina, administrateur de l’Amrae et risk manager de Mazars, « Alors que nous assistions année après année à des baisses successives de tarifs, les assureurs grands risques ont atteint pour la première fois un point bas dans leur rentabilité qui entraîne une plus grande vigilance dans leurs politiques de souscription ».Alors que l’économie globale s’est plutôt bien portée en 2018, avec des industries qui ont tourné à plein régime et des machines utilisées au maximum, la sinistralité générale des outils de production a augmenté, aussi bien en termes de fréquence que d’intensité, avec des difficultés de dépannage et des coûts de pertes d’exploitation plus élevés.
La sinistralité à la rescousse
« Si vous ajoutez à ce contexte des niveaux tarifaires divisés par deux en 15 ans, notamment sur le marché français des grands risques dommages, ainsi que la composante Cat’ Nat’ qui impacte nos clients internationaux à travers le monde, nous sommes face à une problématique globale avec un équilibre qui ne se fait plus. Nous constatons déjà que les prix sont repartis à la hausse après avoir atteint des niveaux trop bas lors des derniers exercices, notamment sur certains risques ou activités complexes très sinistrés (traitement de déchets, énergies, etc) », explique de son côté Thierry Masurel, directeur général de l’assureur FM Global en France.
En transports par exemple sur la branche marine / cargo, « la sinistralité globale 2018 a été moindre que l’exercice précédent, la sinistralité attritionnelle est restée importante avec des niveaux de primes jugés par les assureurs comme étant globalement trop bas pour permettre un bon équilibre des résultats de leur portefeuille. Les résultats de la branche, notamment sur le marché de Londres, sont négatifs depuis plusieurs exercices, avec des budgets clients qui se sont restreints sans amélioration significative de la prévention. Fin 2018, les conditions de renouvellement se sont durcies et la finalisation des placements s’est avérée plus lente sur les affaires sinistrées », indique de son côté Patrick de la Morinerie, le président et fondateur de WeSpecialty.
Si l’Amrae observe la fin de la baisse des tarifs sur les branches RC ou perte d’exploitation, c’est en assurance construction qu’il y a de vraies difficultés de placements. En cause, les nombreuse faillites d’assureurs et de courtiers sur le marché français. « Cela crée des perturbations sur le marché, une raréfaction des capacités et de l’appétit des assureurs avec in fine des hausses de primes », poursuit Leopold Larios de Pina.
Des assureurs toujours frileux
« Même pour les grands courtiers du marché il est clairement difficile de placer ces risques ». Une constation également partagée par Thierry Masurel chez FM Global. « Nous observons d’ailleurs que pour la première fois, les courtiers ont du mal à clore certains programmes et peinent à trouver et placer des porteurs de risques en manque d’appétit. Résultats, certains programmes comptent parfois 10 à 15 assureurs », poursuit ce dernier.
Dans une économie où les taux d’intérêt ont été très bas, l’industrie de l’assurance a longtemps fait figure de placement favorable et rémunérateur, ce qui explique cet afflux de capacités ces dernières années et des tarifs très bas. Désormais, les taux d’intérêt remontent et l’assurance devient moins rentable. Cela pourrait avoir un effet très rapide sur le niveau des capacités disponibles sur le marché avec des difficultés à trouver des porteurs de risques.
A terme, cela pourrait entraîner une remontée des tarifs. « Sur le risque d’entreprises, les sociétés qui gèrent leurs risques et investissent dans des politiques de prévention arrivent à garder leurs primes d’assurance sous contrôle avec des hausses peu significatives », ajoute Leopold Larios de Pina. « Pour les entreprises plus négligentes sur le volet prévention, le marché de l’assurance est plus regardant et contraignant avec un pricing au plus près du risque. Cela explique la fin de la baisse des primes », conclut le RM de Mazars.
À voir aussi
Risk management : Le "Onze sur MR" est de retour en 2025
Grands risques : François Périquet rejoint HDI Global
Grands risques : Albingia sur le point de remanier son capital
Grands risques : Marsh trouve l’alchimie avec Solvay