Laurent Adouard : "Sur la rémunération des AMO, nous irons au contentieux"
INTERVIEW – Laurent Adouard, directeur général de la MNT, clarifie sa position à la suite de la publication de notre enquête sur la rémunération des intermédiaires dans la fonction publique territoriale.
Que pensez-vous du nouveau modèle de rémunération des intermédiaires dans la fonction publique territoriale consistant à rémunérer l’assistant à maîtrise d’ouvrage avec une commission prélevée sur les cotisations ?
Nous pensons que le recours aux assistants à maîtrise d’ouvrage et leur charge de travail est un sujet qui concerne les collectivités territoriales. En revanche, les contrats avec les AMO doivent faire l’objet d’un appel d’offres marché public et ne pas être glissés à l’intérieur des contrats de protection sociale qui sont financés en grand partie par les agents. Si la collectivité souhaite calculer la rémunération de l’AMO en pourcentage des cotisations, c’est elle qui doit la financer, cela ne peut pas être financé sur le contrat.
Pensez-vous que les appels d’offres feront baisser les tarifs de l’assistance à maîtrise d’ouvrage ?
Les collectivités ne peuvent pas soutenir que la mise en concurrence favorise la baisse de tarifs des assureurs et pas tenir le même discours pour les assistants à maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, quand on observe les montants pratiqués [2% des cotisations à Bordeaux, plafonnés à 60.000 euros], nous sommes en dehors de la réalité du marché, même si certains ont mis des plafonds. Il faut être raisonnable. Nous pensons que le jeu de la concurrence et le jeu des appels d’offres permettra aussi de réguler ce marché. Puis, 2% pour le fonds de prévention, au regard des 2% de l’AMO, je trouve qu’en qualité de mutuelle des agents, nous devons relever ces incohérences.
Comment comptez-vous contester ces pratiques ?
Nous avons eu des discussions avec certaines collectivités parce que leur direction des commandes publiques n’avait pas la même analyse juridique que nous. Nous avons fait refaire des analyses qui confirment notre position. Si on doit aller au contentieux pour rétablir le droit, on le fera pour les contrats à venir.
Quelles sont les voies juridiques possibles ?
Le seul vrai moyen c’est le tribunal administratif. Nous savons que le chemin sera long. Ce combat juridique n’est pas contre les collectivités, c’est pour le système. Nous avons la volonté d’éclaircir le droit pour la fonction publique.
Allez-vous répondre aux futurs appels d’offres des collectivités qui proposent le commissionnement ?
Ce n’est pas l’appel d’offres que l’on conteste, mais les modalités de sélection de l’AMO qui ne respectent pas le droit de la commande publique. Nous y répondrons et nous irons au contentieux, que l’on gagne ou que l’on perde.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas attaquer Bordeaux en justice ?
Bordeaux est la première collectivité à mettre en place un contrat collectif à adhésion obligatoire. Ce n’est pas à l’éclaireur de prendre des coups. Cela s’est fait dans une phase de transition, avec beaucoup d’expérimentation. Désormais, nous sommes très clairs pour la suite. Les collectivités connaissent le sujet et il n’y aura pas d’effet surprise pour les prochains appels d’offres.
Bordeaux a lancé un appel d’offres pour sélectionner un AMO pour le suivi du contrat. Vous le contestez ?
Nous verrons ce qu’il en ressort. La collectivité a lancé la consultation auprès des assureurs selon laquelle l’opérateur retenu doit verser 2% des cotisations à l’AMO. Je tiens à signaler que cet appel d’offres a été lancé avant de sélectionner l’AMO pour le suivi des contrats. Je pense qu’il y aura des cabinets d’AMO qui répondront à cet appel d’offres pour beaucoup moins cher que la rémunération envisagée actuellement.
Pourquoi contestez-vous le modèle du commissionnement pour rémunérer les AMO ?
Ce modèle économique crée une confusion d’intérêts. Si la rémunération de l’AMO est proportionnelle aux cotisations, elle encourage à augmenter les cotisations. Par ailleurs, je ne vois pas de lien entre la rémunération de l’AMO et la variation du PMSS ou la dérive des frais de santé. Les collectivités sont libres de fixer leurs modalités de rémunération à partir du moment où elles ne sont pas glissées dans un cahier de charges. Je pense qu’on arrivera très vite à des rémunérations forfaitaires sur ce marché.
La MNT est-elle seule à mener ce combat ?
D’autres mutuelles de la Coordination des assureurs mutualistes partagent notre avis.
Certains disent que vous combattez ce modèle car vous vous opposez à la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en santé. Que répondez-vous ?
Nous ne sommes pas contre les contrats collectifs à adhésion obligatoire. Les contrats collectifs sont positifs pour les agents, pour les collectivités et pour les assureurs, notamment en prévoyance. En revanche, sur la santé, nous pensons qu’il ne peut pas y avoir de rupture aussi rapide que sur la prévoyance. Nous pensons qu’il faut maintenir la labellisation. Il y a encore de petites collectivités qui n’ont pas la capacité à mettre en place des contrats collectifs. Il faut faire cohabiter les deux systèmes. En revanche, il faut arrêter les conventions de participation, qui cumulent tous les inconvénients de l’individuel et du collectif.
Pensez-vous qu’à terme toutes les collectivités vont avoir un contrat collectif ?
Nous estimons qu’à horizon 2028-2029, la moitié des agents seront couverts en santé par un contrat collectif à adhésion obligatoire et l’autre moitié par un contrat labellisé facultatif.
Historiquement, les marges techniques sur vos contrats santé ont-elles permis de financer les déficits en prévoyance ? Pensez-vous que la réforme de la PSC va mettre un terme à cette pratique ?
Les adhérents santé de la MNT ont fait le choix de mettre en place un régime prévoyance pour eux-mêmes et de le financer. La prévoyance s’est avérée déficitaire et est de moins en moins réassurée. La MNT a soutenu le développement puis les déséquilibres sur la prévoyance grâce aux excédents sur la santé. Avec la réforme, l’assemblée générale de la MNT a compris que les adhérents prévoyance doivent contribuer aux équilibres techniques de leurs contrats eux-mêmes.
Comme nous le dévoilions dans nos colonnes, Territoria Mutuelle a décidé de ne pas signer le plaidoyer de la coordination des assureurs mutualistes qui sera présentez mercredi au salon des Maires. Vous avez ensuite invité son président Robert Chiche à quitter la CAM. Pourquoi ?
A partir du moment où Territoria ne signe pas le plaidoyer, c’est difficile d’être autour de la table pour le défendre. C’est pour cela que la coordination a décidé que seules les signataires seront présentes. Cela n’enlève en rien les relations que l’on pourra avoir avec Territoria dans le futur, soit avec la MNT directement soit dans le cadre de la Coordination des assureurs mutualistes. Nous avons plein de sujets techniques à régler, notamment des contentieux en cours pour les sinistres prévoyance dans le cadre des successions de contrats.
Sur la forme, Territoria considère inopportun de prendre la parole au Salon des maires le 22 novembre. Que répondez-vous ?
Nous considérons qu’il faut parler aux maires. Nous avons quelques sujets sur le fond car comme nous n’avons pas la même histoire nous ne voyons pas les choses de la même façon.
Rencontrez-vous des difficultés à Bordeaux pour la mise en place du contrat ?
Nous avons répondu à un cahier de charges qui prévoyait un contrat à adhésion facultative. Cela s’est transformé en un contrat à adhésion obligatoire. Les droits et les responsabilités de la collectivité et de la mutuelle n’ont pas été clairement établis. Qui a le fichier ? Qui gère les dispenses d’adhésion ? Il y a des choses que l’on peut faire à la place de l’employeur et d’autres que l’on ne peut pas faire. Cela n’a pas été suffisamment explicité dans le cahier de charges. C’est ça que l’on doit éclairer. Au-delà des difficultés opérationnelles, nous saluons la décision de Bordeaux d’être pionnier sur la réforme de la PSC.
Pour aller plus loin, retrouvez ici notre enquête "PSC, les rémunérations de la discorde".
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