Laurent Ouazana : "La confiance d’un assureur est plus importante qu’un ratio S/P !"
INTERVIEW – Quelques semaines après le départ surprise de la présidente d’Entoria, Laurent Ouazana, de nouveau aux commandes du courtier, fait le point sur les raisons de son retour. Le dirigeant souhaite retrouver la confiance de ses partenaires et de ses équipes et remettre le grossiste dans une dynamique de conquête.
Comment expliquez-vous votre retour aux manettes d’Entoria ?
Fin 2019, j’ai pris du recul en laissant ma place à la tête de l’entreprise et en m’établissant aux États-Unis. Ce recul géographique était programmé depuis longtemps avec mes actionnaires. Tout en restant président du conseil de surveillance d’Entoria, je souhaitais pouvoir identifier là-bas de nouvelles pratiques intéressantes pour la stratégie du groupe, avec peut-être la possibilité d’y établir de nouveaux partenariats intelligents.
Malheureusement, la transition ne s’est pas bien passée et nous avons rapidement constaté, Apax, le conseil de surveillance et moi-même, des différences stratégiques profondes avec l’équipe de direction en place. Nous étions face à un désalignement des objectifs, des méthodes et un manque de transparence dans les décisions. Malgré la mise en place rapide d’un accompagnement, le conseil de surveillance a été contraint de prendre fin juin une décision radicale en mettant fin à la présidence de Sylvie Langlois.
En accord avec Apax Partners, le conseil a demandé que je puisse revenir aux commandes, le temps nécessaire pour remettre Entoria sur les rails. Au-delà du fait que j’en sois le deuxième actionnaire, cette entreprise est toute ma vie !
Quelles sont concrètement vos objectifs les plus immédiats ?
Peut-être nous sommes-nous un peu écartés de notre route, en oubliant notre culture d’origine, celle qui reposait sur la confiance que nous accordaient assureurs et courtiers. Je réfléchis actuellement à la façon de mettre en place de nouvelles relations avec ces partenaires. La période que nous vivons est propice à réfléchir et à imaginer. Cette réflexion n’est pas encore aboutie, mais il est nécessaire de retrouver cette relation forte, cet affect avec eux. Je suis assureur de formation, mais depuis 20 ans je me sens très proche de mes amis courtiers.
Nous avons également besoin d’enrichir nos équipes et de rafraîchir nos compétences. Nous allons donc renforcer notre direction opérationnelle en capitalisant sur nos forces et nos cerveaux internes. Mon travail est de rétablir de la confiance partout, en externe comme en interne, pour que cette entreprise, financièrement solide, puisse reprendre sa trajectoire, sa vitesse et ses ambitions.
Cela passe enfin par la mise en place de nouvelles offres, de nouveaux parcours clients et la refonte de notre système d’informations, un tunnel de plusieurs années dont nous voyons désormais le bout.
Songez-vous à la nomination d’un nouveau CEO ?
Pour l’heure, je suis CEO et président du directoire. Nous engagerons une réflexion au sujet d’une nouvelle gouvernance d’ici 2021, mais Entoria s’appuie d’ores et déjà sur une équipe de direction solide.
Si François-Xavier Le Menn a lui aussi quitté son poste de DG pour les mêmes divergences stratégiques, Richard Locatelli a rejoint le Comex comme DGA, supervisant les secteurs financier, technique et datas. Nous allons ensuite continuer à monter en gamme au sein de ce Comex pour passer un cap et gagner encore en expertise. Nos partenaires assureurs sont d’ailleurs très attentifs et sensibles sur ces sujets.
Justement, vos relations avec les assureurs se sont-elles détériorées ces derniers mois ?
Entoria est un groupe très fidèle, avec des partenariats qui durent parfois largement plus de dix années. Certes, nous arrivions à la fin de notre collaboration avec certains porteurs de risques, mais je suis chagriné d’avoir dû mettre fin à d’autres partenariats que nous avions mis du temps à construire et que nous n’aurions pas dû stopper.
La confiance d’un assureur est plus importante qu’un ratio S/P ! Ma mission est donc d’aller de nouveaux discuter avec ces derniers. Si certains partenariats sont définitivement terminés, nous poursuivons les discussions avec d’autres opérateurs et de nouveaux partenariats ont vu et verront le jour.
Votre capacité à grandir passe-t-elle par de nouvelles opérations de croissance externe ?
Nous pouvons le dire aujourd’hui sans trahir de secret, l’intégration d’Axelliance n’a pas été simple, cette entreprise étant déjà le fruit de plusieurs rapprochements avec des cultures, des produits et des systèmes différents. Mais nous avions besoin de marcher sur deux jambes (IARD et ADP), tout en restant un grossiste orienté sur les risques des professionnels qui ont besoin d’être intermédiés. Je reste certain qu’il s'agit de la bonne stratégie.
Désormais, nous sommes en veille avec Apax, en France comme à l’étranger, sur des opportunités pertinentes qui nous permettraient de grandir, notamment sur la taille de notre portefeuille. Nous sommes aujourd’hui proches du demi-milliard d’euros de cotisations gérées en risque, et passer la barre du milliard d’ici 3 à 5 ans nous mettrait à l’aise. L’innovation passe aussi par une bonne mutualisation des risques.
Comptez-vous reprendre des fonctions syndicales ?
Je reste très proche de l’équipe dirigeante de Planète CSCA et de son président, et je continue, dès que je le peux, à représenter Entoria au sein du collège grossiste du syndicat. J’y ai beaucoup d’amis. Le modèle grossiste est désormais ancré dans le paysage assurantiel et c’est une véritable locomotive pour une profession dont je suis toujours de très près les intérêts. La participation des courtiers aux travaux du futur mécanisme de couvertures des catastrophes exceptionnelles est une preuve de confiance et de reconnaissance du secteur.
Sur le projet d’autorégulation par exemple, la position de Planète CSCA est la bonne. Nous parlons du futur et tous les mots sont importants. Les associations représentatives, tout en assumant leurs responsabilités et en rendant des comptes, ne devront servir ni à contrôler ni à punir, mais à accompagner les cabinets, notamment de petite taille. Les acteurs autour de la table se connaissent désormais très bien, et je ne doute pas que nous trouvions un compromis pour ne pas dénaturer les spécificités de notre profession.
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