Le marché de l’assurance spatiale garde les pieds sur terre...
Malgré quelques exercices sinistrés, le marché de l’assurance spatiale se porte globalement bien. Désormais, courtiers et porteurs de risques doivent s’adapter à de nouvelles pratiques, entre réutilisation de lanceurs ou prestations de services en orbite.
Alors que les deux exercices précédents ont été profitables, avec une année 2017 record en matière de lancements de satellites et plus de 460 engins envoyés en orbite (on compte en moyenne chaque année entre 200 et 300 lancements dans le monde), 2018 n’a pas été un bon cru pour le marché de l’assurance spatiale qui atteignait les 466 millions de dollars de primes brutes. « Si le marché de l’assurance spatiale a été déficitaire en 2018 avec plus de 600 millions de dollars de sinistres, il reste toutefois profitable sur les 6 dernières années », indique Denis Bousquet, souscripteur senior, assurance spatiale, chez AXA Corporate Solutions en France, qui fait désormais partie d’Axa XL.
Largement assez de capacités
La grande majorité des contrats couvrent aujourd’hui la phase de lancement d’un engin, couplé avec sa première année de mise en service (les trois premiers mois de test en orbite, puis les neuf premiers mois opérationnels), puis sa vie en orbite (en moyenne 15 ans pour une satellite de télécommunication, de 5 à 10 ans pour un satellite d’observation). Pour autant, la plupart des sinistres se déclarent dans les premières semaines, voire les premiers instants du contrat (45% au moment du lancement, 42% lors de l’insertion en orbite et lors des tests, 13% dans la phase de post-test). à partir de la deuxième année en orbite, la sinistralité chute fortement, passant sous les 10% du taux de sinistralité de la première année.
Avec des cumuls maximums pouvant atteindre 700 à 800 millions de dollars, notamment lors de lancements doubles, avec des satellites de télécommunication qui sont les plus coûteux du marché, les montants moyens assurés varient en règle générale entre 100 et 200 millions de dollars. « Actuellement, le marché de l’assurance spatiale est largement surcapacitaire avec 800 à 900 millions de dollars disponibles. Tous les programmes sont établis en co-assurances, avec parfois jusqu’à 25 assureurs. Sur ce point Axa XL, prend en moyenne entre 5 et 15% de part de risque mais chaque assureur est l’apériteur de sa propre exposition au risque et gère lui-même sa part de sinistre », poursuit Denis Bousquet.
Séduire les états
Selon le Bureau des affaires spatiales des Nations Unies (UNOOSA), près de 4 900 satellites sont actuellement en orbite autour de la planète, et près de 300 d’entre eux, encore en activité, sont toujours assurés. « Nous travaillons avec les trois principaux courtiers spécialisés (ndlr : Marsh, Aon, Willis Towers Watson) et nous devons désormais faire face à l’apparition de nouvelles problématiques comme les lanceurs réutilisables, les satellites radars ou les modules assurant des services sur les engins déjà en orbite », poursuit Denis Bousquet. « Le fait que des fusées soient réutilisables pose aujourd’hui la question du stress et de l’usure de ces engins. Il faut donc passer d’une analyse de l’héritage du design des fusées à une analyse de l’héritage du matériel, avec la possibilité d’accéder à la ‘santé’ des machines. De même, pour les services en orbite, cela implique une modification des contrats, des informations et également des tarifs, mais le marché est prêt pour ça ».
Toujours volatile, avec des niveaux tarifaires à la baisse depuis de nombreuses années, l’assurance spatiale reste toutefois une branche intéressante pour les porteurs de risques spécialisés qui cherchent depuis peu à s’émanciper du marché spatial privé pour séduire les états et les nombreuses missions qu’ils programment.
« Elles sont rarement assurées, chaque pays étant en capacité de s’auto-assurer. Pourtant, l’assurance spatiale est très utile, notamment pour garantir la pérennité des missions scientifiques. Lors d’un sinistre, les états peuvent remettre en cause tout un programme spatial, alors que s’il était indemnisé rapidement par un programme d’assurance classique, le remplacement immédiat d’un satellite permettrait de garder une certaine continuité d’activité », conclut Denis Bousquet.À voir aussi
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