Loi Eckert : Natixis Interépargne sanctionnée à hauteur de 3M d’euros
La commission des sanctions de l’ACPR a prononcé à l’encontre de Natixis Interépargne sa première sanction sur l’application de la loi Eckert en matière bancaire. La filiale écope d'un blâme et d'une amende de 3M d’euros.
La loi Eckert ne veille pas uniquement sur le secteur de l’assurance. Natixis Interépargne - filiale du groupe du même nom spécialisée dans l’épargne salariale et retraite - en a fait les frais à la suite d’une décision de la commission des sanctions de l’ACPR rendue le 30 mai dernier. Natixis Interépargne (NIE) écope d’un blâme et d’une amende de 3M d’euros sur un manquement de l’application de la loi Eckert relative aux comptes bancaires inactifs. La décision porte sur l’épargne salariale, qui représente pour NIE, 28Mds d’euros d’actifs sous gestion, soit une part de marché de 26,7%.
53M d’euros d’encours actifs … à tort
La commission des sanctions de l’ACPR a relevé plusieurs griefs lors de ses contrôles. Elle reproche notamment à NIE de ne pas avoir « détecté un nombre important de comptes inactifs ouverts dans ses livres ». Au moment du contrôle sur place, 15 000 comptes « auraient été » identifiés à tort comme actifs, pour un encours de 53 millions d'euros.
Pour se défendre, NIE a expliqué qu’elle considérait qu’une manifestation de l’employeur pouvait être prise en considération pour estimer qu’un compte était actif. Cet argument n’a pas été retenu par la commission qui considère qu’une « habilitation ne se présume pas ». Elle relève donc que « NIE admet avoir maintenu actifs à tort 1.197 comptes, parmi les 11.188 comptes pour lesquels elle était déjà informée du décès du titulaire en 2015. En revanche, les 15 000 comptes que mentionne la notification des griefs ne peuvent être pris en considération, dès lors que la poursuite se borne à relever que "la mission de contrôle" a estimé que ces comptes, dont le nombre est au demeurant incertain, "auraient été identifiés à tort comme actifs par NIE " ».
Manque d’investigation
Le second grief met en avant la défaillance du dispositif de détection des titulaires décédés de comptes inactifs de Natixis Interépargne. Il montre que NIE a uniquement utilisé les bases décès de l’INSEE, dont l’historique ne remonte qu’à 2014, excluant par le même temps les bases extraites du Répertoire national d’identification des personnes physiques et provoquant alors des erreurs opérationnelles.
Le troisième grief soulève le fait que NIE n’utilisait pas suffisamment les moyens de contact alternatifs permettant d’informer les titulaires de l’inactivité de leur compte. « NIE admet cette carence pour 805 comptes, dans lesquels l’adresse postale du titulaire était invalide mais pour lesquels elle disposait de moyens de contact alternatifs -sur un total d’environ 84.000 comptes inactifs. Si l’établissement précise que, pour 710 de ces comptes, les titulaires avaient été contactés par un courriel les invitant à se connecter à leur espace en ligne, le texte de ce courriel ne comportait pas les mentions indispensables », indique la décision officielle de la commission.
Manque de réseau
Dans un autre point, il a été reproché à NIE de ne pas utiliser les moyens de contact alternatifs dont elle disposait (numéro de téléphone, adresse électronique) pour informer les titulaires de comptes du transfert imminent de leurs avoirs à la CDC lorsque l’adresse postale du titulaire était inconnue ou erronée.
Le grief 5 concerne le transfert des avoirs à la CDC malgré l’existence d’un autre compte actif. « Les modalités de rapprochement des comptes détenus par un même titulaire ne lui permettaient pas de respecter totalement l’interdiction de transférer à la CDC les avoirs détenus sur un compte d’épargne alors qu’un autre compte ouvert dans ses livres par le même titulaire était actif », peut-on lire dans la décision.
La politique de l’autruche
Enfin, le dernier grief découle des griefs précédents et souligne de multiples carences au sein du dispositif de contrôle interne de l’établissement. « Le contrôle interne n'a pas été en mesure de détecter des défaillances telles que l'absence de recours aux données signalétiques des titulaires des comptes inactifs et les erreurs opérationnelles qui ont entraîné l'exclusion du périmètre de croisement de plusieurs dizaines de milliers de comptes en 2018 et 2019 ». La commission rajoute qu’aucun contrôle interne n’était déployé en vue de détecter d’éventuelles lacunes.
7 griefs – 1 grief = 3M d’euros
Au total, la commission a relevé 7 griefs à l’encontre de Natixis Interépargne, dont 1 concernant le plafonnement des frais des comptes inactifs qui a été finalement écarté. « La présente décision écarte un grief qui porte sur un aspect essentiel du dispositif voulu par la loi Eckert. Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été dit, les modalités de mise en œuvre des obligations prévues par la loi Eckert soulevaient, pour tous les TCCP en épargne salariale, des difficultés spécifiques, notamment pour les comptes ouverts voire devenus inactifs depuis très longtemps. (…) Enfin, NIE souligne sans être contredite sur ce point par la poursuite, qu’à la différence d’une banque, elle n’a pas, en sa qualité de TCCP, la libre disposition des avoirs de ses clients : elle ne peut donc, au-delà des frais qu’elle perçoit, tirer profit de la conservation indue d’avoirs ».
La filiale – qui a enregistré un résultat net de 20M d’euros en 2021 – peut désormais et dans un délai de deux mois faire une demande de recours à la décision de la commission des sanctions de l’ACPR. Dans le cas inverse, elle devra régler une amende de 3M d’euros.
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