Nicolas Boudinet : "Maif redécouvre son potentiel en dommages"
INTERVIEW – Quelques semaines après l’annonce du nouveau plan stratégique de Maif baptisé « Régénération 2026 », Nicolas Boudinet, son directeur général délégué, fait le point sur l’activité dommages de l’assureur mutualiste. Entre réassurance, tarifs auto ou risques climatiques, le dirigeant revient également sur la place d’Altima et de Smacl dans la stratégie IARD du groupe.
Sur les 4,5Mds d’euros de CA du groupe en 2022, que représente l’activité dommages ?
Le chiffre d’affaires du groupe Maif devrait en effet atterrir fin 2022 aux alentours de 4.5Mds d’euros (en intégrant Smacl), dont un peu plus de 80% réalisés en non-vie et 18% en vie. Cette répartition a finalement peu évolué sur la durée du dernier plan stratégique.
Sur le risque non-vie, l’assurance des particuliers (personnes physiques) représentent environ 65% du chiffre d’affaires à fin 2022, contre près de 73% l’an dernier, notamment du fait de l’intégration de Smacl qui fait progresser la part du BtoB.
Pouvez-vous nous détailler la répartition du nombre de sociétaires en portefeuille par activités ?
Nous comptons en assurance non-vie un peu moins de 3,1 millions de sociétaires (personnes physiques ou morales) auxquels nous ajoutons les adhérents de Maif Vie d’une part et les associations, collectivités et entreprises d’autre part. Au final, notre portefeuille dommages représente près de 4 millions de personnes.
Quel est le niveau de votre charge sinistres et de votre ratio combiné non-vie sur l’exercice ?
Notre ratio combiné devrait s’établir autour de 100% pour l’exercice 2022. Comme beaucoup d’acteurs de la place, les sinistres climatiques nous ont impactés durant l’exercice et les mouvements de marché - comme l’évolution des taux - nous poussent à être vigilants sur nos placements et sur le prix de la réassurance.
Justement, quid de vos traités de réassurance ? La multiplication des sinistres climatiques et la hausse de leur coût technique ces derniers mois vous ont-elles poussé à revoir vos programmes ?
Tout le marché le constate, l’heure est à l’augmentation de la rétention par les cédantes et à la hausse simultanée des tarifs. Cela nous coûte évidemment plus cher et nous devons donc réfléchir à des stratégies nouvelles. Il faudra peut-être assumer à l’avenir de limiter davantage certaines couvertures.
Cela pose surtout de vraies questions, économiques d’une part, sur le coût de certains risques réassurés par la CCR, et collectives d’autre part, sur des positions de place face aux frontières de l’assurabilité.
Nous devons évidemment faire front commun pour éviter la distorsion de concurrence et l’anti-sélection, mais nous devons surtout être plus créatifs dans le pilotage budgétaire des risques climatiques, avec des analyses plus fines.
Le risque sécheresse et la dérive de ses coûts vous inquiète-t-il davantage ces dernières années ? Quelle solution avez-vous adopté face à cela ?
L’impact de la sécheresse est aujourd’hui très fort. L’ensemble des assureurs sont assez égaux devant ce risque avec une répartition assez massive des sinistres entre acteurs.
Pour limiter ce risque nous allons devoir actionner tous les leviers à notre disposition comme la prévention, la pédagogie ou la sensibilisation auprès des communes notamment. Chaque assureur de la place doit se mettre autour de la table pour mettre en commun des solutions permettant la soutenabilité de ce risque et éviter que les primes soient multipliées par 3 ou 4 dans les prochaines années.
Cela passe également par de nouvelles techniques ou matériaux de construction, en sachant que paradoxalement peu de Français sont sensibles au risque d’être impactés par la sécheresse.
Que vous a coûté le gel de vos tarifs auto en 2022 ?
Sur le 1,5Md d’euros de cotisations auto que nous enregistrons annuellement, 1pt d’évolution tarifaire représente environ 15M d’euros. Le gel de nos tarifs en 2022 nous a donc coûté entre 15 et 35M d’euros, même s'il est difficile de calculer la compensation en termes de fidélisation. Nous avons annoncé des hausses modérées pour cet exercice. Le marché de l’assurance automobile s’inscrit dans un cycle haussier qui va durer un peu, conséquence des crises successives et de difficultés qui se sont sédimentées au fil de l’eau.
Dans quelle mesure l’acquisition de Smacl vous permet-elle de vous développer en dommages ?
L’objectif initial de l’intégration de Smacl était de pouvoir fortement accélérer sur le BtoB. Nous nous sommes laissés, ensemble, un an pour bien aligner le niveau de prudence de Smacl sur celui de Maif, que ce soit en termes de souscription comme de provisionnement.
Nous avons fait le travail nécessaire pour revenir à nos repères Maif et il nous semble que le potentiel de croissance organique est encore important sur le marché de la Smacl. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une politique de souscription renforcée et nous réfléchissions également à des synergies groupe autour de la réassurance entre autres.
Vous restez un acteur « modeste » sur le risque d’entreprises, quelles sont vos velléités en la matière ?
Nous sommes en effet modestes sur le risque d’entreprises et nous allons le rester durablement. Nous avons aujourd’hui moins de 1.500 entreprises en portefeuille et notre objectif est d’en compter de 5.000 à 10.000 maximum à la fin du nouveau plan.
Pour autant, compte tenu de notre positionnement, nous allons continuer à accompagner les entreprises à impact par exemple et notre offre dite « pro » destinée aux freelances fonctionne bien. Peut-être pourrions-nous l’ouvrir à d’autres professions.
Comment Maif profite-t-elle des activités d’Altima, notamment dans le déploiement de nouvelles offres IARD (Risques aggravés / PNO / Assurance animale…) ?
Altima nous permet de tester des risques que nous ne pouvons pas prendre de prime abord avec Maif. C’est le laboratoire dommages du groupe qui nous apporte une réelle valeur ajoutée en R&D. Nous nous sommes engagés à mettre Altima au bon niveau de rentabilité pour permettre le développement de nouvelles offres plus rapidement et à moindre coût. Cela nous coûterait souvent beaucoup plus cher de le faire à l’échelle de Maif et Altima nous permet ainsi de tester et bonifier nos futurs produits.
Le plan « Régénération 2026 » prévoit-il de rééquilibrer le mix non-vie /vie au sein du groupe ? Si oui, dans quelles proportions ?
Ce n’est pas un axe prioritaire de réflexion de notre prochain plan, mais la culture de l’assurance de personnes s’est renforcée au sein du groupe ces dernières années. Pour autant, les deux segments devraient croître de manière homogène avec un bon développement en assurance de personnes. Le début de l’exercice 2023 commence très bien.
Ce futur plan stratégique peut-il à la fois vous permettre d’être moins « dépendant » à votre activité IARD historique et à la fois contrer l’avancée des bancassureurs en la matière ?
Nous redécouvrons notre potentiel en dommages et nous avons une vraie carte à jouer face aux atouts des bancassureurs. Nous maintenons nos parts de marché et nous nous sommes préparés en parallèle à la distribution intermédiée. Par ailleurs, nous ouvrons régulièrement des temps de réflexions sur des sujets de diversifications que ce soit verticalement ou horizontalement, en proximité ou plus aux marges de notre activité cœur. Dans ce contexte, le levier de la croissance externe pourrait être activé mais dans une logique dans laquelle nous aurions défini des cibles plus que par opportunité.
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