Patricia Lemoine : "Sur l'emprunteur, je souhaite une discussion apaisée"
INTERVIEW – Patricia Lemoine, députée de Seine-et-Marne et membre du groupe Agir Ensemble, revient sur la proposition de loi concernant la résiliation infra-annuelle en assurance emprunteur qui sera discutée à l'Assemblée nationale le 25 novembre prochain. Nommée rapporteure, la députée évoque notamment le droit à l'oubli qui "fait l’objet de nombreuses attentes".
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez obtenu le soutien de l'exécutif à la proposition de loi sur l'assurance emprunteur ?
Cette proposition de loi, qui est le fruit d’un travail de réflexion, d’échanges et auditions initié depuis maintenant plus d’un an, s’inscrit dans un contexte très particulier : celui de la persistance des effets de la crise sanitaire et économique. De nombreuses dépenses du quotidien telles que l’énergie ou le carburant augmentent sérieusement et viennent ainsi obérer le pouvoir d’achat des Français. Le Gouvernement a vite réagi mais ses marges de manœuvre ne sont pas illimitées. Des dizaines de milliards d’euros ont déjà été mis sur la table pour sauver notre économie et nous ne pouvons indéfiniment aggraver notre dette publique pour faire face à chaque difficulté.
Ma proposition de loi a le double avantage de répondre à ces deux problématiques : rendre de manière importante du pouvoir d’achat aux Français tout en ne coûtant pas un seul centime à l’État. En effet, les études à ce sujet sont claires : les économies moyennes en faisant jouer la concurrence sur l’assurance emprunteur sont de l’ordre 5.000 à 15.000 euros sur l’ensemble du crédit, et peuvent même atteindre 45.000 euros pour certains profils ! Je pense que le gouvernement l’a bien compris ce qui justifie son soutien. Par ailleurs, la proposition de loi traite de la question du droit à l’oubli, qui nécessite certaines avancées, d’ailleurs réclamées par de nombreux malades depuis plusieurs mois, comme réduire le délai du droit à l’oubli ou l’ouvrir à d’autres pathologies que celles strictement liées aux cancers.
Que pensez-vous de la modification faite sur l’article 2 concernant l'assurance emprunteur ?
J’ai considéré que la formulation proposée était pertinente. En effet, à partir du moment où la résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur sera possible, les motifs de refus liés aux dates n’existeront plus en principe et ne subsisteront que les questions d’équivalence de garanties. En outre, l’alinéa 4 de l’article 2 prévoit bien que l’assureur devra préciser « le cas échéant, les informations manquantes » ce qui ne lui permettra pas de s’aventurer à des manœuvres dilatoires, sauf donc à violer la loi et à s’exposer à des sanctions administratives.
Concernant l’article 7 et 8 sur le droit à l’oubli. Est ce qu’il est possible d’envisager une suppression des délais du droit à l’oubli ?
La réforme du droit à l’oubli fait l’objet de nombreuses attentes depuis maintenant plusieurs années auprès des malades et des associations qui les représentent, tant la possibilité d’emprunter et de s’assurer dans ces conditions relève parfois du miracle. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai considéré qu’il fallait intégrer des dispositions à ce sujet dans ma proposition de loi. Toutefois, j’ai la ferme conviction que le droit à l’oubli demeure de ces sujets où le parlementaire doit seulement donner l’impulsion et laisser à l’ensemble des spécialistes et parties prenantes le soin de réfléchir, échanger et s’accorder sur une position équilibrée et rationnelle.
C’est le choix que j’ai fait dans cette proposition de loi, qui invite les signataires de la convention Aeras (l’Etat, les fédérations professionnelles des organismes d’assurance et des établissements de crédit, les associations représentant les personnes malades et les consommateurs) à se mettre autour de la table et émettre des propositions pour réduire les délais actuels du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et pour intégrer de nouvelles pathologies, non cancéreuses, dans la grille Aeras voire directement dans le droit à l’oubli. Elle vise également à augmenter le plafond d’emprunt pour les personnes concernées, aujourd’hui fixé à 320.000 euros.
Evidemment, afin d’éviter les potentiels effets pervers de la voie conventionnelle, le gouvernement sera habilité à prendre de telles mesures par voie réglementaire si les partenaires de la convention ne l’ont pas fait dans les 9 mois qui suivent la publication de la loi.
Quels sont les points sur lesquels vous souhaitez appuyer lors de la séance publique ?
Tous les points abordés par cette proposition de loi sont cruciaux, car liés les uns aux autres. Ainsi, par exemple, la résiliation à tout moment bénéficiera à tous les publics mais également aux malades car une fois le délai du droit à l’oubli écoulé, ils pourront librement changer d’assurance emprunteur et envisager des économies importantes. De même, les dispositions sur l’information renforcée des assurés ou celles visant à sanctionner les manœuvres dilatoires sont aussi essentielles que la disposition phare qu’est la résiliation à tout moment car, outre le fait qu’elles simplifient les procédures de résiliation, elles renforcent aussi le jeu de la libre concurrence.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que je souhaite une discussion apaisée, intelligente et transpartisane, loin des arguments caricaturaux que j’ai pu entendre ici et là. Et je ne vous surprendrai pas non plus si je vous dis que je souhaite évidemment que cette loi soit adoptée, à la plus large majorité si possible !
Ce sera une belle victoire pour les Français. Au-delà des chiffres et des modalités techniques, je pense à tous nos concitoyens qui traversent depuis maintenant 2 ans une période particulièrement difficile, qui doutent de l’avenir, tant pour eux que pour leurs enfants, et de leurs projets. Cette proposition de loi les aidera justement concrètement dans l’accomplissement d’un des projets les plus marquants de la vie : l’accession à la propriété. Pour conclure, rendez-vous le jeudi 25 novembre pour plus de pouvoir d’achat, d’information, de transparence et de justice pour des millions de Français !
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