PLFSS 2024 : Les mesures qui concernent l’assurance complémentaire
Renforcer la collaboration entre l’Assurance maladie et les organismes complémentaires sur la lutte contre la fraude, remboursement des protections périodiques réutilisables… Voici les mesures du PLFSS 2024 qui concernent les complémentaires.
Le PLFSS 2024 a été présenté ce matin en conseil de ministres et à la presse. Le texte qui doit être débattu au Parlement prévoit une progression de l’objectif de dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) de 3,2% pour l’année 2024, hors dépenses liées au Covid. Les dépenses des soins de ville affichent un sous-ondam de 3,5%.
Dérapage sur la branche maladie
Malgré les efforts du gouvernement pour contenir les dépenses, le projet de loi révise à la hausse l’Ondam 2023 à 4,8%. Le surplus des dépenses d’assurance maladie s’élève à 2,8Mds d’euros par rapport à la loi de financement rectificative adoptée au printemps. Ce dérapage s’explique par un fort dynamisme des soins de ville et les indemnités journalières. Le ministère met également en avant les revalorisations de plusieurs professionnels de santé, accordées dans le cadre des négociations conventionnelles.
Le déficit de la Sécurité sociale continue à se redresser après avoir touché le fond en 2020. En un an, il s'est réduit de moitié et atterrit à -8,8Mds d’euros en 2023. Il devrait cependant augmenter dans les prochaines années et se stabiliser en 2027. La branche maladie, pour sa part, affiche un déficit de 9,5Mds d’euros en 2023, après avoir cumulé 21Mds de pertes en 2022. Les estimations pour 2024 anticipent un déficit de 9,3Mds d’euros.
Les OCAM mobilisées sur la "précarité menstruelle"
Dans le champ des nouvelles prestations, l'extension du 100% santé aux prothèses capillaires et aux fauteuils roulants annoncé par François Braun ne fait pas partie du texte. L’article 19 du projet de loi prévoit en revanche le remboursement des culottes et des coupes menstruelles pour les assurées de moins de 26 ans dès 2024. Les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire auront accès à ce remboursement sans condition d’âge. Selon les calculs du ministère, cette mesure pourrait bénéficier à 6,7 millions de femmes en 2024. Après un processus de référencement de ces produits, les protections périodiques réutilisables seront distribuées en pharmacie. L’Assurance maladie remboursera 60% du tarif conventionnel et les organismes complémentaires devront donc prendre en charge le ticket modérateur. Pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, ce sera une prise en charge à 100% par l’Assurance maladie.
Déploiement des rendez-vous de prévention
Les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie, créés dans le cadre de la LFSS 2023 seront déployés dès 2024. Ils pourront être dispensés par des médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens. Les organismes complémentaires ne participeront pas au financement de ces rendez-vous de prévention, car ils seront remboursés à 100% par l’Assurance maladie, selon le ministère de la Santé. Le tarif de ces rendez-vous de prévention sera fixé par voie règlementaire.
3,5Mds d'euros d'économies sur les dépenses de santé
Pour freiner l’évolution soutenue des dépenses, le gouvernement a prévu de dégager 3,5Mds d’euros d’économies sur les dépenses de santé en 2024.
Ce plan d’économies se décompose en plusieurs objectifs, selon le ministère :
- Environ 1,3Md d’euros sur le médicament dont 1Md d’euros sur les prix et 300M d’euros sur les volumes.
- 240M d’euros sur les soins de ville, avec la poursuite des mesures engagées en 2023 sur les actes de biologie grâce au protocole signé avec l’Assurance maladie et sur les produits de contraste. L’Assurance maladie a également prévu de faire des économies sur les transports sanitaires. L’idée est d’encourager les patients à partager un VSL pour les transports programmés.
- Une enveloppe de 1,25Md d’euros d’économie correspond à des mesures de « responsabilisation de tous les acteurs autour des prescripteurs et les prises en charge ». Dans cette sous-catégorie, le gouvernement classe l’augmentation du ticket modérateur sur les soins dentaires qui entrera en vigueur le 1er octobre 2023, et qui se traduira par un transfert d’environ 500M d’euros de l’Assurance maladie vers les organismes complémentaires en année pleine. Si la mesure est adoptée, les 700 à 800M d'euros de recettes issues du doublement des franchises médicales viendraient également nourrir cette poche d'économie.
- 600M d’euros sur l’efficience dans les établissements sanitaires et médico-sociaux (achats et pertinence de soins).
Rien n'est arrêté sur les franchises médicales
Le doublement des franchises médicales sur le médicament et de la participation forfaitaire chez le médecin ne sont pas inscrites dans le projet de loi. Les recettes de cette mesure qui ferait mécaniquement augmenter le reste à charge des ménages sont estimées entre 700M et 800M d'euros.
« C’est dans la poche d'économie 'responsabilisation de tous les acteurs autour des prescripteurs et les prises en charge' que la mesure sur le doublement des franchises pourrait voir le jour. A ce stade, c’est une piste à l’étude sur la table. En revanche, les décisions ne sont pas prises et rien n’est arrêté. C’est en cours de discussion et c’est une mesure qui pourra être adoptée par voie règlementaire », précise le ministère.
La lutte contre la fraude, une responsabilité partagée
Par ailleurs, il s’agit d’un « PLFSS de lutte contre la fraude », selon le ministère des Comptes Publics. L’Assurance maladie a détecté et stoppé 316M d’euros de dépenses frauduleuses en 2022, contre 219M d’euros en 2021. L’objectif est d’atteindre à partir de 2024, 500M d’euros de dépenses de santé détectées et évitées.
La bonne nouvelle pour les organismes complémentaires est que le ministère de la Santé et de la Prévention se dit prêt à collaborer davantage avec l'assurance complémentaire dans la lutte contre la fraude. Ainsi, il est prévu de « poursuivre les échanges de données, dans le respect de RGPD, entre les administrations. S’agissant plus spécifiquement de l’Assurance maladie, les organismes de sécurité sociale pourront échanger des données avec les organismes complémentaires. Ces mesures nécessitent des travaux techniques et juridiques, qui devront aboutir dans les prochains mois », selon le dossier de presse de présentation du PLFSS.
Par ailleurs, l’article 7 du projet de loi permet à l’Assurance Maladie de réclamer à un professionnel libéral coupable de fraude le remboursement, en plus des sommes qui ont été versées par la caisse, des cotisations sociales qu’elle a payée directement à l’Urssaf pour son compte.
Les assurés sociaux sont également mis à contribution. A partir du début de 2024, « ils auront la possibilité de signaler les frais de santé pris en charge à tort pour leur compte. Dans un deuxième temps, ils recevront des notifications, par mail ou sms, des frais de santé remboursés, pour faciliter la détection et le signalement des erreurs ou fraudes », selon le ministère de la Santé.
Vers une réforme des arrêts maladie
Face au fort dynamisme des indemnités journalières, le gouvernement a également prévu de mener une réforme des arrêts maladie en concertation avec tous les acteurs, comme annoncé par Elisabeth Borne devant le Medef. Les contours de cette réforme seront décidés en 2024 et elle ne portera ses fruits sur les indemnités journalières qu’en 2025. Dans le PLFSS, l’article 27 prévoit de renforcer le contrôle des prescripteurs et des assurés. Le versement des indemnités journalières pourra être suspendu si le médecin contrôleur délégué par l’employeur considère que l’arrêt est injustifié.
L’article 28 vise spécifiquement les plateformes de téléconsultation. Ils ne pourront pas prescrire des arrêts de travail de plus de trois jours si le patient n’est pas connu du professionnel de santé.
Interrogations sur la réforme de la T2A
La PLFSS instaure par ailleurs une réforme sur le financement des hôpitaux. La réforme de la T2A prévoit de rééquilibrer le financement des établissements de santé, en faisant davantage de place aux financements par dotation, populationnels et à la qualité au détriment du financement à l’activité. L’article 23 pose les fondements de ce nouveau modèle de financement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Reste à voir quelle sera la place des organismes complémentaires dans ce nouveau mode de financement.
Par ailleurs, les organismes complémentaires devraient suivre de près l’article 22 du PLFSS qui crée le cadre permettant la mise en place de parcours coordonnées renforcés, pour l’obésité, certains cancers, certaines maladies chroniques ou la santé mentale. L’objectif est de créer des forfaits par pathologie, grâce à une prise en charge coordonnée entre des professionnels de santé. Dans ce cadre, le texte prévoit le remboursement de l’activité physique adaptée sous prescription médicale. Mais quelle place auront les organismes complémentaires dans le cadre de ces forfaits par pathologie ? Affaire à suivre.
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