Prévoyance : Plusieurs régimes de branche dans le rouge

vendredi 19 octobre 2018
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Trois ans après la fin des clauses de désignation, bon nombre de régimes prévoyance sont déficitaires. L'heure est au redressement, selon Adéis, qui doit rattraper 10 points de ratio combiné et 25 millions d'euros de déficit.

Jérôme Bonizec, directeur général d'Adéis, a reçu les journalistes le 18 octobre quelques heures avant sa soirée annuelle. L'heure n'était pas à la fête car cette organisation paritaire chargée d'accompagner les partenaires sociaux dans le pilotage des régimes de branche n'a pas de bonnes nouvelles à leur annoncer. « Nous avons constaté un problème de fonds, à savoir une dérive technique de certains régimes de prévoyance », a indiqué Jérôme Bonizec. Cela concerne environ 25 millions d'euros sur les 71 branches professionnelles suivies par Adéis pour le compte de ses partenaires Humanis, Apicil Prévoyance et Ipsec. "Nous avons environ 10 points de ratio sinistres à primes à rattraper, en moyenne", confie-t-il.

Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce déficit. La réforme des retraites de 2010 a provoqué un recul de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Cela a obligé les assureurs à augmenter leurs provisions et a provoqué une hausse des arrêts de travail à cause du vieillissement de la masse salariale. « Nous avons aussi constaté un passage plus rapide en invalidité de la part de la Sécurité sociale. Aujourd'hui, au bout de 1,5 ans d'arrêt, la personne est considérée invalide tandis qu'il y a quelques années il fallait avoir été 2,5 ans en arrêt », pointe Jérôme Bonizec.

L'heure est au redressement

Face à la hausse de la sinistralité, le redressement est nécessaire dans un bon nombre de branches. Celui-ci passe par des hausses de cotisations ou bien par des baisses de prestations, comme dans la branche de la librairie et papeterie. La baisse des prestations concerne principalement les garanties arrêt de travail et incapacité : les personnes en arrêt vont obtenir une indemnisation qui représente 80% de leur salaire net, là où avant elles étaient couvertes sur la totalité du salaire. « Cette perte de salaire peut annuler l'effet d'aubaine et contribuer à lutter contre les abus lorsque les arrêts de travail sont injustifiés », commente Jérôme Bonizec.

« Jusqu'à présent, les partenaires sociaux acceptaient plus facilement une hausse de tarif qu'une baisse des prestations, mais 4 branches ont récemment accepté de baisser le niveau des prestations, avec l'accord des organisations de salariés », indique Jérôme Bonizec. Ceci s'explique car toute hausse de tarif implique un risque de démutualisation, comme cela a été le cas dans la branche du recyclage où plusieurs entreprises ont quitté le régime.

Une autre solution pour réduite les arrêts de travail consiste à augmenter les contrôles médicaux. Un questionnaire est envoyé au médecin prescripteur de l'arrêt de travail et si aucune réponse n'est obtenue, au bout de plusieurs relances, le remboursement s'interrompt. Toutes les branches suivies par Humanis pratiquent désormais ce « contrôle médical ».

Le directeur général d'Adéis a insisté également sur la nécessité d'intégrer dans les cotisations environ 15% de frais de gestion hors solidarité et chargement, car « cela coûte cher la mise en conformité et gérer un régime ». Actuellement, les régimes d'Adéis présentent des frais de gestion d'entre 8 et 10% et l'objectif de Jérôme Bonizec est de persuader les partenaires sociaux d'accepter de monter à 15%, « ce qui reste un niveau bas si on compare avec les mutuelles et sociétés d'assurance ».

Jérôme Bonizec a également évoqué la concurrence et notamment la branche de la plasturgie, qui a labellisé Apicil et Aesio comme organismes de prévoyance complémentaire. Apicil couvre 20.000 salariés dans une branche de 130.000 personnes. « Les entreprises sont arrivées avec des déficits très lourds. Nous avons récupéré de mauvais risques tandis que des assureurs comme Axa ont sorti un produit identique mais ont récupéré les bons risques », souligne Jérôme Bonizec. Il faudrait doubler le niveau des cotisations pour retrouver un équilibre technique mais finalement, une hausse moins importante sera appliquée ainsi qu'une baisse des prestations.

Jérôme Bonizec a martelé : « Il faut que le régime soit viable pour continuer à s'investir car nous devons rentabiliser nos investissements. Nous visons l'équilibre technique avec un excédent de l'ordre de 5 à 10% ». Cette logique de rentabilité représente un « nouveau discours », pour les partenaires sociaux à qui Jérôme Bonizec demande d'adopter une vision marketing.

Concernant la distribution, Jérôme Bonizec a expliqué qu'à chaque branche correspond son réseau. La vente à distance, le réseau de proximité, le courtage, Adéis veut adapter la stratégie. Jérôme Bonizec a donné l'exemple de la branche de commerce détail non-alimentaire qui va prochainement labelliser trois organismes et qui a demandé aux candidats à l'appel d'offres d'appliquer 5% de frais d'acquisition. « C'est une démarche cohérente des partenaires sociaux qui souhaitent se donner les moyens d'optimiser la mutualisation de leur régime », conclut J. Bonizec.

Quel avenir pour Adéis ?

Quel sera le sort d'Adéis suite au rapprochement entre Malakoff Médéric et Humanis ? Ensemble, les deux groupes sont présents auprès de 100 branches sur les 215 qui ont un régime de santé ou prévoyance. « Nous souhaitons aller plus loin dans la stratégie de rentabilité et de pilotage des branches, et développer le multi-équipement », mais « nous ne savons pas encore si ce sera au sein du groupe Malakoff Médéric Humanis ou bien dans le cadre d'une structure à part, en partenariat avec d'autres institutions de prévoyance », a-t-il déclaré.

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