La société Poly Implant Prothèse a utilisé sciemment un gel qui ne répond pas aux exigences de conformités légales. Pourtant, la responsabilité et l’éventuelle indemnisation restent difficile à établir, la société ayant été liquidée et le fabricant ayant pris la fuite.
Alors que les 30.000 femmes qui ont reçu des implants mammaires PIP ont été rappelées pour qu’ils leur soient retirés à titre préventif, le préjudice subi par ces patientes soulève la question de l’indemnisation par le ou les assureurs de la société PIP, qui ne sont d’ailleurs pas encore identifiés.
Par souci d’économie, le gel de silicone, employé par PIP ne répondait pas aux normes françaises. « Il y a un produit fabriqué par la société PIP qui n'a pas reçu formellement l'agrément et, à ce titre, il y a une infraction à la réglementation », a déclaré en début de semaine à Reuters l'avocat de PIP, Me Yves Haddad. A ce titre, la responsabilité civile du fabricant pourrait ne pas fonctionner.
Néanmoins, « Cela dépend des termes du contrat, des spécifications concernant les prothèses et des exigences en matière de silicone. Pour que l’assurance ne fonctionne pas, il faudrait que le contrat en responsabilité civile spécifie explicitement que l’utilisation d’un produit qui n’est pas aux normes constitue une exclusion. C’est le cas pour le Mediator par exemple, le contrat excluant de couvrir les dommages dans le cas où le médicament serait considéré comme un anorexigène. Chaque contrat est spécifique » explique Germain Decroix, juriste Sou Médical à la MACSF.
La société a été placée sous liquidation judiciaire
Pour l’instant la principale difficulté réside dans le fait que la société a été placée sous liquidation judiciaire en 2010 et que le fabricant est en fuite. La société PIP a également exporté ses prothèses en tant que grossiste à d’autres sociétés qui les ont revendues sous d’autres marques.
Rappelons également que si le soupçon pèse, il n’a pas encore été prouvé que les prothèses PIP sont plus dangereuses que les autres. Selon le bilan le plus récent de l’Afssaps, arrêté au 28 décembre, vingt cas de cancers ont été déclarés chez des femmes porteuses de ces prothèses : « on dénombre 3 cas de lymphome, 15 cas d’adénocarcinome mammaire (cancer du sein, NDLR), un cas d’adénocarcinome du poumon, une leucémie aiguë myéloblastique». L’agence précise néanmoins qu’ « aucune imputabilité n’a été établie à ce jour entre ces cas de cancer et le port des implants PIP ».
Dans le cas d’un procès, les éventuels dommages et intérêts ne seraient en outre versés, au titre du préjudice subi par les victimes par la société PIP, que si celle-ci est solvable. De même que pour les victimes du Mediator, il est également envisageable que le Fonds de garantie géré par l’Oniam intervienne.
Le recours envers le praticien serait plus efficace
Mais dans le cas où le fabricant ne serait pas retrouvé, on peut parfaitement imaginer un recours envers le praticien qui a posé la prothèse. « Celui-ci va être déclaré fournisseur dans la responsabilité du fait du produit défectueux au titre du choix de la prothèse et l’information sur les risques » détaille Germain Decroix. L’Afssaps est en effet mise en cause pour ne pas avoir réagi malgré l’alerte donnée par la Food and Drug Administration.
L’explantation de ces prothèses sera de toute façon prise en charge par l’Assurance maladie, comme prévu par la Sécurité sociale dans les cas de complication. La réimplantation d’une nouvelle prothèse ne sera remboursée par la Sécurité sociale que si premier implant avait déjà été pris en charge, c’est-à-dire dans les cas de chirurgie reconstructrice.
Un principe de précaution qui soulève également la question du bénéfice/risque par rapport aux accidents qui risquent d’intervenir suite à ce retrait massif : « Il s’agit de chirurgie, il peut y avoir des accidents d’anesthésie, de problèmes de cicatrisation, des adhérences… 15 ans après, les femmes ont vieilli » rappelle Germain Decroix. L’Assurance maladie a également d’ores et déjà porté plainte contre X pour tromperie aggravée et escroquerie.
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