Réavie 2019 : Face à face entre Stéphane Dedeyan et Antoine Lissowski
Stéphane Dedeyan directeur général du groupe Vyv et Antoine Lissowski, directeur général de CNP Assurances, ont présenté leurs ambitions respectives lors de la conférence de clôture du salon Réavie.
Le groupe Vyv et CNP Assurances sont deux groupes singuliers. Le premier est un géant mutualiste, le deuxième une entreprise publique cotée en phase de rapprochement. Début 2020, La Banque Postale détiendra 60% de CNP Assurances. « Je suis convaincu que les conglomérats financiers multimétiers sont plus résilients face aux crises que les groupes mono-modèle », a justifié Antoine Lissowski. Le transfert des actions a été approuvé par les instances politiques, le Parlement et l’Autorité des Marchés Financiers. L'ACPR, l’autorité de la concurrence et la Banque Centrale Européenne doivent encore donner leur accord. « La nouvelle répartition de capital devrait être effective début 2020, mais nous n’avons pas attendu cela pour commencer à travailler avec LBP d'un point de vue opérationnel », a indiqué Antoine Lissowski.
De son côté, Stéphane Dedeyan a justifié la création du groupe Vyv pour répondre aux défis d’avenir. « Solvabilité 2 et le contexte de taux bas appellent à un mouvement de concentration et consolidation du secteur. Par ailleurs, on assiste à une banalisation croissante de la complémentaire santé. Il va falloir se différencier pour jouer avec des avantages compétitifs », explique le DG du groupe Vyv. Pour se différencier, le géant mutualiste s’appuie sur l’offre de soins et de services. La gouvernance est en place et le groupe est pleinement opérationnel, selon Stéphane Dedeyan, qui a levé 500 millions d’euros sur les marchés financiers pour financer la transformation du groupe.
A propos de l’organisation du groupe Vyv, le dirigeant a reconnu que « Les mutuelles du groupe ont des différences importantes, des points de maturité différents. Vouloir faire entrer tout le monde dans un moule où il ne se passe rien, c’est idiot et ne sert à rien. Le groupe Vyv a pris le chemin d’une intégration progressive des activités des mutuelles, mais ce n’est pas la recherche d’un modèle opérationnel plus intégré qui tire notre transformation », a expliqué Stéphane Dedeyan.
Diversifier davantage
« CNP Assurances a vocation à devenir à terme l’assureur du groupe La Poste, mais cela ne se fera pas demain », selon son directeur général. Si aujourd’hui CNP est un assureur spécialisé en assurance vie et de personnes, à terme il souhaite intégrer l’IARD. « Nous allons apprendre les métiers IARD, et cela va prendre des années », explique Antoine Lissowski.
Sur un groupe de 43.000 collaborateurs, à la tête de groupe de Vyv travaillent 400 personnes. Chaque mutuelle est positionnée sur un cœur de cible précis. L’objectif pour le groupe Vyv s’est de se diversifier vers la prévoyance, l’épargne retraite, la dépendance et l’IARD. « Le groupe Vyv nous permet de mutualiser les moyens afin de diversifier le modèle des mutuelles et le rendre plus solide », explique Stéphane Dedeyan.
CNP Assurances, de son côté, défend le modèle multi-partenarial qu'il juge « rentable ». Et Antoine Lissowski de relativiser un éventuel conflit d’intérêts avec La Banque Postale. « LBP est simplement le troisième contributeur au chiffre d’affaires de CNP. Si le rapprochement faisait disparaître plus de deux tiers de l’activité de CNP, ce serait catastrophique pour nous comme pour notre principal actionnaire qui est LBP ».
A propos des entreprises à mission, Stéphane Dedeyan a pointé du doigt le risque de banalisation. « Nous enregistrons 10Mds d’euros de chiffre d’affaires pour 70M d’euros de résultat. Nous dépensons des dizaines de millions d’euros dans l’action sociale, finançons l’activité de deux épiceries solidaires qui nous coûtent 200.000 euros par an pour permettre à des familles de se nourrir à moindre prix, nous menons des actions de prévention, nous investissons dans du matériel médical… Nous dégageons donc un dividende social que nous sommes en train de calculer ».
Sur ses activités d’offre de soins et de services, le groupe Vyv souhaite apporter « une réponse pour tous les moments de vie ». Pour y parvenir, il n’a pas vocation à se développer sur tout le territoire, mais à « passer des partenariats ou des conventionnements là où nous ne sommes pas présents pour apporter des réponses France entière ». L’objectif pour son dirigeant est de « mettre d’abord le service et ensuite l’assurance comme un mode de financement », insiste-t-il.
Retraite et dépendance en chantier
Le groupe Vyv a lancé ses premières offres de retraite en septembre dernier. Au lieu d’essayer de conquérir de nouveaux clients, Stéphane Dedeyan propose de travailler plus en profondeur avec chaque grand client, dans une logique de multi-équipement.
Antoine Lissowski a annoncé sa volonté de conclure un partenariat entre ACA (Arial CNP Assurances) et un grand acteur de l’épargne salariale, probablement une filiale du groupe BPCE, pour se développer dans ce domaine. « Dans un contexte de taux bas, la retraite va devenir un métier de renouvellement du contact avec le client », explique-t-il .
Les deux patrons ont soutenu le projet d’assurance dépendance obligatoire porté par la FNMF et la FFA. « Nous n’allons pas résoudre tous les problèmes en France avec de l’impôt », a insisté Antoine Lissowski. « Sur un risque d’intérêt général, notre responsabilité c’est de jouer collectif », indique pour sa part Stéphane Dedeyan, en référence à l’absence d’adhésion du CTIP sur le projet d’assurance dépendance obligatoire.
Taux négatifs, pas de panique
A propos des taux négatifs, Antoine Lissowski ironise : « J’ai découvert que Greta (Thunberg) était un assureur français qui annonçait l’écroulement du système financier avec une vision catastrophique. Le bon côté des choses c’est que cette année, personne ne va m’engueuler parce que nous avons beaucoup de réserves ».
A court terme, Antoine Lissowski indique qu’il faudra reprovisionner les rentes et que les taux de Solvabilité 2 baisseront pour tout le monde, mais « Il n’y a pas de risque de mort d’une crise cardiaque pour les assureurs », ajoute-t-il. « Il s’agit de risques longs et le système est fait pour absorber les chocs », ajoute de son côté le dirigeant de Vyv.Malgré des faibles rendements, l’épargne des Français progresse. CNP Assurances ne va pas arrêter le fonds euros au 1er janvier 2020 comme d’autres assureurs l'ont annoncé. « Quand vous avez 40 milliards de plus values latentes, offrir une rémunération minable aux clients et les voir partir avec l’argent, cela ne me plaît pas beaucoup », a justifié Antoine Lissowski.
A propos de l’euro-croissance, les assureurs discutent avec les pouvoirs publics pour revoir le modèle. « C’est le moment d’inverser la vapeur. Au lieu d’être rigidifiant, il faudrait être plutôt assouplissant », a conclut le patron de CNP Assurances.
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