Régimes de branche : Le combat de Malakoff Humanis sur les frais
À force de pédagogie, Malakoff Humanis entend convaincre les partenaires sociaux de porter de 10 à 16% le taux de chargement des régimes santé et prévoyance de branche.
Dix ans après la fin des clauses de désignation, Malakoff Humanis souhaite « faire bouger les lignes » sur le marché des branches. « Le marché des branches est structurellement dégradé depuis des années. Soit on fait comme si on n’avait pas vu, soit on prend des mesures qui ne sont pas agréables », déclare Christophe Scherrer, directeur général délégué de Malakoff Humanis.
Le groupe de protection sociale est recommandé dans 150 branches professionnelles et réalise 833M d’euros de chiffre d’affaires en santé et prévoyance sur ce marché. Malakoff Humanis a décidé de prendre le sujet à bras le corps pour convaincre les partenaires sociaux de la nécessité d’augmenter les taux de chargement. Pour ce faire, il a créé le Comptoir des branches et il démultiplie ses efforts à coup d’ateliers et conférences pour expliquer aux partenaires sociaux la différence entre le ratio S/P et le ratio combiné.
Une formation pour les partenaires sociaux
Malakoff Humanis a même conçu une formation certifiante en partenariat avec le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) autour des fondamentaux du pilotage de branche dont la première session est programmée pour le premier trimestre 2023. Dans le but de mieux faire accepter son changement de doctrine sur la facturation des frais.
Après avoir réuni les partenaires sociaux la semaine dernière, Malakoff Humanis a organisé le 29 novembre un atelier pour la presse sur le pilotage technique. Suite à la fin des clauses de désignation en 2013, les coûts de distribution des organismes assureurs ont augmenté de 3 à 5%. Par ailleurs, l’architecture des accords s’est complexifiée, intégrant plus de garanties et services en option pour les entreprises et les salariés.
Un taux de chargement déconnecté de la réalité
« Sur le plan économique, le passage aux recommandations a eu un effet inflationniste sur les coûts de distribution et de gestion, explique Christophe Scherrer, directeur général délégué de Malakoff Humanis. Pourtant, le taux de chargement moyen des contrats est resté autour de 10%. Aujourd’hui, nos coûts réels représentent le double des frais facturés, soit 20% des primes encaissées. La sous-facturation des coûts est un problème structurel que rencontrent tous les acteurs du marché des branches. En intégrant les coûts, notre ratio combiné en santé et prévoyance atteint 113% en 2020 ».
Malakoff Humanis fait preuve de transparence et annonce la décomposition de ses frais : 5% sur les coûts de structure, 10% sur les coûts de gestion et 5% sur les coûts de distribution.
Objectif 16% de frais d’ici 2026
Le groupe de protection sociale souhaite porter le taux de chargement moyen des contrats de branche à 16% d’ici 2026. Nous avons un effort à fournir pour passer de 20% à 16% d’ici 2026 afin de ne pas faire supporter tous les coûts au client. Pour les branches, cela représente donc une augmentation des cotisations de 6% d’ici les trois prochaines années, indépendamment de l’évolution des prestations. Le groupe de protection sociale vise un ratio combiné cible de 106% sur le marché des branches.
L’automatisation des tâches
Pour parvenir à baisser son niveau de frais, Malakoff Humanis compte travailler sur plusieurs leviers qui vont contribuer à améliorer la qualité de service. Nicolas Desormière, directeur des branches professionnelles, évoque trois chantiers qui vont transformer l’expérience prévoyance : l’affiliation automatique des salariés, l’accompagnement renforcé des entreprises sur l’exploitation de la DSN ou encore la gestion des arrêts de travail en « full digital ». Aujourd’hui, un tiers des entreprises renseignent de façon incorrecte la déclaration sociale nomination (DSN).
L’équilibre technique à tous les étages
Cette stratégie s’inscrit dans le cadre du plan stratégique de Malakoff Humanis. Le groupe de protection sociale a décidé de descendre à un niveau très fin de segmentation. Et d’arrêter de mutualiser les déficits de branche avec le marché interprofessionnel des TPE. « Nous avons créé 5 directions de marché. Chacun de ces marchés doit avoir son propre équilibre », explique Christophe Scherrer.
La voie de la résiliation
Preuve du changement de stratégie, le groupe de protection sociale a ouvert la boîte de pandore cet été en résiliant les contrats auprès de 4 branches professionnelles. Malakoff Humanis a décidé de sortir de la branche des casinos, de l’enseignement privé catholique sous contrat, de l’aide à domicile et des établissements pour personnes handicapées (CNN 66). Cela représente 40 millions d’euros de chiffre d’affaires par an en moins pour Malakoff Humanis.
Cette décision de résilier les contrats de branche a pu surprendre certains partenaires sociaux. « Il y a eu un effet révélateur de nos travaux, y compris pour nous, de prise de conscience de l’ampleur du travail à accomplir. En notre âme et conscience, on a considéré que certaines branches n’étaient pas ouvertes à la discussion. Dans certains cas, on a le cumul des mandats, à la fois des déficits techniques structurels et une sous-facturation des frais réels. Mieux vaut une fin catastrophique qu’une catastrophe sans fin, comme me disait un ancien chef. Nous commençons à être dans des zones de risque qui ne sont pas soutenables. Cela nous a conduit à prendre des décisions radicales dans certains cas. Pour autant, notre vocation n’est pas de résilier, si l'on considère qu’il est possible de dialoguer avec les partenaires sociaux », déclare Christophe Scherrer.
Un marché de plus en plus dur
Ces résiliations ont créé un précédent sur un marché de l'assurance collective qui devient de plus en plus difficile. D’autres acteurs du marché des branches comme Aésio Mutuelle ou AG2R La Mondiale, ont également décidé de résilier un bon nombre de contrats déficitaires en cette fin d'année 2022. « Cela se bouscule moins au portillon et en particulier en prévoyance. Le nombre d’acteurs qui répondent aux appels d’offres en prévoyance collective se raréfie », déclare le DGD.
Les partenaires sociaux, habitués à manier des ratios S/P, vont-ils accepter d'augmenter l'intégrer les frais de gestion dans leur réflexion sur le pilotage des branches ? Dans un premier temps, ils demandent à Malakoff Humanis de fournir des chiffres détaillés, branche par branche, car les indicateurs partagés par le groupe de protection sociale sont des moyennes toutes branches confondues. Le négociation risque d'être tendue pendant les prochaines années.
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