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Retour sur la deuxième réunion du Club Prévoyance - Saison 2020/2021

mercredi 2 décembre 2020
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Le club prévoyance du Cercle Lab s’est réuni le 2 décembre pour aborder la question : « Comment mieux vendre l’assurance dépendance ? ».

Les chiffres sur l’assurance dépendance en France sont peu encourageants. 4,8 millions de personnes étaient couvertes par une assurance dépendance dédiée en 2016, selon la Drees. Sur les 4,8 millions de souscripteurs, il y avait uniquement 70.000 bénéficiaires. 2,7 millions de Français étaient couverts par une garantie dépendanace accessoire adossée à un contrat santé. Ce type de garanties comptabilisaient uniquement 10.000 bénéficiaires, selon la Drees. 40% des cotisations étaient reversées sous forme de prestations. Ce taux de redistribution est beaucoup plus bas que pour d’autres types de garanties comme l’invalidité (76%) et l’incapacité (80%) en santé.

Le premier frein à la commercialisation des produits d’assurance dépendance est psychologique. Personne n’a envie de se projeter dans une situation de dépendance et c’est un sujet tabou. Les Français espèrent que les pouvoirs publics vont prendre en charge leur dépendance, dans le cadre de la cinquième branche de la Sécurité sociale. Or, « la puissance publique va uniquement pouvoir prendre en charge les frais de soins. Les frais d’hébergement ne pourront jamais être pris en charge par la future branche Autonomie », selon plusieurs participants au club prévoyance.

Autre reproche souvent avancé est celui d’une « assurance à fonds perdus », puisque les personnes qui ne tombent pas en dépendance ne pourront pas bénéficier de la prestation. « L’assuré accepte plus facilement le principe de mutualisation en assurance automobile qu’en assurance dépendance », pointe Marie-Sophie Houis, associée de PMP Conseil.

Flora Obadia, directrice technique de Tutélaire, considère que les produits d’assurance dépendance sont décevants à plusieurs titres. Ils ne couvrent généralement que la dépendance lourde (GIR 1 et 2). Ils excluent ainsi une bonne partie de la population qui va tomber en dépendance partielle, ce qui conduit Flora Obadia à qualifier l’assurance dépendance de « produit licorne ». « Les assurés ont besoin de se couvrir pour le GIR 3. L’espérance de vie, le profil de risque et les besoins de financement des personnes en GIR 3 sont proches de ceux des personnes en GIR 2 », signale Flora Obadia.

Deuxième difficulté, la définition même de la dépendance, avec des différences notables d’appréciation notamment sur les maladies neurodégénératives entre les départements et entre les assureurs qui utilisent la grille AGGIR et ceux qui utilisent la grille Actes de la Vie Quotidienne (AVQ). Flora Obadia et Pierre Mayeur soulignent les avantages de la grille AGGIR, qui est plus lisible pour les assurés car elle est utilisée également pour l’attribution de l’APA. « Le coût de l’utilisation des AVQ est non négligeable et vient renchérir les garanties », souligne Flora Obadia. « Il est nécessaire d’adopter une grammaire commune. Nous sommes en discussion avec la CNSA afin de permettre aux assureurs d’intégrer la gouvernance de la grille AGGIR », affirme Pierre Mayeur, directeur général de l’Ocirp et parrain du club prévoyance.

Le troisième problème concerne la lisibilité de l’offre et la clarté. Enfin, le prix élevé de la couverture représente également un frein important.

Enfin, Flora Obadia pense qu’« il convient de repenser l’offre telle qu’elle est conçue afin de proposer une solution plus personnalisée en fonction du profil de l’assuré. La directive DDA oblige d’ailleurs à prendre en compte les besoins de l’assuré afin de proposer le produit le plus pertinent », indique Flora Obadia. La directrice technique se montre critique envers les réassureurs qui ne sont pas gestionnaires de sinistres et ont une vision trop généraliste de l’assurance dépendance.

Tutélaire couvre historiquement les fonctionnaires de La Poste via un produit proposé en inclusion pour éviter le risque d’anti-sélection, ce qui permet de faire baisser de 30% le prix de la couverture. La retraite moyenne des assurés de Tutélaire est de 1.100 euros par mois. Tutélaire leur propose une assurance pas chère avec un niveau de rente modéré pour les aider à financer leur dépendance. 10% des adhérents de Tutélaire ont souscrit à une sur-complémentaire afin d’élargir leur couverture. Une partie des adhérents a souscrit même à un niveau très élevé de couverture. Tutélaire verse 5.000 rentes dépendance par mois pour 400.000 adhérents couverts.

Valérie Gabot, responsable technique prévoyance et dépendance individuelle d’Axa France, pointe de son côté les difficultés techniques de ce type de produits à risque long, qui mobilisation des capitaux conséquents pour constituer des provisions, et qui présentent un haut niveau d’anti-sélection. Même si l’âge moyen d’entrée en dépendance est 80 ans, cela peut se déclencher dès 60 ans. « Il est important de ne pas se tromper sur le pricing car autrement cela peut coûter très cher », indique Valérie Gabot. Elle souligne l’importance des équipes de gestion. « Suite à une réorganisation, nous avons constaté une hausse de la fréquence des entrées en dépendance. Il y a eu une déviation dans l’acceptation du risque qui a coûté cher », partage-t-elle. Axa France a donc décidé d’allouer une équipe dédiée à l’appréciation du risque. « Alors que normalement le tarif à l’adhésion reste stable jusqu’à l’entrée en dépendance, dans le passé certains acteurs ont été obligés de redresser le portefeuille », indique Valérie Gabot.

Au-delà des garanties financières, Axa France a lancé l’offre « Entour’age » avec un volet d’accompagnement important. Si le souscripteur se retrouve en situation d’aidant, il pourra bénéficier des services d’assistance. D’autres services se déclenchent également lorsque le souscripteur devient dépendant ou lorsque ses aidants ont besoin de soutien. Axa propose une formule de dépendance totale et une formule de dépendance totale et partielle. « Cette dernière a été souscrite par 40% des assurés de l’offre Entour’age. La baisse des taux techniques a renchéri le coût de la dépendance provoquant ainsi une hausse des tarifs. Aujourd’hui, nous avons plus de souscripteurs en dépendance totale. En revanche, le budget moyen alloué n’a pas changé. Il oscille entre 600 et 800 euros de prime par an », indique Valérie Gabot. En option, les personnes dépendantes peuvent bénéficier d’un capital premiers frais de 3.500 euros pour pouvoir aménager au plus vite leur domicile.

Pour répondre à la critique d’assurance à fonds perdus, Axa France a intégré une option « remboursement des cotisations », qui a été souscrite par 40% des assurés, malgré l’augmentation du prix la prime. Elle permet de récupérer les cotisations avant l’âge de 85 ans sans dépendance préalable. En cas de décès, les proches des assurés ayant souscrit à cette option bénéficient d’un capital décès de 3.500 euros qui permet de financer les obsèques.

Les assurés qui souhaitent sortir du contrat, ils peuvent bénéficier au bout de 8 ans de cotisation d’une mise en réduction qui joue sur les garanties viagères. Pour ces garanties décès, en revanche, il n’y a pas de mécanisme de remboursement car elles s’arrêtent à 85 ans.

Flora Obadia considère qu’il est difficile de prouver la corrélation entre la prévention et la dépendance, notamment sur la durée de la dépendance. Les mutuelles doivent mener des actions de prévention dans un objectif de service public et d’amélioration de l’état de santé de leurs adhérents, mais sans espérer que ces actions aient un impact significatif sur la sinistralité. Un acteur du marché avait offert des aides auditives à tout son portefeuille afin de retarder au maximum l’entrée en dépendance. « Or, en corrigeant les problématiques d’audition, on ne va pas corriger le risque dépendance », pointe Flora Obadia.

Sur le marché, il y a des contrats financés par capitalisation avec un engagement des tarifs à la souscription et des contrats par répartition, avec une garantie beaucoup moins chère (20 fois moins chère). « Sur ces contrats par répartition, il est impossible de garantir aux assurés une rente dépendance dans le futur, car elle dépendra des cotisations futures. En plus, le montant de la prime peut augmenter tous les ans. Cela donne l’illusion sur le fait qu’il y a sur le marché des produits pas chers et d’autres très chers », alerte Flora Obadia. Tutélaire, de son côté, a opté pour un mécanisme hybride, avec des produits par capitalisation mais avec un engagement de tarif annuel. « Les adhérents sont solidaires. Si jamais le risque se dégrade, on révise le tarif », indique Flora Obadia.

Laurence Al Neimi, de Wavestone, a insisté sur la nécessite d’avoir une approche globale de la gestion du risque du grand âge, en prenant en compte la réalité patrimoniale de la personne et la dimension aidant-aidé. Pour Pierre Mayeur, l’assurance dépendance est une assurance sur le patrimoine, car c’est une façon de protéger son patrimoine face aux aléas de la vie. La gestion du grand âge est une question de confiance dans la durée. Comment on arrive à convaincre les personnes autour de 60 ans à consentir un effort sur ce sujet ? « La confiance s’acquiert sur la solidité financière, le contrôle de l’ACPR, le devoir de conseil et le besoin de personnalisation des offres. Pour intéresser des jeunes, il est intéressant d’avoir une approche globale aidant-aidé. Les aidants sont très sensibilisés sur la perte d’autonomie et il est donc intéressant de coupler des garanties pour les deux car ce n’est pas très mobilisateur de proposer une assurance sur les deux dernières années de vie. Il est également intéressant d’accompagner les assurés sur leur parcours de vie, en intégrant leurs problématiques patrimoniales et en les sensibilisant sur la révolution démographique à venir », affirme Pierre Mayeur.

Marie-Sophie Houis, associée de PMP Conseil et du Cercle LAB, a évoqué la possibilité de créer des produits hybrides retraite-dépendance. « Pour moi la dépendance est un produit à part entière et pas une petite garantie à l’intérieur d’un produit. Dans ce cas-là, la rente est toute petite. Autre difficulté, quand la personne a liquidé sa retraite, il faut qu’elle continue à payer sa dépendance. Il faut être très clair avec les clients. Or, aujourd’hui, les assurés sont perdus. Ils se croient couverts par une assurance dépendance dans le cadre de la complémentaire santé… Il faudra qu’ils comprennent que la rente n’est pas acquise au moment du départ à la retraite », indique Valérie Gabot.

Les tentatives de réforme du label Gad n’ont pas abouti. En effet, la FFA souhaitait obtenir un avantage fiscal sur les produits d’assurance dépendance. Cela aurait permis d’améliorer l’attractivité sur ce type de produits. Or, la direction du Trésor n’est pas favorable à l’introduction des avantages fiscaux sur les produits d’assurance dépendance, selon une participante au club prévoyance.

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