Mercredi 17 mai, Marisol Touraine a donné les clés du ministère de la Santé à Agnès Buzyn. Une passation qui met fin à 5 années de relations parfois houleuses entre la désormais ex-ministre et le monde des complémentaires.
Certains ont dû pousser un ouf de soulagement en regardant la passation de pouvoir entre Marisol Touraine et Agnès Buzyn, la nouvelle ministre de la Santé. Il faut dire que les relations entre l'ancienne locataire du 14 avenue Duquenne et les organismes complémentaires d'assurance maladie ont parfois été particulièrement houleuses. Elle avait d'ailleurs été accueillie par quelques sifflets au moment de monter sur scène lors du dernier congrès de la Mutualité au mois de juin 2015.
Dogmatisme, autoritarisme et manque de concertation sont régulièrement revenus dans la bouche des acteurs du monde de l'assurance à l'évocation de Marisol Touraine. Et les occasions de pointer ces traits de l'ancienne ministre n'ont pas manqué tant les réformes se son succédé durant le quinquennat de François Hollande.
Les réformes qui ont vu le jour
La généralisation de la complémentaire santé
C'était une promesse faite par le tout nouveau président de la République en 2012 devant les mutualistes au congrès de la Mutualité. « L'objectif de la généralisation, c'était d'abord de faire accéder à la complémentaire santé ceux qui en étaient dépourvus. Un glissement sémantique a eu lieu, qui a fait prendre la généralisation du financement par l'employeur pour la généralisation de la complémentaire », lance Etienne Caniard, alors président de la Mutualité française, en juin 2015.
Le chiffre de 400.000 personnes qui profiteront de cette réforme circule. Pour le reste, il s'agit d'un basculement de l'individuel vers le collectif, donnant lieu à une véritable bataille entre les OCAM.
La réforme des contrats responsables
C'est l'autre grande réforme impactant le secteur de l'assurance de l'ère Touraine. La nouveauté par rapport à la première mouture consiste à plafonner les niveaux de remboursements des contrats complémentaires. L'objectif a terme étant de freiner la hausse des tarifs en optique ou en dentaire. Si la FNMF et l'Unocam partageaient le principe directeur, elles n'ont pas caché leur déception à la publication du décret le 19 novembre 2014. « Le niveau de ces plafonds étant trop élevé, cette réforme risque de ne pas atteindre son objectif de limiter l’augmentation des coûts de santé et des restes à charge pour les Français », déclarait Jean-Martin Cohen-Solal, délégué général de la Mutualité française. « Fixer un montant minimum de prise en charge trop élevé conduirait à un surenchérissement du coût des complémentaires », expliquait de son côté Fabrice Henry, alors président de l'Unocam.
« Ces contrats n'ont de responsables que le nom », répètera à l'envi Philippe Mixe, président de la Fnim. La réforme est donc plutôt mal accueillie. D'autant que pour nombre d'acteurs, expliquer aux assurés la baisse du niveau de remboursement par rapport à leur contrat précédent pour rentrer dans les nouveaux standards du contrat responsable s'avère particulièrement complexe.
Dernière banderille sur le sujet, une étude du cabinet Mercer. Cette dernière révèle ainsi que le plafonnement des remboursements a finalement conduit à une hausse du reste à charge pour les assurés.
L'ACS
La réforme engagée par Marisol Touraine vise à encadrer l'ACS à travers le lancement d'un appel d'offres. Seuls les acteurs retenus auront le droit de se partager « le gâteau ». Ils seront finalement 11 autour de la table. Tous proposent trois contrats différents (A, B, C) entrés en vigueur à compter du 1er juillet 2015.
Les réformes abandonnées ou en cours
Le contrat sénior (abandonné)
Là encore, il s'agit d'une mesure annoncée à l'occasion d'un congrès de la Mutualité. Celui de juin 2015. L'idée était de généraliser un peu plus la généralisation de la complémentaire santé. Les débats sont houleux sur les modalités de mises en place. Au départ, la ministre souhaite soumettre les assureurs à un appel d'offres pour sélectionner les contrats. Mais La FNMF monte au créneau et dénonce un risque de segmentation de la protection sociale. C'est finalement le principe d'une labellisation qui est retenu. La réforme souhaitée par les pouvoirs publics conduit les Abeilles de l'assurance à se réveiller. Elles se retrouvent devant le Sénat pour manifester contre le projet. Le projet de contrat sénior est finalement abandonné et ne verra jamais le jour.
Le tiers-payant (en cours)
Cette fois-ci le bras de fer oppose la ministre aux médecins. La première souhaite généraliser le tiers-payant aux consultations médicales. Mais les blouses blanches s'y opposent. Trop de paperasse, peur des retards de paiements de la part des mutuelles ou simplement le fait que ce soit obligatoire sont les principaux arguments avancés par les praticiens pour balayer la mesure. Les OCAM font plutôt figure de bon élève sur ce dossier. Ils constituent une association commune entre FNMF, FFA et Ctip destinée à mettre en place un outil commun. Etienne Caniard multiplie les sorties médiatiques pour rassurer les médecins. Malgré la gronde, Marisol Touraine résiste et le calendrier suit son cours. Du moins jusqu'à son départ du ministère. Car Emmanuel Macron a clairement affiché son intention de mettre en place un tiers-payant généralisable et non généralisé, supprimant de fait son caractère obligatoire, ce qui doit normalement être le cas le 1er décembre prochain. Voici un premier dossier chaud pour Agnès Buzyn.
Les dossiers chauds
Les clauses de désignation
Elles auront fait couler beaucoup d'encre et cela devrait continuer. Les clauses de désignations censurées par la Conseil constitutionnel reviennent notamment sur le devant de la scène à l'occasion du rapport Libault. Ce dernier préconise en effet la maintien des désignations dans certains cas précis et le recours à la codésignation. Il souligne par ailleurs leur rôle dans le cadre de la mutualisation des risques en prévoyance.
Le débat est donc relancé et déchaîne les passions, entre les défenseurs et les pourfendeurs des désignations. Jusqu'à ce que le gouvernement tente de les réintroduire dans le PLFSS 2017 via un amendement instaurant le principe de codésignation. Retiré par le Sénat, il est réintroduit par les députés avant d'être finalement censuré par le Conseil constitutionnel.
La LMDE
Ce fut l'un des dossiers brûlants des années 2014, 2015 et 2016 : le sauvetage de la LMDE. Lâchée par la MGEN, la mutuelle étudiante est placée sous sauvegarde de justice en février 2015. L'affaire est suivie de près jusqu'aux plus hautes instances de l'Etat. Le plan de sauvetage prévoit un adossement au régime général de l'Assurance maladie et une substitution par Intériale pour la partie complémentaire.
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