Sylvain Mortera : "Nous voulons des agents généraux sereins !"
INTERVIEW - Sylvain Mortera, directeur général d'Aréas Assurances revient sur les résultats 2020 détaillés de la mutuelle d'assurance. Il fait également le point sur les rapprochements de marché, sur la santé de ses réseaux de distribution ou encore sur les relations entre membres au sein de la FFA.
Pouvez-vous revenir sur l’exercice 2020 d’Aréas Assurances ?
L’année nous a permis d’exercer notre métier d’assureur mutualiste avec un certain engagement ce qui se concrétise dans notre compte de résultat. Nous revendiquons en tant que société d’assurance mutuelle d’avoir été présents auprès de nos sociétaires, de nos agents généraux et de nos salariés. Pour autant nous restons bénéficiaires et nous faisons croître nos fonds propres.
Dans le détail, notre chiffre d’affaires groupe a cru de 1,3% sur l’année pour s’établir 562,6M d’euros. En IARD, le chiffre d’affaires 2020 progresse également de 2,4% mais le coût de l’ensemble des mesures de soutien prises au bénéfice de nos sociétaires l’a amputé d’environ 3%. Côté vie, le CA est en baisse de 4% sur l’année. En épargne, la collecte en unités de compte progresse de 2% quand celle en euros baisse de 7%. La part des UC représente désormais 39% de notre collecte épargne.
Qu’en est-il côté résultat ?
Compte tenu de la crise, le résultat après impôt du groupe est en baisse à 17,9M d’euros (10,6M d’euros en IARD et 6,1M d’euros en vie) contre 34,7M d’euros l’an dernier. Mais nous restons excédentaires sur l’exercice. En tant que société d’assurance mutuelle, nous assumons l’ensemble des actions que nous avons prises durant l’année.
Sur ce point, les agents généraux de notre réseau ont joué un rôle important. Nous avons considéré qu’ils étaient les mieux placés pour accompagner les clients en difficulté et nous avons donc laissé à leur main notre premier fonds de soutien. Et parce que ce travail a été difficile pour eux, nous avons également décidé de ne pas les sanctionner en continuant à leur verser les commissions sur ce fonds de soutien. Ce geste vis-à-vis de notre réseau nous a permis de leur montrer notre soutien et pour récompenser encore leurs efforts commerciaux, nous avons versé à chaque agent à la fin de l’année un chèque de 1.500 euros.
In fine cela a payé puisque nous sommes en apport net sur nos affaires nouvelles. Ainsi, nous enregistrons sur l’exercice 108 affaires nouvelles pour 100 résiliations en automobile, 107 en MRH et 119 en MRPro.
Où se situe aujourd’hui votre niveau de solvabilité ?
En dommages, le SCR s’établit à 177%, en ligne avec l’exercice précédent. Le niveau de plus-values latentes est revenu à celui de fin 2019 à 180M d’euros. Sur la partie vie, l’application de la courbe des taux sans risques a été pénalisante et a fait passer la marge de solvabilité de 209% à 154% (PPE comprise) avec des plus-values latentes stables à 90M d’euros.
Nous avons pu doter la PPE de manière significative. Cette dernière, rapportée au fonds euros, est de l’ordre de 7%. Nous essayons pour l’heure de ne pas prendre de mesures qui viendraient détériorer le résultat économique de l’entreprise pour améliorer la marge de solvabilité. Si nous nous laissons la possibilité d’émettre de la dette subordonnée, nous pensons que ce n’est pas nécessaire pour l’instant.
Côté investissements, nous privilégions les plus-values à moyen terme plutôt que les rendements à court terme. Nous n’avons pas dette souveraine négative. En dommages, nous investissons notablement dans l’immobilier qui pèse aujourd’hui près de 30% de l’actif de la compagnie. Le reste est investi en obligations convertibles et pour une petite partie en actions. En vie, nous avons dernièrement renforcé nos investissements, là aussi dans l’immobilier d’habitation, notamment dans Paris intra-muros.
Quelles sont vos orientations tarifaires pour 2021 ?
Nous avons constaté en auto une baisse de la fréquence liée aux confinements mais une hausse des coûts moyens de la sinistralité. En parallèle, le coût des corporels n’est pas orienté à la baisse tout comme celui des pièces détachées. Nous ne sommes pas non plus à l’abri d’une fréquence qui remonte post-confinement. En MRH, nous constatons sur l’année une baisse de fréquence des vols, mais nous restons prudents sur les risques climatiques.
In fine, nous sommes tributaires de cette sinistralité ce qui implique des majorations tarifaires à certains de nos clients. C’est une réalité technique, et en tant que mutualiste nous nous devons de faire appliquer le coût de cette sinistralité. Pour autant, nous essayons de faire bénéficier à nos clients les plus en difficulté d’avantages leur permettant de nous rester fidèles. Notre segmentation induitdes écarts entre nos taux de majorations.
Où en est la progression de votre portefeuille de clients pros ? Aviez-vous des contrats PE sans dommages ?
Nous avions la chance de ne pas avoir de contrats PE sans dommages dans nos portefeuilles, mais nous avons su être présent auprès de nos sociétaires en difficulté grâce à la création de notre propre fonds de soutien.
A date, 55% de notre chiffre d’affaires est réalisé auprès des clients professionnels (commerçants, artisans et TPE) et 45% auprès des particuliers. Le marché des pros est celui de prédilection de nos agents et nous sommes aujourd’hui en phase de conquête et de multidétention de ce sociétariat, que ce soit en santé, en retraite ou en épargne. Nous sommes aujourd’hui dans une logique d’accompagnement total de nos clients sur l’ensemble de leurs besoins, dans un souci de confiance mutuelle.
Quel est votre regard sur les différents rapprochements en cours sur le marché ? Qu’en est-il d’Aréas Assurances ?
Nous sommes ouverts à des discussions en vue de rapprochements, mais il faut que cela fasse sens et que l’humain soit respecté. Si nous avons intégré la Mutuelle du Poitou et La Mutuelle des Provinces de France en son temps, il n’y a pas aujourd’hui de projet ni de plan d’action en cours.
Aréas Assurances n’a pas l’ambition de se faire absorber. Avec 63% de fonds propres sur CA, nous avons aujourd’hui une surface économique qui nous offre la possibilité de séduire une structure qui aurait besoin de s’adosser.
Une des clés est d’éviter de devenir une technostructure. Il est important pour nous d’être vigilants sur notre capacité à rester agiles et réactifs en gardant une taille raisonnable qui nous laisse les moyens d’investir. La croissance est nécessaire, notamment pour faire face aux coûts supplémentaires que peut générer la compliance. Nous considérons aujourd’hui que nous avons la taille critique et les fonds propres qui nous permettent d’envisager l’avenir avec sécurité.
Justement, où en est le développement de vos réseaux de distribution ?
Concernant les agents généraux qui représentent 70% de notre CA, nous créons 4 à 5 nouveaux points de vente chaque année tout en restant prudents. Nous recherchons des personnes motivées et capables de se créer un réseau de proximité, mais nous veillons à ce que l’accroissement de la taille de notre réseau soit gage de qualité.
Côté courtage, nous avons également gagné en 2020 des parts de marché. Nous nous sommes par exemple lancés avec d’autres acteurs mutualistes sur le risque audiovisuel sur lequel nous nous développons. Nous nous positionnons aujourd’hui de façon à ce qu’il n’y ait pas de concurrence frontale entre nos deux réseaux de distribution.
Quelle est votre position concernant les discussions autour de la revalorisation de la pension retraite des agents ?
J’ai une double vision. En tant que membre de la FFA, je suis solidaire de la position de la fédération. Toutefois, compte-tenu de la période complexe que traversent nos agents, il est important qu’ils gardent le moral. Ainsi, Aréas Assurances n’est pas dans une logique de déplacement du curseur visant à impacter les agents au bénéfice de ses fonds propres. Nous devons donc trouver une solution gagnant/gagnant qui permette à notre réseau de se développer, d’avoir une efficacité économique. Nous voulons des agents généraux sereins !
Allez-vous participer au dispositif des prêts participatifs ?
Notre taille n’est pas suffisamment significative pour accompagner les 14Mds d’euros investis dans ce dispositif ce qui explique pourquoi nous avons décidé de ne pas y aller. Pour autant, c’est une bonne chose que les assureurs participent à ce dispositif qui honore et légitime la profession.
Comment sont aujourd’hui les relations entre les différentes familles au sein de la FFA ?
La difficulté est que nous devons défendre une image de la profession parfois portée de manière négative alors que nous sommes tous concurrents. Le confinement nous a nui et nous nous devons aujourd’hui d’être unis. Il faut donc que l’on se parle pour s’entendre mieux. Même si nous avons des intérêts qui ne sont pas toujours alignés, l’unité doit prévaloir sur le reste et tout le monde doit jouer le jeu de cette unité.
Propos recueillis par Florian Delambily et Thierry Gouby
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