INTERVIEW – Sylvie Peretti, DRH de Generali France, commente les nouvelles formules de télétravail en vigueur depuis le 1er avril et les mécanismes mis en place pour accompagner les collaborateurs vers le mode de travail hybride.
Quelles sont les principales nouveautés du nouvel accord télétravail qui entre en vigueur le 1er avril ?
Les nouvelles règles s’inscrivent dans le cadre du nouvel accord d’entreprise Horizon, signé en décembre dernier avec trois organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT et Unsa). Il offre plus de souplesse en matière de télétravail et introduit des changements sur l’organisation du temps de travail et les mécanismes de reconnaissance. Nous avons rééquilibré nos dispositifs entre valorisation de l’ancienneté et reconnaissance à la performance. Nous avons également proposé une nouvelle dynamique de carrière en créant trois nouvelles classifications.
Quel était le point de départ en matière de télétravail ?
Avant le confinement, nous avions entre 50-60% de télétravailleurs au sein de Generali France dont la moitié étaient à 2 jours de télétravail par semaine. L’autre moitié faisait un jour de télétravail fixe hebdomadaire. Le travail n’était pas organisé en mode hybride et la vie d’équipe se faisait sur site. Nous avions commencé, avant la crise sanitaire, un travail de réflexion pour revoir notre précédent accord afin de mieux prendre en compte les attentes des collaborateurs qui avaient évolué. Depuis la crise sanitaire, nous avons pris conscience de la nécessité d’adopter une organisation hybride du travail. Il faut que le passage du bureau à la maison soit fluide.
Que prévoit le nouvel accord en matière de télétravail ?
Les salariés qui souhaitent télétravailler peuvent demander 20%, 40% ou bien 60% de télétravail sur leur temps de travail. A date, nous constatons que, sur l’ensemble des personnes ayant demandé du télétravail, ils sont presque 75% à s’être orientés vers le maximum de jours possibles, à savoir 60% de télétravail. 20% des collaborateurs de Generali France ont demandé à télétravailler 40% de leur temps et uniquement 5% ont demandé 20% de télétravail. il est possible que les collaborateurs aient demandé le maximum de télétravail possible, pour avoir de la marge. Il faudra confronter ces demandes avec le nombre de journées réellement télétravaillées
Quelles sont les différentes formules de télétravail ?
Il y a trois formules possibles. La première formule consiste à définir un nombre de jours de télétravail fixes par semaine, de 1 à 3 jours. Cette formule concerne 30% des collaborateurs. La formule B est mixte, avec certains jours fixes et certains jours flottants, en fonction de la saisonnalité de l’activité. Cette formule mixte concerne 25% des collaborateurs . La formule C est totalement flexible et concerne 45% des collaborateurs. Les jours de télétravail sont déterminés de façon mensuelle, en fonction du planning du collaborateur.
Qui détermine le choix de la formule ?
Le choix de la formule comme le taux d’activité maximum télétravaillable est à la main du manager. Par exemple, un manager dont l’équipe est composée de plus de 50% de nouveaux embauchés a fixé le taux maximum de télétravail a 40% au sein de son équipe car il a besoin que les anciens soient présents pour intégrer les nouveaux.
Avez-vous laissé plus de latitude aux managers ?
À la différence de l’accord précédent, nous avons donné la main aux managers de proximité pour définir la meilleure organisation. Nous avons fourni un effort de formation pour accompagner les managers au passage en mode hybride. Chaque manager définit avec son équipe une nouvelle charte, avec les jours de Team connect (jour où l’ensemble des collaborateurs et leur manager se retrouve pour échanger), les tâches à réaliser en distanciel et en présentiel, les nouveaux rituels. Cette disposition permet à chacun d’exprimer ses besoins, ses inquiétudes et recréer une vie d’équipe à distance. L’objectif est de préserver un collectif très solide, y compris en mode hybride.
Par ailleurs, pour chaque journée télétravaillée déclarée, le salarié perçoit 3 euros de dédommagement. Nous participons également aux frais d’installation des salariés à la maison, avec une indemnité de 150 euros à faire valoir sur un choix de mobilier que nous avons validé en amont avec des ergonomes.
Quels seront vos points de vigilance sur cette nouvelle organisation ?
Mon premier point de vigilance concerne les nouvelles embauches, notamment les jeunes, c’est pourquoi nous avons revu tout le processus d’on-boarding. Contrairement à ce qu’on pense, les seniors savent très bien passer en mode hybride, ils ont une profonde connaissance de l’entreprise et de leur métier et disposent d’un véritable réseau : ils savent très bien à qui téléphoner quand ils sont bloqués et sont autonomes dans leur travail. Les jeunes sans expérience, en revanche, n’ont ni les codes du monde du travail ni le réseau en interne. Nous devons être très vigilants à la façon dont on intègre les plus jeunes pour qu’ils montent en compétence et en autonomie, trouvent leur place au sein de l’entreprise et éviter ainsi des démissions prématurées.
Par ailleurs, nous devons veiller à ne pas créer de nouvelles formes de discrimination avec des personnes qui sont en télétravail et qui ne parviennent pas à suffisamment cloisonner la vie professionnelle et personnelle et pour lesquelles il y a un risque de décrochage. Je pense par exemple aux jeunes femmes avec enfants. En réinvestissant la maison, je ne voudrais pas qu’elles réinvestissent la charge mentale liée à celle-ci. Nous devons rester vigilants et trouver des indicateurs de suivi pertinents pour observer les évolutions.
Face à cette forte demande de télétravail, quelles sont les contreparties de la direction ?
Nous avons créé trois classes intermédiaires (4+ pour les non-cadres et 5+ et 6+ pour les cadres), ce qui doit permettre de créer une plus grande fluidité dans la gestion des parcours et carrières professionnelles. Auparavant, nous avions plus d’une dizaine de systèmes de temps de travail différents. Le salarié pouvait choisir d’avoir plus de jours de RTT et moins de rémunération variable.
Avec le mode de travail hybride, nous pensons qu’il y aura moins de jours de RTT. Nous allons vers un seul régime de temps de travail. A terme, tout le monde aura le même nombre de jours de RTT au sein d’une même équipe, avec le même variable. Cela sera plus équitable. Enfin, nous avons remplacé les anciens systèmes de compte épargne temps qui coexistaient par un CET avec des dispositifs d'épargne très orientés sur le départ en retraite.
Vous êtes la première femme et la première DRH à prendre la présidence de l’Anact. Quelle sera votre feuille de route ?
2022 sera une année charnière pour l’Anact car c’est celle du rapprochement avec les Aract. Nous devons faire en sorte que chacun trouve sa place et se focalise sur les enjeux de l’amélioration des conditions de travail. Aujourd’hui, l’Anact travaille avec toutes les entreprises mais le tertiaire est un observatoire de choix sur l’hybridation des modes de travail. Les métiers de l’assurance sont relativement télé-robustes, avec une vraie appétence à mettre en place le télétravail. Le secteur constitue donc un observatoire intéressant.
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