Les taux d’intérêt à long terme sont installés depuis plusieurs mois en territoire négatif. Ajoutée à l’impact psychologique de cette situation inédite, les assureurs français sont pénalisés, notamment ceux dont l’activité d’épargne en Euros est importante.
En effet, l’essentiel de leurs investissements s’effectue sous forme d’obligations à taux fixe. En arrivant progressivement à maturité, ces dernières se voient remplacées par des obligations dont le rendement est moindre, ce qui conduit à une dilution graduelle du rendement des portefeuilles. Les assureurs n’ont alors d’autre choix que de répercuter cet abaissement sur les taux de rendement servis aux assurés. Ainsi, nous anticipons que les taux servis au titre de l’année 2019 seront en baisse significative et ne devraient pas dépasser 1.4% en moyenne (contre 1.8% en 2018).
L’abaissement des taux servis aux assurés constitue une première ligne de défense très efficace et les assureurs vie français l’utilisent depuis de nombreuses années. Toutefois, si la situation actuelle devait perdurer, voire s’aggraver du fait d’éventuelles turbulences sur les marchés financiers, les assureurs disposent en plus d’une seconde ligne de défense, sous la forme d’une provision nommée « provisions pour participation aux excédents ». Une grande majorité d’assureurs en constitue prudemment depuis plusieurs années et le montant total excédait 50 milliards d’Euros à fin 2018 (soit environ 4% des encours d’assurance vie en Euros). Cette provision, dont le mécanisme a fait ses preuves lors de la crise des dettes souveraines de 2011, pourrait à nouveau être utilisée dans différents scenarios de stress et des réflexions sont en cours pour en assouplir encore davantage les conditions d’utilisation.
Au-delà de ces deux éléments de confort, les modalités d’accès aux fonds Euros devraient continuer à être durcies, avec des conditions tarifaires moins favorables et une exigence accrue d’allocation sur des supports en unités de compte dès lors que cela ne contrevient pas au devoir de conseil. Enfin, il convient de rappeler que la plupart des assureurs exercent des activités diversifiées dont les résultats sont largement décorrélés du niveau des taux d’intérêt.
Au final, les assureurs français disposent donc d’un arsenal de moyens significatif pour faire face à l’environnement actuel. Pour autant, les bénéfices de la gestion prudente menées depuis de nombreuses années, y compris en matière de taux minimum de rendement garantis, s’amoindrissent d’année en année. C’est pourquoi, la prolongation dans la durée de la situation de taux actuelle, voire son aggravation, pourrait nous amener à reconsidérer nos perspectives sectorielles et, le cas échéant, la notation des assureurs les plus concernés.
Marc-Philippe Juilliard, Directeur, S&P Global Ratings
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