Thierry Beaudet s'oppose à "l’économie de la réparation pour des gens cabossés"

vendredi 14 juin 2019
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Selon Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, la CMU-C contributive et la résiliation infra-annuelle risquent d’enfermer les mutualistes dans l’économie de la réparation pour des gens cabossés.

Reçu par l’Association nationale des journalistes de l’assurance (Anja), Thierry Beaudet est revenu sur la résiliation infra-annuelle, la CMU-C contributive, le 100% santé, les frais de gestion et ses relations avec le gouvernement.

« La résiliation infra-annuelle c’est une défaite de la solidarité, une défaite du dialogue. C’est une fausse bonne idée portée par des gens qui pensent que notre système a besoin de plus de concurrence alors que nous pensons qu’il a besoin de plus de solidarité », estime Thierry Beaudet.

La résiliation infra-annuelle bénéficiera uniquement à « ceux qui en ont les clés, ceux qui comprennent comment fonctionne le système, ceux qui vont rechercher une offre avec le meilleur calcul coût avantage immédiat. Ce n’est pas notre logique en Mutualité » poursuit-il.

« Si on continue de procéder comme ça, résiliation infra-annuelle, CMU-C contributive, nous allons faire des mutualistes les acteurs de l’économie de la réparation pour des gens cabossés. Nous voulons nous adresser à l’ensemble de la population, à tous les revenus, parce que c’est à cette condition-là que nous pouvons organiser des mutualisations et notamment avec l’idée que chacun ne paie pas exactement le coût de son risque », argumente-t-il.

Une autre option pour Thierry Beaudet pour faire face à la résiliation infra-annuelle est de « segmenter davantage, tarifer davantage en se rapprochant du coût de risque. Nous savons faire, mais nous ne pratiquerons pas le métier comme nous avons envie de le pratiquer », regrette-t-il

Sur l’impact précis de la résiliation infra-annuelle sur les mutuelles, Thierry Beaudet admet que « les mutuelles sont plus présentes sur le risque individuel » que d'autres organismes complémentaires.« Nous pouvons être davantage touchés que les autres familles d’acteurs. Cela dit, je ne crois pas au tsunami. Je pense que les dirigeants de l’UFC Que Choisir se fourvoieront. Nous ne raisonnons pas sur les questions de santé comme on raisonne sur de l'électroménager ».

Pour se distinguer des acteurs lucratifs, Thierry Beaudet emprunte une idée de Stéphane Dedeyan, directeur général du groupe Vyv. « Je souhaite qu’on mette de plus en plus en évidence en Mutualité le 'dividende social' des mutuelles. Dans le monde de l’entreprise lucrative, il y a un compte de résultat et parfois on distribue un dividende aux actionnaires. Nous en Mutualité, nous sommes performants, nous avons un résultat et au-delà on distribue un dividende social qui correspond à la contribution que l'on va volontairement accepter de mettre pour financer les bénéficiaires de l’ACS (future CMU-C contributive). C’est la contribution que volontairement on va mettre pour continuer à faire vivre le centre de santé de Basso Cambo dans le quartier du Mirail de Toulouse… Je veux qu’on engage un travail de fond parce que je pense que les gens sont en quête de sens et que nous avons un énorme travail à faire pour identifier, chiffrer et valoriser ces dimensions-là ».

Revoir la composition des frais de gestion

Dans le cadre de la résiliation infra-annuelle, les mutuelles seront obligées de communiquer le taux de redistribution par catégorie de contrat. La ministre Agnès Buzyn demande aux complémentaires santé de baisser les frais de gestion. Thierry Beaudet rappelle que 50% des frais de gestion concernent la masse salariale et 50% tout le reste. Il rappelle que le nombre de mutuelles est passé de plus de 6.000 à moins de 600 en 20 ans. « Nous avons fait tout ça, sans quasiment aucun PSE. Il a fallu s’organiser, former les gens… Je n’ai pas connaissance d’une mutuelle 45 qui a un centre de gestion à l’étranger. Parfois j’ai le sentiment que tout ce que l’on a fait ne compte pas », déclare-t-il.

Avec l’aval de la direction de la Sécurité sociale, Thierry Beaudet souhaite extraire des frais de gestion certaines dépenses comme "la taxe médecin traitant" et "les actions de prévention". « J’aimerais en plus qu’on chiffre le coût de la réglementation qui est extraordinairement important », ajoute Thierry Beaudet. Il a également proposé de chiffrer le manque à gagner sur la CMU-C contributive qu’il estime à 8 euros par an et par bénéficiaire afin de pouvoir, à terme, renégocier le montant forfaitaire de frais de gestion dont les mutuelles vont bénéficier.

Les relations avec le gouvernement

Interrogé sur ses relations avec le gouvernement, Thierry Beaudet a dit :« Je pense que le président Macron, à tort, nous assimile à une forme d’économie de la rente qu’il faut secouer ». Plutôt qu’une perte d’influence de la Mutualité française, pour Thierry Beaudet c’est « la méthode de ce gouvernement, qui entend mais n’écoute pas ».

Thierry Beaudet considère que le 100% santé « restera comme un marqueur social du quinquennat ». Le président de la Mutualité Française est également revenu sur la réunion de décembre dernier avec Emmanuel Macron pendant laquelle les organismes complémentaires se sont engagés à ne pas augmenter les cotisations au titre du 100% santé en 2019.

Pour Thierry Beaudet, la réaction du gouvernement « a révélé une situation de panique de l’exécutif, d’hystérisation » provoqué par un courrier envoyé par une mutuelle. Il fait référence au courrier envoyé par La Mutuelle Centrale des Finances dans lequel elle annonçait une augmentation de cotisation au titre du 100% santé. Avec le recul, Thierry Beaudet fait l'analyse suivante : Le 100% santé était à la base une réforme « d’accès aux soins » et est devenue une « réforme de pouvoir d’achat » suite à la crise des gilets jaunes.

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