Thierry Derez : "PartnerRe nous apporterait le savoir et les capitaux"
INTERVIEW – Quelques jours après l'annonce de l'acquisition de PartnerRe par Covéa, Thierry Derez, PDG du groupe mutualiste et Paul Esmein, son directeur général de l'offre et du service client, détaillent les ambitions et les modalités de ce rapprochement.
Quelle est votre ambition avec l'acquisition de PartnerRe ?
Thierry Derez : Nous souhaitons occuper l'ensemble de la chaîne de protection. Cette chaîne s'étend de l'assurance primaire jusqu'à la protection contre les grands risques, comme les catastrophes naturelles et le risque qui va progressivement prendre de l'ampleur, à savoir le cyber. Nous devons anticiper une modification de la matière assurable induite par les nouvelles technologies, que ce soient la voiture autonome ou la domotique. Nous pouvons imaginer que les entreprises comme les constructeurs automobiles fournisseurs de fluides (électricité, gaz...), assumeront le risque de fréquence et se tourneront vers les réassureurs pour l'intensité. Demain les acteurs qui tireront leur épingle du jeu seront ceux qui auront le savoir et les capitaux.
Quel est le plan de développement de la réassurance ?
Thierry Derez : Notre ambition est de nous développer sur toutes nos activités. En assurance primaire, nous visons une progression du chiffre d'affaires de 2% chaque année. En réassurance, cela dépendra, notamment, de l'évolution des tarifs.
Paul Esmein : Il faut viser une croissance qui soit compatible avec nos équilibres techniques. Il existe par ailleurs des effets de cycle beaucoup plus marqués en réassurance qu'en assurance. Par exemple, s'il n'y a pas de catastrophes naturelles pendant plusieurs années, les prix vont baisser, alors qu'en cas d'évènements d'envergure, les prix peuvent remonter très vite. Il peut arriver que les réassureurs assument une baisse de leur chiffre d'affaires. C'est même le signe d'une gestion saine et d'une certaine discipline technique. Et PartnerRe ne fait pas exception.
PartnerRe a-t-il vocation à se développer sur l'assurance primaire ?
Thierry Derez : Aujourd'hui, le fait que PartnerRe soit un pur réassureur est un atout. C'est son fonds de commerce. Mais comme tous les fonds de commerce, il va évoluer. Notamment parce que la réalité ne correspond pas nécessairement au dogme qui veut qu'un réassureur se cantonne à la réassurance et qu'un assureur se cantonne à l'assurance primaire. Aujourd’hui, la plupart des réassureurs ont une activité d'assurance primaire et cela ne les empêche pas d'être présents sur les programmes de réassurance de cédantes dont ils sont devenus, de fait, des concurrents.
Le cas de Swiss Re et d'Ikea est particulièrement intéressant sur ce point. Car il ne s'agit pas ici d'équiper un assureur, mais un nouvel entrant sur le marché. Swiss Re créé finalement un nouveau concurrent à ces cédantes. Il existe déjà chez PartnerRe des lignes de risques de spécialités pour lesquelles la frontière entre assurance et réassurance est floue.
PartnerRe conserverait-il son nom ?
Thierry Derez : Dans le groupe Covéa nous avons la culture des marques. Comme pour Maaf, MMA ou encore GMF, nous conserverions donc le nom de PartnerRe.
La gouvernance actuelle de PartnerRe serait-elle modifiée ?
Thierry Derez : Nous conserverions l’équipe de direction en place, équipe que nous avons rencontrée à plusieurs reprises et qui a une très bonne réputation sur la place.
La gouvernance de Covéa intègrerait-elle des membres de PartnerRe ?
Thierry Derez : PartnerRe n’étant pas une mutuelle, il n’y aurait pas de responsable du réassureur au conseil d’administration de la Sgam. Je rappelle qu’il s’agit pour nous d’une acquisition. PartnerRe se situerait donc aux côtés de Maaf, GMF et MMA. Il n’y aurait pas de représentant de PartnerRe au conseil d’administration de Covéa. Enfin, sur un plan plus opérationnel, nous pourrions réfléchir à faire entrer des représentants de PartnerRe au Comex de Covéa.
Les échanges que vous avez eu récemment avec l'ACPR vous incitent-ils à modifier votre gouvernance ?
Thierry Derez : Selon nous, une gouvernance se juge à deux éléments : la paix institutionnelle et la prospérité. La paix institutionnelle cimente et permet de faire fonctionner le groupe et la prospérité permet d’avoir un niveau de solvabilité aujourd’hui supérieur à 400%, le tout avec un modèle standard, sans mesures transitoires, ni effet d’optimisation. Je rappelle par ailleurs que tout ce que l’on a bâti jusque-là a été validé par l’ACPR : la création de Covéa Coopération et ma nomination à sa tête, ou encore le fait que je sois PDG de la Sgam Covéa.
Est-ce un moyen pour inciter à préparer l’après Thierry Derez à la tête du groupe ?
Thierry Derez : Nous y pensons et nous souhaitons que la personne qui sera en charge de faire fonctionner le groupe ait les moyens et les leviers adéquats pour y parvenir.
Propos recueillis par Florian Delambily et Thierry Gouby
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