Vincent Letac : "Le marché est revenu à des fondamentaux techniques plus raisonnables"
INTERVIEW - Vincent Letac, CEO d'Helvetia France, revient sur un exercice 2020 si particulier. Il dévoile également les ambitions de l'assureur grands risques sur le IARD.
Pouvez-vous revenir sur l’exercice 2020 d’Helvetia France ?
Depuis deux exercices, nous sommes dans une très bonne phase de croissance. Nous sommes passés d’un chiffre d’affaires de 200M d’euros en 2018 à 260M d’euros l’année dernière et 2020 devrait nous permettre de dépasser assez largement les 300M d’euros.
Cette progression de plus de 50% de nos volumes de vente en deux ans s’accompagne de très bons résultats techniques, notre ratio technique s’établissant comme l’an dernier à un niveau très satisfaisant. Toutefois, du fait de la crise, nous avons été impactés négativement par nos résultats financiers. Notre résultat sera donc inférieur à nos attentes.
Justement, quels ont été les impacts du coronavirus sur l’organisation de l’entreprise ?
Le confinement nous a poussés à tester le 100% télétravail, même si certains de nos collaborateurs travaillaient déjà à distance un jour par semaine. Si auparavant je n’y étais pas très favorable, force est de constater que le télétravail fonctionne plutôt bien et nous allons l’encourager davantage à l’avenir, notamment pour favoriser l’équilibre entre la vie privée et professionnelle de nos collaborateurs.
Nous étions techniquement prêts et la transition s’est faite sans heurt pour nos clients. Cette situation a surtout permis d'avancer vers davantage de digitalisation avec nos partenaires, particulièrement dans la dématérialisation des documents. Les traditionnalistes ont ainsi accepté de nous faire enfin des virements bancaires après des années de paiements par chèque ! Pour éviter les retards dans les expertises sinistre, nous avons également poussé la visio-expertise qui, dans le secteur du transport, était plutôt une nouveauté.
In fine, cette situation a été une avancée pour l’entreprise et nous a fait gagner quelques années.
Pourquoi accélérez-vous sur le IARD, notamment dans la réorganisation de vos équipes de souscription ?
Helvetia France est aujourd’hui un acteur parfaitement bien référencé sur l’assurance Transport, mais cette branche ne représente que 2% des 50Mds d’euros de primes annuelles non-vie du marché. Nous revendiquons aujourd’hui environ 20% de part de marché sur cette activité, mais il était devenu difficile d’y réaliser une croissance saine.
Nous avons donc souhaité nous diversifier pour devenir un acteur multi spécialiste IARD à destination des PME, PMI et ETI. Depuis 5 ans, nous avons ainsi élargi notre offre avec le lancement d’une activité Fine Art en 2016, une branche construction (TRC / DO) en 2017, une branche risques techniques / bris de machines en 2018 et l’extension de nos activités dommages aux biens l’année dernière. En 2020, nous avons lancé une offre RC Entreprise ainsi qu’une RC Circulation qui complète les couvertures de nos clients routiers assurés en dommage aux véhicules et responsabilité contractuelle. Pour accompagner cette diversification, nous avons embauché entre 40 et 50 personnes par an depuis 2018 et fait le choix d’un positionnement décentralisé. Aujourd’hui, 160 de nos 320 collaborateurs sont au Havre, 60 à Paris, et 100 dans nos bureaux de province. Nous souhaitons avoir des équipes déportées pour favoriser le travail avec le courtage de proximité. Pour une meilleure lisibilité, nous avons donc choisi de structurer nos équipes de souscription en deux pôles : l'un dédié à l' IARD, l'autre au Transport.
Aujourd’hui, les activités Transport et Dommages aux véhicules représentent 200M d’euros, soit les 2/3 du chiffre d’affaires pour Helvetia France. Compte tenu des perspectives de croissance plus forte en IARD, nous devrions arriver à un équilibre entre les deux activités d’ici 5 ans. Nous gardons le même appétit de souscription avec les mêmes capacités théoriques mobilisables : 30M d’euros en Transport et 50M d'euros en IARD.
Quid des possibilités de croissance sur le segment Transport, sur lequel vous êtes un acteur de référence ?
Jusqu’en 2018, les conditions de souscription ne permettaient plus de réaliser de croissance saine. Depuis, le marché est revenu à des fondamentaux techniques plus raisonnables ce qui nous permet d’envisager de nouvelles perspectives de développement.
Si nous avions volontairement fait le choix de réduire notre chiffre d’affaires sur cette branche en 2016 et 2017, nous avons de nouveau enregistré une croissance de 10% sur chacun des deux derniers exercices.
Toujours sur cette branche, nous avons ouvert un bureau à Londres en 2018 pour capter le retournement de marché que nous sentions venir là-bas également. Nous y réalisons aujourd’hui un chiffre d’affaires de 15M d’euros, uniquement sur les risques corps de navires. Nous avons ouvert également en 2018 un bureau de représentation à Dakar ce qui nous permet d'être agréé comme réassureur en zone CIMA et ainsi de pouvoir proposer des solutions à nos clients sur le continent africain.
Comment travaillez-vous aujourd’hui avec le courtage ?
Nous avons une politique de codes très ouverte et nous acceptons de travailler avec tous les intermédiaires sérieux sans pour autant exiger un minimum de primes apportées. Nous travaillons avec 3.000 courtiers partenaires de toutes tailles, ce qui nous permet de ne pas être dépendant. Notre plus gros apporteur ne représente par exemple que 4% de notre chiffre d’affaires.
Sur ce sujet du courtage, nous avons également renforcé nos équipes d'inspecteurs et responsables du développement commercial qui, dans chacune de nos délégations régionales, sont dédiés à l'animation de notre réseau mais aussi au développement avec de nouveaux courtiers qui ne nous connaissent pas encore.
Avez-vous aussi revu le wording de certains de vos contrats suite à la pandémie ?
Concernant le sujet de perte d’exploitation non-consécutive à un dommage durant la pandémie de coronavirus, nous avions dans nos portefeuilles moins d’une cinquantaine de contrats concernés. Même si nous n’avons pas eu de réclamation, il s’agissait de vieux contrats dont la rédaction n’était plus adaptée et pour lesquels nous avons voulu clarifier la situation. J’ajoute que nos partenaires réassureurs nous imposent désormais des clauses d’exclusion pandémies strictes. In fine, alors que certaines garanties du marché étaient sans doute mal rédigées et ont pu être sujettes à interprétation, l’intention des assureurs n’a jamais été de couvrir les conséquences d’une telle pandémie.
Quels nouveaux produits projetez-vous de lancer à plus ou moins long terme et pour quelles cibles ?
En parallèle de l’offre RC Circulation pour les transporteurs routiers que nous venons de lancer en Octobre 2020, nous réfléchissions à une offre cyber, mais le marché n’est pas encore à maturité, notamment dans l’approche technique de ce risque.
Sur ce point, je préconiserais qu'assurés et assureurs puissent bénéficier d'une évaluation et d'une surveillance du risque cyber des entreprises faite par un organisme tiers, à l'instar de ce qui est pratiqué pour les bateaux de commerce avec les sociétés de classification. Cela permettrait une meilleure maitrise de ce risque au sein des entreprises et donc d'une couverture pérenne par les assureurs.
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