Veillée d’armes à Château La Pointe. Eric Monneret, qui dirige ce cru de 22 hectares de Pomerol, savoure quelques instants de calme avant le coup d’envoi des vendanges. Il en profite aussi pour présenter ce domaine à une délégation de cadres de Generali, descendus pour mieux connaître cette perle.
Car depuis son rachat en 2009, ce vignoble a été rénové en profondeur : près de 12 hectares ont étés arrachés et replantés. Quant au chai, son extension a été confiée à un architecte. La demeure a subi un sérieux lifting avec une décoration chic et contemporaine, agrémenté de tirages photos de son régisseur. Qui emploie une métaphore tirée de sa passion, pour résumer son travail : « un laboratoire ne fera que révéler une photo. Dans le vin, tout part de la vigne, pas de la vinification. Voilà pourquoi avec Hubert de Boüard, nous avons scruté chaque cep pendant un an ».
Generali ne s’est pas découvert une passion soudaine pour la vigne. En fait, le mariage de l’assurance avec le vin est plutôt ancien. Groupama initia la tendance en 1974 en mettant la main sur Nalys, en Châteauneuf du Pape. La compagnie La France, tombée dans l’escarcelle de l’Italien, rachètera un château éponyme dans l’Entre-Deux-Mers. La petite histoire veut qu’Antoine Bernheim se lamentait de la piètre qualité de ses flacons… Plus tard, AGF, Axa ou AG2R-La Mondiale empêcheront de riches étrangers de faire main basse sur quelques fleurons.
Ces acquisitions obéissent aussi à une logique de placement : « Nous devons servir des retraites. Nous devons donc placer l’argent de nos collectes sur des placements produisant des rendements réguliers et sur le très long terme. Le vin existe depuis quelques millénaires et continuera d’être dégusté dans un futur très lointain » explique le DG d’un institut de prévoyance. La boucle est bouclée !
Mais cet intérêt ne se limite pas à ces considérations. Les assureurs ont bien compris l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de ces actifs. D’abord vis-à-vis de leurs salariés et administrateurs, qui parfois ne voient pas d’un très bon œil ces acquisitions, soupçonnées d’être des caprices forts dispendieux. Chaque année, SMABTP et d’autres organisent des souscriptions privées, également ouvertes aux courtiers et autres partenaires, conviés aussi à des événements dans les châteaux.
Pas question non plus de tolérer un foyer de pertes. Si le code des assurances les considère comme des obligations, leurs propriétaires les gèrent comme des immeubles. Carte blanche est donc laissée à des hommes de l’Art, pilotant aussi de lourds investissements. Chez SMABTP, on se souvient avoir mis plus de 15M d’euros sur quatre ans pour replanter des hectares de vignes à Château Cantemerle, sis à Saint-Emilion. Ce qui n’empêche nullement les uns et les autres de s’attacher à rationaliser et mutualiser du matériel ou des installations dispersées sur plusieurs châteaux. Dans le même ordre d’idées, Suravenir, acquéreur cet été de Château Calon-Ségur tablerait sur 5M d’euros d’investissements pour rénover ses vignes.
Cet engouement peut-il s’amplifier ? Hormis Axa, aucun n’a été jusqu’à se lancer dans une stratégie d’acquisitions autour du monde. En revanche, tous avouent à mots plus oui moins couverts guetter d’éventuelles ventes de vignes adjacentes…
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