Bernard Jeannot - Triangl' : "Generali France est encore trop timide !"
INTERVIEW - Après 8 ans à la tête du syndicat des agents généraux du réseau Generali France, Bernard Jeannot quittera bientôt la présidence de Triangl'. Il revient pour News Assurances Pro sur son parcours et livre sa vision du métier.
Quel bilan tirez-vous de vos huit dernières années de présidence ?
La période a été très compliquée. Lorsque l'on regarde l'état du réseau aujourd'hui, il compte 700 agents généraux (pour 540 codes agences) alors qu'ils étaient environ 1200 il y a plus de 10 ans. Nous avons perdu sur cette période presque 500 agents.
Le syndicat Triangl' a fait un travail de résistance important durant ces huit dernières années, pour défendre les intérêts des agents. La perte du statut APE (Agence de plein exercice, disposant de pouvoirs accrus) pour 350 agents du réseau en 2013 a été un coup dur car cela nous permettait du faire du business de manière intelligente avec des délégations et habilitations pour souscrire et sélectionner des risques. 80% des agents APE bénéficiaient d'un intéressement, c'est donc qu'ils étaient rentables.
Et sur le plan commercial ?
Ce fut un cycle avec d'avantage de politiques de redressements financiers que de développements commerciaux, ce que je regrette, car cela nous aurait évité des pertes sur le stock. Malheureusement, nous avons connu 7 ans de jachère sur cette politique de développement et chaque agence a perdu environ 20% de chiffre d'affaires sur cette période.
L'arrivée de la nouvelle direction en juillet dernier a-t-elle fait évolué la situation ?
Même s'il y a une forte volonté affichée, tout n'est pas encore au rendez-vous. Si le chiffre d'affaires de la compagnie est correcte en multi-distribution, pour les réseaux d'agents, à fin septembre 2018, la progression n'est que de 0,1%, avec 24 millions d'euros de revalorisation, tous marchés confondus. Sans cette revalorisation, nous serions négatifs.
En parallèle, il semble y avoir une volonté de la compagnie de maîtriser la souscription dans le but de ne pas dégrader, voire d'améliorer les COR (ratios combinés). Nous sommes en-deçà des chiffres espérés dans une conjoncture qui permet pourtant d'être performants sur certains marchés. Nos ratios techniques se sont améliorés et sont aujourd'hui autour de 97%. Notre compagnie a pour objectif un COR à 95% à horizon 2020.
Que doit faire la compagnie selon vous ?
Le syndicat a toujours été dans un esprit positif malgré tout ce qu'il a traversé. Aujourd'hui, nous avons envie, plus que la compagnie, de réussir mais elle doit nous en donner les moyens.
Pour ce faire, elle doit être plus rapide avec une qualité de service irréprochable. La direction est dans cette optique mais ce n'est pas suffisant. Il faut des gestes forts pour prouver l'attachement de la mandante à son réseau, mais cela peine à démarrer... La compagnie est encore trop timide !
Où en sont les outils informatique du réseau ?
Nous devons pouvoir compter sur des outils informatiques à la hauteur et ce n'est pas le cas. Il y a trop de pannes. Notre dernier mot d’ordre syndical à destination de la compagnie explique que nous ne recevrons plus ni audits, ni inspecteurs, tant que l'informatique ne sera pas réparée. La compagnie a mis en place un programme de déploiement et de réparation de nos outils sur trois mois pour permettre aux agents de retrouver rapidement un quotidien à la hauteur.
La création d'un GIE en mai 2017 avec une plateforme de gestion de sinistres a pourtant été jugée comme une réussite
La construction de cette plateforme de gestion de sinistres dédiée aux agents et pilotée avec la compagnie a été une formidable et unique aventure. Nous en sommes fiers mais comme tout nouveau projet nous essuyons les plâtres.
Nous devons d'abord améliorer encore nos délais de gestion. Lorsqu'un agent décide de déléguer ses sinistres et débourser 38 euros par dossier, il doit prétendre à une qualité de service.
Il nous faut ensuite trouver et former des collaborateurs/trices à la gestion de sinistres avec une approche client qui n'est pas la même qu'avec un agent. Le nombre de demandes d'agents qui veulent rejoindre la plateforme est aujourd'hui trop important. Nous avions un objectif de 250 agents à la fin de l'année mais nous n'y serons pas car il n'y a pas les compétences pour suivre. On ne pourra attirer de plus en plus d'agents que si la qualité de service est au rendez-vous et il manque encore des passerelles et un relationnel entre agences et gestionnaires sinistres.
Comment voyez-vous l'évolution du métier pour les prochaines années ?
Je vois quatre piliers indispensables. D'abord, face au comportement client qui à évolué, l'agent va devoir s'adapter. Les consommateurs sont mieux informés, plus exigeants et volatiles, notamment sur le marché du particulier. Ce marché doit être traité à moindre coût dans les agences. Il faut gagner du temps commercial sur la gestion, sans supprimer nos fonds de portefeuille.
Il y a ensuite la question de la rentabilité des compagnies sur le marché du dommages. Dans un souci de maîtrise des ratios combinés, étoffer le réseau avec de nouveaux acteurs (agents généraux ou courtiers qui veulent se mettre à l'abri) semble la solution préconisée par la compagnie pour consolider son chiffre d'affaires et améliorer sa croissance. Il ne faut surtout pas croire que la compagnie va ouvrir les vannes aux agents qui composent actuellement le réseau. Il faut donc qu'ils aillent chercher la marge d'une manière différente.
De son côté, le digital est un outil formidable pour économiser sur les coûts de gestion et permettre la réorientation des clients vers les agences. La relation client connectée permet de dégager du temps commercial mais il faut que le compagnie nous donne les applicatifs et les produits adaptés pour aller plus vite.
Enfin, concernant la réglementation, elle va clairement impacter la réorganisation des agences. Il faudra là aussi s'appuyer sur les compagnies, notamment sur la publication des documents légaux.
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